Qu’appelle-t-on un arobase, ou une arobase d’ailleurs, car les deux genres sont attestés? C’est un signe utilisé en informatique pour lire une adresse de courriel, par exemple untel @ mondomaine.com
Si je donne mon adresse à des correspondants anglophones, ils me font presque systématiquement répéter arobase, avant de me prier poliment d’épeler le mot, vu qu’en anglais on dit at. J’observe la même perplexité chez certains Français qui ne comprennent pas at.
L’historique
« L’@ était présent sur les machines à écrire depuis la fin du 19e siècle, » explique Keith Houston, auteur de Shady Characters: Secret Life of Punctuation. « A l’époque, c’était un symbole général qui signifiait ‘vous pouvez avoir tant de produits à tel prix’. Il n’avait pas d’autre usage.»
Il remplaçait simplement le at anglais, le à français comme on dirait par exemple :
12 pommes @1 € chacune
à un euro la pièce, au prix unitaire de un euro. Ce symbole @ était présent sur les claviers des machines à écrire dès 1885. Il est toujours utilisé de nos jours sur les marchés, en Angleterre.
En 1972, l’inventeur du courrier électronique, Ray Tomlinson, avait besoin d’un caractère typographique pour séparer le nom de l’émetteur de celui de l’hébergeur. Or il était important de choisir un signe qui ne puisse pas être dans un nom de famille et c‘est pour cette raison qu’il a utilisé @ l’arobase. Cela était d’autant plus cohérent que at, tout comme à en français, s’utilise aussi pour désigner une adresse. J’habite à telle adresse, chez tel hébergeur.
L’origine du terme ‘arobase’
Le signe est considéré comme le symbole de l’arroba (de l’arabe ar-roub qui veut dire le quart), une unité de quantité et de poids, espagnole et portugaise. Il a été repéré dans des lettres de marchands vénitiens datées d’il y a 500 ans. Selon Giorgio Stabile, un universitaire italien, cela correspondait à une unité de mesure de l’époque, l’amphore. On achetait, par exemple, une arobase de blé.
La trace la plus ancienne que nous ayons à nos jours est religieuse, dans la traduction bulgare de 1345 d’une chronique grecque. Elle est conservée à la bibliothèque apostolique du Vatican. L’@ remplace le A de Amen. Certains parlent d’une forme stylisée du a. Il y a plusieurs autres interprétations, contestées entre spécialistes.
La forme et les analogies
Un peu de vocabulaire? Il s’agit de la forme d’un a qui se prolonge en s’enroulant sur lui-même, en s’entourant d’un cercle, comme dans un abri. On l’a appelé au Moyen-Âge le a niché, une niche étant la petite maison du chien.
Une niche, c’est aussi en architecture un emplacement en creux pour exposer et protéger une statue.
Et puis il y a la niche fiscale! C’est-à-dire un vide juridique, comme on dit, somme toute une subtilité qui permet aux gens bien informés d’échapper à l’impôt sans être en infraction; mais ça passe ou ça craque! Vous vous enrichissez abusivement, ou vous allez tout droit en prison, comme dans le jeu du Monopoly.
Il existe le verbe nicher, faire son nid.
Les oiseaux nichent dans les arbres.
Et le verbe se nicher quelque part, se nicher dans un coin.
Les araignées aiment se nicher dans mon plafond. J’ai du mal à les dénicher.
Dénicher quelque chose veut aussi dire ‘trouver quelque chose de rare’, chez un brocanteur ou un antiquaire par exemple.
Dans les différentes cultures, l’arobase prend différents noms en fonction de sa forme, par analogie. En turc, il s’appelle « la rose », en norvégien « la queue de cochon », en grec « le caneton » (le petit canard) et en hongrois « le lombric », en italien « l’escargot », en hollandais « la queue de singe », etc.
Un point de grammaire important?
Considérez la phrase:
Si je donne mon adresse à des correspondants anglophones, ils me font répéter ‘arobase’, avant de me prier d’épeler le mot.
Les verbes du premier groupe, c’est-dire tous les verbes qui se terminent en -er (excepté le verbe ‘aller’), se prononcent pareil à l’infinitif et au participe passé. On entend le son é :
répéter (infinitif) / répété (participe passé : j’ai répété)
prier (infinitif) / j’ai prié, j’avais prié, j’ai été priée de faire quelque chose
Je dois épeler le mot (infinitif) / j’ai épelé le mot
Comment savoir identifier et orthographier un infinitif en -er ou un participe passé en -é, – ée, -és, -ées ?
La première chose, c’est, en cas de doute, d’essayer un verbe d’un autre groupe, dont l’infinitif et le participe passé se prononcent clairement différemment. Par exemple, le verbe prendre, dont le participe passé est pris. Ce qui donnerait dans notre exemple: ils me font prendre… Peu importe le sens possible, on me fait prendre quelque chose. Ce qui m’intéresse c’est de voir que j’utilise un infinitif, ce sera donc répéter : on me fait répéter. Je ne pourrais pas dire on me fait pris, n’est-ce pas? C’est donc on me fait répéter qu’il faut écrire. Même chose pour Avant de me prier… (avant de me prendre), de me prier de prendre… (et donc, de me prier d’épeler)
Allez, quittons-nous en chanson comme d’habitude, sur Allo, tu m’entends? chantée par Dalida.
C’était la période des cabines téléphoniques, où des gens attendaient impatiemment leur tour à l’extérieur, ce qui mettait la pression à l’intérieur. A l’époque la communication se payait à l’unité comme pour le at, ou l’arobase ancien. Il fallait que l’auteur de l’appel remette vite une pièce dans la machine, quand il entendait une voix dans l’écouteur disant cela vous fait 2 unités, 4 unités… Cela cassait un peu le romantisme. La communication étant souvent mauvaise ou interrompue, on criait fort Allô, tu m’entends?
Dans cette chanson la personne qui appelle est restée en Provence, l’autre est rentrée à Paris.
J’appelle dans le vide
Je t’appelle au milieu de ma nuit
Mes mots s’en vont, rapides,
Iront-ils jusqu’à toi aujourd’hui?
Allô, tu m’entends?
Est-ce qu’il fait beau temps
Là-bas sous ton ciel?
Ici même sous la pluie
L’odeur me poursuit
D’un peu d’Esterelle (un massif de Provence)
Je suis dans la cabine (téléphonique)
Enfermé(e) dans la cage de verre
Et toi je t’imagine
Dans un bar qui s’ouvre sur la mer
Allô tu m’entends?
Comment vont Laurent, Jean-Luc et Joëlle?
Dis-moi tes amis vont-ils
Toujours près des îles
Pêcher les girelles? (des poissons de Méditerrannée)Ça nous fait deux unités
Chaque mot nous est comptéJ’appelle sans relâche
Et pour moi, dis, que s’est-il passé?
Qu’est-ce que ta voix me cache?
Avec qui ce soir vas-tu danser?Allô, est-ce que tu m’entends?
Est-ce que tu m’attends?
Ta bouche où est-elle?
Allô, tu parles trop bas
Seras-tu là-bas
Si je te rappelle?Il faut que je te quitte
D’autres gens s’impatientent dehors
Et je t’ai parlé trop vite
Je ne t’ai presque rien dit encoreAllô, allô tu m’entends?
Dehors on attend, les gens sont pressés
Dans cette course de fous
Le monde se fout
D’un amour casséÇa nous fait quatre unités
Je ne veux pas te quitter
Voici une deuxième version de l’auteur compositeur Guy Béart, âgé, avec un autre accent de sincérité? Une précision sur le lieu : à Saint- Raphaël. Le ‘allô’ est plus un appel du coeur qu’un rappel téléphonique. Le tu m’entends? a davantage l’accent de tu me comprends? Sommes-nous ensemble? Cela sonne comme la déclaration d’un engagement.