Bernardin de Saint-Pierre – Paul et Virginie (1788)
Ce récit est non seulement le chef-d’œuvre de l’auteur, mais encore un des chefs-d’œuvre du 18e siècle. Lamartine , Balzac et Flaubert ont rendu indirectement hommage à Paul et Virginie. Trois de leurs héroïnes, Graziella (Graziella, 1849), Véronique ( le Médecin de campagne, 1833) et Emma Bovary ( Madame Bovary , 1856) apparaissent chacune penchée sur ce roman. Une histoire de corps trop jeunes et de civilisation trop vieille, de nature trop verte et de tabou trop fort.
Ce passage des amours de Paul et Virginie décrit le merveilleux sentiment que Paul éprouve à la seule vue de Virginie.
Première lecture :
Quelquefois seul avec elle (il me l’a mille fois raconté) il lui disait au retour de ses travaux : « Lorsque je suis fatigué, ta vue me délasse. Quand du haut de la montagne, je t’aperçois1 au fond de ce vallon, tu me parais, au milieu de nos vergers, comme un bouton de rose. Si tu marches vers la maison de nos mères, la perdrix qui court vers ses petits a un corsage moins beau et une démarche moins légère. Quoique je te perde2 de vue à travers les arbres, je n’ai pas besoin de te voir pour te retrouver ; quelque chose de toi que je ne puis dire reste pour moi dans l’air où tu passes, sur l’herbe où tu t’assieds. Lorsque je t’approche, tu ravis tous mes sens. L’azur du ciel est moins beau que le bleu de tes yeux, le chant des bengalis moins doux que le son de ta voix. »
1je t’aperçois – Il faut un ç devant le o pour faire le son s.
2quoique je perde – “Quoique” est suivi obligatoirement du subjonctif.