George Sand – François le Champi (1850)
George Sand, femme d’exception, écrivaine, journaliste, engagée dans la vie sociale et politique, reste un emblème de la lutte pour la liberté de penser, d’exister, de créer.
François le Champi, le héros du livre, est le fils adoptif d’un couple de meuniers, éloigné par le mari à l’adolescence. Il revient au village pour aider sa jeune mère adoptive devenue veuve. Il la sauve d’une situation financière difficile, en devient amoureux et l’épouse.
Ce passage est l’avant-propos. George Sand est avec son ami François Rollinat, qu’elle nomme R.
Première lecture :
Nous revenions de la promenade, R. et moi, au clair de lune qui argentait faiblement les sentiers dans la campagne assombrie. C’était une soirée d’automne tiède et doucement voilée; nous remarquions la sonorité de l’air dans cette saison et ce je-ne-sais-quoi1 de mystérieux qui règne alors dans la nature. On dirait qu’à l’approche du lourd sommeil de l’hiver chaque être et chaque chose s’arrangent2 furtivement pour jouir d’un reste de vie et d’animation avant l’engourdissement fatal de la gelée: et, comme s’ils voulaient tromper la marche du temps, comme s’ils craignaient d’être surpris et interrompus dans les derniers ébats de leur fête, les êtres et les choses de la nature procèdent sans bruit et sans activité apparente à leurs ivresses nocturnes. Les oiseaux font entendre des cris étouffés au lieu des joyeuses fanfares de l’été.
1un je-ne-sais-quoi – quelque chose de subtil, de réel mais de difficile à appréhender.
2s’arrangent – Il y a deux sujets, “chaque être et chaque chose”, donc le verbe est au pluriel.