Victor Hugo – Les Misérables (1862)
Après les révoltes de 1848, Hugo, devant l’indifférence des catholiques face à la misère des ouvriers, n’accorde plus de confiance aux religions. Sensible aux mystères du monde, il adapte sa vision spirituelle de l’univers à une conception rationaliste et optimiste de l’histoire de l’humanité. Au fil des ans, il devient foncièrement anticlérical et dénonce avec force l’obscurantisme, l’injustice et la peine de mort.
Dans ce passage des Misérables, Jean Valjean se constitue prisonnier pour sauver Champmathieu, accusé à sa place d’avoir volé Petit-Gervais.
Première lecture :
Écoutez, messieurs les juges, un homme aussi abaissé que moi n’a pas de remontrance à faire à la providence ni de conseil à donner à la société; mais voyez-vous, l’infamie d’où j’avais essayé de sortir est une chose nuisible. Les galères font le galérien. Recueillez cela, si vous voulez. Avant le bagne, j’étais un pauvre paysan très peu intelligent, une espèce d’idiot; le bagne m’a changé. J’étais stupide, je suis devenu méchant; j’étais bûche, je suis devenu tison. Plus tard l’indulgence et la bonté m’ont sauvé, comme la sévérité m’avait perdu. Mais, pardon, vous ne pouvez pas comprendre ce que je dis là. Vous trouverez chez moi, dans les cendres de la cheminée, la pièce de quatre sous que j’ai volée1 il y a sept ans à Petit-Gervais. Je n’ai plus rien à ajouter. Prenez-moi2.
1la pièce que j’ai volée – Le participe passé d’un verbe qui utilise l’auxiliaire avoir s’accorde avec un complément d’objet direct placé avant le verbe. “Que” est le complément d’objet direct qui représente “la pièce”, un féminin singulier.
2prenez-moi – On met un tiret entre un impératif et un pronom complément : asseyez-vous, donnez-lui une réponse.