Le bouche-à-oreille est une forme de communication. Vous trouvez aussi l’expression écrite sans les tirets qui séparent les mots, le bouche à oreille.
Les tirets peuvent se mettre dans une expression substantivée, c’est-à-dire dans une expression de plusieurs mots, qui devient un substantif, autrement dit un nom précédé d’un article, le bouche-à-oreille. Notez le masculin!
Vous connaissez la bouche. Vous connaissez l’oreille. L’une parle, l’autre entend, elle écoute… et parle si je puis dire, pour informer de sa bouche quelqu’un d’autre à son tour. Quoi de plus naturel en somme? Cela s’appelle communiquer quelque chose à quelqu’un, communiquer avec quelqu’un, se communiquer des informations au sens réciproque.
Un aspect culturel
Le phénomène est ancien. Il existe même des cultures dans le monde, dites de l’oralité, au sein desquelles se transmettent verbalement les savoirs. C’est aussi le cas de nombreux folklores, dont le folklore français, où des chants, des récits, des contes, des savoir-faire artisanaux n’ont été transcrits que tardivement. Les gens se réunissaient autrefois à la tombée de la nuit, à la lumière du feu, pour se parler. On appelait cela les veillées, dont le mot ne désigne plus guère maintenant que la veillée de Noël, où l’on reste éveillé tard le soir, éventuellement en assistant à la messe de minuit, et le réveillon du Jour de l’An, pour célébrer l’année nouvelle.
*Remarquez les mots de la même famille!

C’est avec nostalgie que nos anciens évoquent les veillées d’autrefois. En réunissant jeunes et vieux d’une même communauté, elles permettaient, au-delà du simple plaisir de se réunir, de tisser et d’entretenir des liens sociaux, et surtout générationnels, inestimables.
A la mauvaise saison, alors que les travaux des champs laissent du répit, le soir quand on s’est acquitté des obligations du jour, les veillées échappent à la stricte économie du quotidien ; elles s’ouvrent au temps privilégié du partage : partage des histoires et de la mémoire, partage de l’expérience et du travail, partage du vin et de la nourriture, partage des joies et des peines.
Un caractère secret
La proximité et l’intimité de la correspondance sont propices à la confidence, n’est-ce pas? Or il ne s’agit pas toujours d’informer uniquement. Cela est aussi commode pour garantir un secret par exemple, quelque chose qui, justement, ne doit pas être révélé à tout le monde. Il faut prendre des précautions, parler à voix basse car les murs ont des oreilles, comme on dit.
Un caractère sacré
Dans l’iconographie de la religion chrétienne orthodoxe, les icônes sont répertoriées par catégories. Elles ne sont pas signées, étant supposées être dictées aux artistes par l’inspiration divine. Il existe ainsi un type d’icône représentant saint Jean l’Evangéliste, traditionnellement représenté avec un ange, ou l’esprit saint, lui communiquant directement à l’oreille le texte évangélique à écrire. Nous passons ici de la bouche à l’oreille et à la parole sacrée écrite pour être diffusée: le Verbe. Un autre saint, au IVe siècle, est aussi nommé saint Jean Bouche d’or ou saint Jean Chrysostome (d’après le grec).

Un aspect commercial
Le bouche à oreille est une stratégie de développement commercial efficace parce que basée sur la confiance d’un proche.
Au cours de l’année 2014, un cabinet d’études américain a établi que le bouche à oreille avait encore plus d’impact que les réseaux sociaux dans les décisions d’achat des consommateurs. Et d’après le magazine spécialisé, Stratégies, le bouche à oreille arrive même en tête des éléments considérés par les consommateurs pour prendre une décision d’achat ! Les avis clients sont ainsi la base d’un marketing fondé sur la recommandation : en clair, vos clients satisfaits sont vos premiers prescripteurs ; c’est la définition du bouche à oreille.
Historiquement
On a donné un autre nom au bouche-à-oreille comme outil d’information. On dit le téléphone arabe.
Au début du du XXème siècle, les Européens voyageant en Afrique du Nord étaient impressionnés par la rapidité avec laquelle une information circulait entre les habitants, et ceci de manière exclusivement orale. De là est née cette expression qui a ensuite dépassé les frontières du Maghreb.
Un caractère officieux
Le bouche-à-oreille a parfois un aspect officieux qui s’apparente à la rumeur.
Vous connaissez le pronom on? On, c’est l’anonymat. On ne dit jamais son nom. On m’a dit que… J’ai entendu dire que… Il paraît que… C’est la rumeur!
Laissez-moi partager avec vous un régionalisme amusant qui se pratique à Lyon où je vis, et dans sa région. A Lyon, les Lyonnais ne disent pas on m’a dit, mais on m’y a dit (ne cherchez pas la syntaxe classique, c’est un régionalisme). Et donc lorsque le Lyonnais, classique, veut parler d’une rumeur, il dit que c’est un on m’y a dit.
Un point de prononciation
Une liaison et un enchaînement?
Vous savez ce qu’est une liaison entre deux mots. C’est la manière de prononcer la dernière lettre d’un mot. Il s’agit souvent d’un “s” ou d’un “x” prononcés z, ou bien d’un “t”, d’un “d” , ce dernier prononcé t avec le début du mot qui suit.
Certaines liaisons sont obligatoires. Comme par exemple:
Quelle heure est-il? Il est dix heures. Elles ont de la chance.
D’autres sont facultatives, néanmoins élégantes :
Vous serez en retard / vous serez en retard (c’est plus joli).
D’autres sont interdites: comme après le “et” :
J’ai un chien et un chat.
Quant à l’enchaînement, il est d’une autre nature. Vous entendez? d’une autre nature, phonétiquement vous enchaînez dunautre, pas de rupture.
Et c’est ce qui se produit avec le bouche à oreille ou le bouche à bouche, qui est autre chose. Prononcez boucha. Ne vous arrêtez pas en route entre bouche et à.
Boucha oreille / bouchabouche
Et pour terminer en chanson…
…avec Yves Duteil : La rumeur ouvre ses ailes. Ce texte présente un grand intérêt de vocabulaire simple et usuel si vous désirez enrichir votre vocabulaire.
La rumeur, ce sont les fake news, n’est-ce pas?
La rumeur ouvre ses ailes
Elle s’envole à travers nous
C’est une fausse nouvelleMais si belle, après tout
Elle se propage à voix basse
À la messe et à midi
Entre l’église et les glaces
Entre confesse et confit
(la confession, et le confit qui est un plat riche du sud ouest, le confit d’oie ou de canard comme plat du dimanche, c’est conserver par la graisse ou par le sucre, comme la confiture)La rumeur a des antennes
Elle se nourrit de cancans
(gossip en anglais, des mensonges, des indiscrétions qui circulent)
Elle est bavarde et hautaine
Et grandit avec le tempsC’est un arbre sans racines
À la sève de venin (le poison)
Avec des feuilles d’épines
Et des pommes à pépins
(un pépin, c’est le petit noyau d’un fruit, mais aussi un souci, un problème)Ça occupe, ça converse
Ça nourrit la controverse
Ça pimente les passions
Le sel des conversations…La rumeur est un microbe
Qui se transmet par la voix
Se déguise sous la robe
De la vertu d’autrefoisLa parole était d’argent
(on dit la parole est d’argent, le silence est d’or)
Mais la rumeur est de plomb
Elle s’écoule, elle s’étend
Elle s’étale, elle se répandC’est du miel, c’est du fiel (le poison)
On la croit tombée du ciel
Jamais nul ne saura
Qui la lance et qui la croit…C’est bien plus fort qu’un mensonge
Ça grossit comme une éponge
Plus c’est faux, plus c’est vrai
Plus c’est gros et plus ça plaîtCalomnie, plus on nie
Plus elle enfle se réjouit
Démentir, protester,
C’est encore la propager
Elle peut tuer sans raison
Sans coupable et sans prison
Sans procès ni procession
Sans fusil ni munitions…C’est une arme redoutable
Implacable, impalpable
Adversaire invulnérable
C’est du vent, c’est du sableElle rôde autour de la table
Nous amuse ou nous accable
C’est selon qu’il s’agit
De quiconque ou d’un amiUn jour elle a disparu
Tout d’un coup, dans les rues
Comme elle était apparue
À tous ceux qui l’avaient crue…La rumeur qui s’est tue
Ne reviendra jamais plusDans un cœur, la rancœur (la méchanceté)
Ne s’en ira pas non plus.