Émile Zola – Les Rougon-Macquart, L’argent (1891)
Zola fait partie du mouvement littéraire naturaliste. Ses descriptions d’événements humains et de faits sociaux ont une rigueur scientifique.
L’Argent fait partie de la série des Rougon Macquart. Zola y critique violemment les spéculations financières.
Dans ce passage, Sigismond Busch, un socialiste utopique, évoque une “cité de justice et de bonheur” où l’argent n’existerait plus, mais le financier capitaliste Saccard n’est pas d’accord.
Première lecture :
Il faut détruire cet argent qui masque et favorise l’exploitation du travailleur, qui permet de le voler, en réduisant son salaire à la plus petite somme dont il a besoin pour ne pas mourir de faim. N’est-ce pas épouvantable, cette possession de l’argent qui accumule les fortunes privées, barre le chemin à la féconde circulation, fait des royautés scandaleuses, maîtresses souveraines du marché financier et de la production sociale? Toutes nos crises, toute notre anarchie vient de là… Il faut tuer, tuer l’argent!
Mais Saccard se fâchait. Plus d’argent, plus d’or, plus de ces astres luisants qui avaient éclairé sa vie! Toujours la richesse s’était matérialisée pour lui dans cet éblouissement de la monnaie neuve, pleuvant comme une averse de printemps, au travers du soleil, tombant en grêle sur la terre qu’elle couvrait, des tas d’argent, des tas d’or qu’on remuait à la pelle pour le plaisir de leur éclat et de leur musique. Et l’on supprimait cette gaieté1, cette raison de se battre et de vivre!
-C’est imbécile, oh, ça, c’est imbécile!… Jamais, entendez-vous!
1la gaieté – L’orthographe ancienne la gaîté a été abandonnée sauf dans “La rue de la gaîté” ou “le théâtre de la gaîté”, des lieux parisiens.