Prendrez-vous un dessert? C’est la question que l’on vous pose dans les restaurants raffinés lorsque vous passez votre commande, car il y a des desserts qui ont parfois besoin d’être préparés juste avant d’être servis et consommés sans attendre, comme par exemple un soufflet, ou l’authentique omelette norvégienne flambée au cognac – pas l’horrible préparation congelée bien sûr !
Culturellement
Un bon menu comporte fromage et dessert, les deux. En France nous les consommons dans cet ordre, d’abord le fromage, et en fin de repas, avant que la table ne soit desservie, le dessert.
L’expression fromage ou dessert indique que l’on est un peu radin, c’est-à-dire ‘près de ses sous’ ou restrictif, pour raison diététique.
De ce fait fromage et dessert a un emploi dérivé sur un ton humoristique, c’est le jackpot, la cerise sur le gâteau, le grand jeu, quoi. Par exemple :
Pour son anniversaire, la fillette a reçu une montre et un billet de concert. C’est fromage et dessert…
La prononciation
Les deux s entre deux voyelles se prononcent se – un s dur – exactement comme ce.
Notez l’absence d’accent sur le e, prononcé è devant deux consonnes :
le dessert
elle est belle
il s’appelle Paul
ils jettent les déchets à la poubelle
la terre tourne autour du soleil
cf Mon dictionnaire de prononciation
Et puis il y a le désert… Prononcer Z, un seul s entre deux voyelles. Le désert. Mais le désert a besoin d’un accent aigu pour être prononcé dé-sert. Le désert, c’est le vide, le néant, l’absence, le manque.

Étymologiquement
Le préfixe – dé occupe plus de la moitié de la lettre d dans le dictionnaire. Certes il n’est pas toujours privatif ou négatif mais il l’est la plupart du temps, comme:
faire et défaire
tricoter et détricoter
La ville est déserte, ou désertée (abandonnée) en été, les habitants sont sur les plages il n’y a pas un chat dans les rues ! (pourquoi ‘un chat’? je ne sais pas). On peut dire aussi ‘il n’y a pas âme qui vive’ (il n’y a personne)
L’on voit bien comment le terme ‘un déserteur’ s’applique à un soldat qui quitte son poste, qui refuse de servir dans l’armée, de porter les armes et d’aller à la guerre.
Illustrations
Le déserteur – Boris Vian
Le Déserteur est un poème écrit par Boris Vian en février 1954 et interprété par son auteur l’année qui suit. Il est d’abord chanté en mai 1954 par Mouloudji dans une version modifiée.
C’est un texte antimilitariste qui s’inscrit dans le contexte de la fin de la guerre d’Indochine où de nombreux soldats ont péri, et le début de la guerre d’Algérie. Peu après sa sortie, la chanson est interdite de diffusion à la radio pour « antipatriotisme », notamment à cause de son dernier couplet. L’interdiction fut levée en 1962 après la guerre d’Algérie.
Pour Boris Vian cf La Lettre de Françoise Z comme les Zazous
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserterDepuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les cheminsJe mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer
En littérature
Permettez-moi de vous signaler l’ouvrage de Dino Buzzati Le désert des Tartares où la vie d’un officier, faites d’hésitations en attendant l’occasion de devenir un héros, dans une place forte militaire face à un ennemi potentiel, les Tartares. Et lorsque cette occasion se présente enfin, il est vieux et malade et ne peut plus faire face.
Le texte de Jacques Brel, Zangra, est en consonance avec le thème de l’homme indécis qui passe à côté de sa vie.
Zangra – Jacques Brel
Je m’appelle Zangra et je suis lieutenant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D’où l’ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg voir les filles en troupeaux
Mais elles rêvent d’amour et moi de mes chevauxJe m’appelle Zangra et déjà capitaine
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D’où l’ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg voir la jeune Consuelo
Mais elle parle d’amour et moi de mes chevauxJe m’appelle Zangra, maintenant commandant
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D’où l’ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg, boire avec Don Pedro
Je bois à ses amours et lui à mes chevauxJe m’appelle Zangra, je suis vieux colonel
Au fort de Belonzio qui domine la plaine
D’où l’ennemi viendra qui me fera héros
En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois
Alors, je vais au bourg, voir la veuve de Pedro
Je parle enfin d’amour mais elle de mes chevauxJe m’appelle Zangra, hier trop vieux général
J’ai quitté Belonzio qui domine la plaine
Et l’ennemi est là, je ne serai pas héros