Paul Verlaine – Bonheur (1891)
Paul Verlaine est avant tout le peintre des clairs-obscurs et des nuances. L’emploi fait par Verlaine de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirme bien, rapprochant l’univers poétique des plus belles oeuvres de la peinture impressionniste.
Ce poème appartient au recueil Bonheur
Première lecture :
Son bras droit, dans un geste aimable de douceur,
Repose autour du cou de sa petite sœur,
Et son bras gauche suit le rythme de la jupe.
À coup sûr une idée agréable l’occupe,
Car ses yeux si francs, car sa bouche qui sourit
Témoignent d’une joie intime avec esprit.
Oh ! sa pensée exquise et fine, quelle est-elle ?
Toute mignonne, tout aimable1, et toute belle,
Pour ce portrait, son goût infaillible a choisi
La pose la plus simple et la meilleure aussi :
Debout, le regard droit, en cheveux ; et sa robe
Est longue juste assez pour qu’elle ne dérobe
Qu’à moitié sous ses plis jaloux le bout charmant
D’un pied malicieux imperceptiblement.
1tout aimable – “Tout” est ici un adverbe et signifie “très”. C’est un adverbe variable, exceptionnellement. Placé devant un féminin qui commence par une voyelle il peut -ce n’est pas obligatoire- ne pas prendre de e final: elle est tout aimable.