Françoise Le Roux
La grammaire: l’adverbe dorénavant
Les verbes ont des conjugaisons qui expriment des temps grammaticaux. Il y a aussi des adverbes, autrement dit des adjoints aux verbes qui apportent des précisions.
Notre lecture du temps est linéaire: nous venons du passé, nous vivons au présent, nous nous dirigeons vers l’avenir. L’adverbe dorénavant exprime un changement de situation, d’activité, un changement de comportement, une rupture. Et ce n’est pas tout, dorénavant annonce surtout que ce changement va durer dans le futur sine die.
(Il semble que henceforth traduise l’emploi de dorénavant en anglais.)
Voici un exemple :
Me voilà à la retraite! Dorénavant (ou, à l’avenir, ou, à partir de maintenant) je ne suis plus obligé(e) de me lever à l’aurore pour aller bosser (pour aller travailler).
C’est nouveau et définitif car cela va durer sine die. Voici un autre contexte:
Le commandant est mécontent des soldats qui arrivent en retard le matin à la levée des couleurs (c’est le moment où l’on hisse le drapeau national en haut du mât). Il leur déclare: « à partir de maintenant et dorénavant, les hommes qui arriveront en retard seront privés de permissions pendant un mois et assureront des corvées de nettoyage ».
Auparavant
Un autre adverbe de temps, auparavant, est issu d’une étymologie semblable, en vieux français. Auparavant appartient, lui, au passé. Auparavant signifie avant, en langage courant. Par exemple:
On a toujours tendance à dire que les choses étaient mieux auparavant.
Pour résumer schématiquement :
Dorénavant et auparavant font partie de ce que l’on appelle le langage soutenu, plus élaboré que le langage courant.
Quelques précisions sur des adverbes de temps voisins mais pas parfaitement identiques : désormais et maintenant
Désormais exprime un changement, un tournant, une nouvelle façon de procéder mais n’inclut pas forcément la pérennité comme dorénavant :
Le chef a établi le menu de son restaurant pour les repas du lendemain, il peut désormais passer à autre chose, comme les commandes des produits frais pour la semaine qui vient.
Maintenant a un sens large qui va du moment présent à de nos jours :
On ne fait plus partout le pain comme autrefois. Maintenant il y a des pains industriels, insipides.
Le vocabulaire
Le temps est compté, le temps presse quand il y a urgence. Le 1er février 1954 une dizaine d’années après la 2ème guerre mondiale, la France est toujours dans un état précaire. Or l’hiver est rude. Beaucoup de gens sont à la rue.
L’abbé Pierre lance un appel de solidarité sur une antenne de radio. Sa voix est entendue et suscite des secours immédiats et massifs.
Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant tant d’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !
Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime »
La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques.
Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.
Merci !
L’abbé Pierre crée aussi en 1954 la fondation Emmaüs, laquelle essaimera dans d’autres pays dans le monde.