Souvenirs d’un moineau
© Imago, 1998
Émile Nouguier, chef d’une bande de voleurs, attiré par les thèses anarchistes, est incarcéré pour meurtre à la prison Saint-Paul de Lyon et condamné à mort. En 1899, il rencontre le Professeur Alexandre Lacassagne, fondateur de la criminologie française qui, accompagné de ses étudiants, rend souvent visite aux détenus. À la demande du professeur, qui remarque son goût pour l’écriture et souhaite comprendre les motivations profondes des délinquants, Émile Nouguier entreprend de rédiger son autobiographie. En voici le début.
Première lecture :
Avant de commencer à écrire quelque chose, il me semble qu’il est bien permis de se demander pourquoi l’on écrit; aussi est-ce la première question qui se présente à mon esprit. Beaucoup écrivent et répandent leurs oeuvres pour en retirer un plaisir; d’autres, plus ambitieux, ont écrit pour entourer leurs noms d’une auréole de gloire; et d’autres pour faire savoir à leurs semblables1 quelles étaient leurs idées, sans oublier toutefois de les garantir comme supérieures; d’autres, possédant une âme plus élevée, ont écrit pour apprendre à leurs semblables ce qui pourrait leur être utile dans le cours de la vie; mais je crois que je n’en finirais plus si je voulais énumérer tous les motifs qui ont poussé et qui poussent les hommes à la littérature. Pour moi, humble habitant de ce misérable monde, le sentiment qui me guide est la reconnaissance.
1leurs semblables – les autres hommes, les autres êtres humains.