Les suffixes en -ard font -ard au masculin / -arde au féminin. Par exemple
un bavard, une bavarde
sont des personnes qui bavardent trop, qui parlent trop.
Un suffixe est une particule ajoutée à la fin d’un mot, qui modifie le sens de ce mot. Il y a, par exemple, des suffixes qui diminuent la taille ou l’importance. Ainsi une petite fille sera-t-elle appelée une fillette. Un garçonnet désigne un petit garçon. Le petit lion est le lionceau. Notez au passage que, paradoxalement, le diminutif ne diminue pas la grandeur du mot, mais rallonge le mot.
Concernant le suffixe en -ard, il a pour fonction de modifier le mot en lui donnant une nuance particulière. Il peut s’ajouter à un nom ou à un adjectif. Il peut donner une nuance familière ou une nuance dévalorisante.
La nuance familière est souvent imagée et amusante.
Un pantouflard
Le mot pantouflard est formé sur le mot pantoufle, la pantoufle étant un chausson d’intérieur, confortable, un pantouflard désigne quelqu’un qui aime bien rester chez soi. On dit aussi quelqu’un de casanier. Notons que les chaussons appelés des charentaises ont fait la gloire du département des Charentes dans l’ouest de la France, pour leur confort et leur solidité.
Un pénard (parfois écrit peinard)
Le mot pénard désigne quelqu’un qui aime la tranquillité, quelqu’un de pénard est souvent appelé un père pénard, et l’on dit aussi un endroit pénard à l’abri des ennuis, ou encore un travail pénard, sans complications.
Dans sa chanson Avec le temps, Léo Ferré termine par un dernier couplet:
Avec le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être, mais pénard
Et l’on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n’aime plus
Un soiffard
Le mot est bâti sur la soif, avoir soif. Le soiffard est quelqu’un qui aime boire, mais de manière intempestive. Il a toujours soif, quoi… C’est un ivrogne.
La nuance dépréciative est souvent de l’argot populaire. Elle fonctionne par analogie.
Un canard
Tous les mots en -ard n’ont pas -ard comme suffixe ! Par exemple, un canard est un oiseau aquatique. Or, en argot, c’est aussi un journal, et c’est méprisant à l’origine.
Le canard cancane. Le chien aboie, le lion rugit, le mouton bêle, la vache meugle… et le canard cancane. Or cancaner, cela signifie aussi parler à tort et à travers, c’est-à-dire dire n’importe quoi en propageant des ragots, autrement dit faire des cancans. Dans la presse, on dirait peut-être aujourd’hui des fake news. Le mot canard a donc d’abord désigné la presse à scandale, peu fiable.
Puis le mot s’est étendu à toute la presse sans avoir forcément de connotation négative. Sauf qu’un célèbre journal a retourné la suspicion envers la presse contre le pouvoir lui-même et la censure: c’est Le canard enchaîné, fondé en 1915 et toujours en vente de nos jours, qui caricature et dénonce les scandales et la corruption aux plus hauts niveaux du pouvoir en France. Son nom reprend le nom d’un journal créé par Georges Clémenceau, L’homme enchaîné, qui subissait la censure à l’époque parce qu’il critiquait ouvertement le gouvernement pendant la Première Guerre mondiale.
Un mouchard
Le mot mouchard vient du nom d’un théologien de la Sorbonne sous le règne de François II au moment des guerres de Religion. Il s’appelait François de Mouchy. Il utilisait un réseau d’espions pour espionner les protestants. Ses informateurs étaient donc appelés les mouchards. C’était, et c’est resté, une insulte contre les délateurs, les dénonciateurs.
Avec le développement de la technologie, on a inventé des appareils capables de contrôler la vitesse, les causes des accidents de la circulation, que l’on appelle aussi des mouchards.
L’écrivain Gustave Flaubert, au XIXè siècle, était souvent dénigré par des critiques qu’il détestait. Dans sa correspondance à Louise Colet, il écrit en 1846 :
On fait de la critique quand on ne peut pas faire de l’art, de même qu’on se met mouchard quand on ne peut pas être soldat.
Le Jobard
Le mot jobard dérive de Job, nom d’origine biblique. Il représente un personnage populaire célèbre pour ses malheurs. Au Moyen Âge il est devenu synonyme de pauvre d’esprit. Dans le Midi (le sud de la France) un jobard, c’est un timbré, un barjo, un fada, un fou, quoi ! Le jobard est un vieil original.
Michel Piquemal a écrit un conte Le jobard. Pour enfants, mais pas que… Le Jobard vit dans une cabane sur un terrain vague proche de la cité HLM. Tout le monde le dit fou, et on l’évite comme la peste. Sauf les enfants de la cité, de sales petits moutards (c’est-à-dire de vilains petits gamins, de vilains petits gosses) qui prennent un malin plaisir à le tourmenter, jusqu’au jour où ils découvrent la vraie personnalité du Jobard, un vieil homme qui poursuit son rêve de toujours : faire du terrain vague un espace féerique.
Tout a commencé un après-midi d’avril…
– Cachez-vous et ne faites pas de bruit ! Jean-Luc et Pierre, dans la vieille bagnole (la vieille voiture)… Michel, derrière le talus… Toi Mouloud, tu vas mettre les bouteilles en place !
– Tu crois qu’il va venir ?
– J’en suis sûr ; il vient ici tous les samedis, toujours à la même heure.
La phrase clé serait que le Jobard n’était pas qu’un simple rêveur. Ses rêves, il les faisait vivre.
Un tocard
Le mot tocard est formé sur le mot toc. Du toc, c’est de la pacotille. Pas de l’or, du toc. Pas des pierres précieuses, c’est du toc. C’est sans valeur, quoi. Et donc un tocard c’est un cheval qui n’a aucune chance de gagner la course. Et c’est aussi une personne sans talent. Un loser peut-être ?
Les courses hippiques sont populaires en France, et les paris ont leurs adeptes sur les champs de courses. Le PMU, le pari mutuel urbain, est la société favorite des parieurs, leur sport du dimanche. Mais on ne gagne pas facilement, à cause des tocards, espoirs et désespoirs des parieurs.
De Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, voici Il y a toujours un tocard à l’arrivée.
Ahhhh!!!!!
Ohhhh!!!!
Y’a toujours un tocard à l’arrivée.
Y’a toujours le choix qu’on n’a pas trouvé.Y’a toujours celui qui vous fait paumer (perdre).
A la fin, j’en ai assez
De jamais toucher le tiercé (les 3 premiers chevaux dans l’ordre).Il y a toujours, quand on croit tenir le bon bout (être en vue de la réussite) :
Le tocard qui s’amène (qui arrive) on ne sait d’où,
Le troisième qu’on a jamais dans son jeu.
C’est quand même bien malheureux.
J’en ai marre (j’en ai assez) d’en avoir deux.Les favoris, gros comme des montagnes,
On peut compter les jours où ils gagnent.
Mais ce jour-là est comme les précédents,
Ça n’empêche pas de perdre ses trois francs.Car y’a toujours celui que les pronostiqueurs
Sont d’accord pour oublier tous en choeur.
On devrait s’arranger pour que les chevaux
Sachent lire dans les journaux et respecter les tuyaux (les conseils).Y’a toujours celui qui ne faisait plus rien
Et qui court brusquement comme un lapin.
Ma parole, à croire qu’il le fait exprès,
Histoire de bien rigoler, quand c’est le jour du tiercé.Quand Saint-Martin (Yves Saint-Martin, immense jockey français) sans aucune chance
Monte une bourrique (un mauvais cheval, comme un âne), il rentre aux balances.
Mais quand je le joue, c’est sur le poteau
Qu’il se fait battre d’un quart de naseau.Car y’a toujours un tocard à l’arrivée.
Y’a toujours le choix qu’on n’a pas trouvé.
Y’a toujours, une fois que la course est courue,
Celui qu’on avait bien vu.
C’est fou, ce qu’on y avait cruMais le pire lorsque je rentre chez moi,
C’est que ma femme me répète à chaque fois,
Un tocard c’est bien facile à trouver,
Puisque moi sans te chercher,
Un jour je t’ai rencontré.
Qu’est-ce que je vais me faire sonner! (se faire sonner les cloches, se faire engueuler)