François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848) a écrit, entre autres, le Génie du christianisme et les Mémoires d’outre-tombe.
L’ORIGINE HISTORIQUE DU MOT
L’expression jusqu’au-boutisme apparaît officiellement référencée pour la première fois chez Chateaubriand, dans son ouvrage De la Monarchie selon la charte (Paris 1816).
Le Dictionnaire encyclopédique Larousse du XXème siècle dit que le jusqu’au-boutisme est un mot inventé à la fin de l’Ancien Régime, donc juste avant la Révolution. Les jusqu’au-boutistes sont alors des aristocrates qui défendent la monarchie et les intérêts du roi, et les leurs, avec plus d’enthousiasme que le roi lui-même, jusqu’au bout de leurs forces. Ce sont des privilégiés de la noblesse et du haut-clergé. On les dit plus royalistes que le roi, autre expression dont l’usage s’étend et que l’on retrouve dans une traduction anglaise littérale (you needn’t be a better royalist than the king) par l’écrivain américain Henry James dans Portrait of A Lady (1880).
N’oublions pas que Louis XVI est déjà très royaliste, convaincu de ses droits et devoirs de roi de droit divin, au point de déclarer en 1787 :
C’est légal parce que je le veux.
Aller au-delà d’un principe d’une aussi grande intransigeance s’apparente à du fanatisme inconscient, ce qui est une première nuance du terme jusqu’au-boutiste.
Rappelons que Chateaubriand a en horreur la violence des révolutionnaires et qu’il est royaliste, en prévoyant des aménagements au système de royauté absolue.
Au XXème siècle l’appellation sert à décrire les partisans de la continuation de la Grande guerre jusqu’à la victoire malgré le désastre des pertes. C’est devenu une autre nuance du terme, celle de persévérance et de courage.
De nos jours, une personne jusqu’au-boutiste désigne plus généralement quelqu’un qui refuse de baisser les bras quelles que soient les conséquences. Si c’est raisonnable? Le terme reste fortement connoté négativement comme un manque de discernement.
LE SENS
Le suffixe isme a un sens générique. Il désigne les partisans d’une ligne politique:
le communisme, le socialisme, le gaullisme
ou d’un courant de pensée
le bouddhisme, le christianisme, le rationalisme, le romantisme, le cartésianisme, le surréalisme
un comportement
le civisme.
LA GRAMMAIRE
L’accord grammatical se fait au masculin car tous les -ismes sont grammaticalement au masculin.
LA PRONONCIATION
…oblige à prononcer le e final sans accent, pourtant considéré comme étant muet. Dites iss – me, socialisme, pas izem un peu comme en anglais.
L’ORTHOGRAPHE
L’usage d’un trait d’union – également appelé un tiret – marque la réunion de plusieurs mots en un seul pour former un nom, c’est-à-dire un substantif.
Ainsi doit-on distinguer entre la phrase :
Il y a je ne sais quoi dans cet endroit qui m’inspire.
et
Il y a un je-ne-sais-quoi de délicieux dans cette préparation culinaire, un petit goût de revenez-y.
Vladimir Jankélévitch, philosophe, a écrit un livre intitulé Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien.
Au cours d’un entretien donné en 1980, il s’explique sur l’écriture de son ouvrage en trois volumes à propos de ce dont il dont il avoue ne rien savoir, ou presque rien…
Le je-ne-sais-quoi, c’est un mot du XVIIème siècle. Les grands rationalistes avaient trouvé un mot et un concept pour récupérer, pour expliquer tout ce surplus qu’on ne peut pas expliquer par la raison. Une fois qu’on a tout dit, tout expliqué, tout démonté n’est-ce pas en termes rationalistes, il reste quelque chose qu’on ne peut dire.
Et Jankélévitch d’exposer à ses élèves à la Sorbonne ce que lui-même préfère nommer le charme.
-Vous parlez de l’inapaisable soif d’une âme tendue vers les choses inexistantes. Alors en général lorsqu’un philosophe vous parle de cette tension vers des choses inexistantes, on débouche presque fatalement sur la mort et sur la question de Dieu. Or vous, vous débouchez sur le charme, vous débouchez sur la séduction. Pourquoi?
-Mais ne vous plaignez pas! C’est beaucoup plus agréable de retrouver le charme et le je-ne-sais-quoi dans la positivité affirmative de l’existence dans la plénitude, j’essaie de le trouver, il me semble le trouver dans la plénitude au lieu de le trouver dans le désert de la mort, qui m’est inaccessible, comme à tout le monde, et qui n’est que l’objet d’une spéculation nécessairement dépourvue de tout système de référence.
Jankélévitch vérifie par exemple qu’il trouve cette sensibilité dans la moindre mesure de Chopin, en dehors des règles dicibles de composition ou de jeu.