Tous les cancres, c’est-à-dire les mauvais élèves, ont lu un jour en marge de leur cahier d’exercices :
Mal, à refaire !
Triste mention. Faire et refaire un travail signifie recommencer le travail… à nouveau ou de nouveau ? Il faut préciser le sens de ces deux expressions car il y a une nuance entre les deux : en toute rigueur, de nouveau signifie une fois de plus, tandis que à nouveau signifie à neuf, complètement différemment.
Nous sommes satisfaits d’avoir fait cette année une réservation de logement longtemps avant la saison des vacances, nous referons de nouveau la même chose l’année prochaine.
Notre salle de bains est vétuste et plus rien ne fonctionne correctement, il faut tout refaire à nouveau, la douche, le lavabo, la robinetterie, l’éclairage, le sol et les murs. Nous refaisons tout, ‘du sol au plafond’ comme on dit.
Re marque la reprise, la répétition.
Le re qui marque le recommencement existe aussi en anglais: redo, remake, rewrite, mais la particularité française est qu’il prend parfois un accent aigü et devient ré.
C’est presque toujours le cas, par exemple, devant une voyelle: activer un mécanisme, c’est le mettre en route. Si ce mécanisme s’arrête, il convient de le réactiver.
Les vieux partis politiques, conçus il y a des siècles, ne fonctionnent plus, il convient de réinventer des schémas adaptés aux mondes modernes.
Il y a des cas où ré a une variante réé. Prenons le verbe écrire: il peut devenir récrire ou réécrire. Il change alors de sens.
Récrire signifie donner une réponse par écrit aussi bien qu’écrire une autre fois à quelqu’un qui ne vous a pas répondu, par exemple : un tel ou une telle, c’est-à-dire une certaine personne, quelqu’un, homme ou femme, m’a contactée pour me proposer d’acheter mon appartement, lequel est en vente. De fait, j’avais mis une annonce dans un journal spécialisé pour le vendre. J’ai donc récrit (répondu par écrit) à cette personne pour signifier mon accord. Sans réponse de sa part, je vais lui récrire (lui renvoyer un courrier).
Mais, pour exprimer une modification, pour améliorer un texte par exemple, on le réécrit. Parfois de manière abusive. C’est ainsi que certains historiens, par esprit de propagande, par idéologie, essaient de réécrire l’histoire, d’en faire la réécriture.
Notez que la réécriture des faits n’est pas forcément fallacieuse. Elle peut correspondre à une redécouverte, comme les progrès scientifiques qui favorisent la réécriture de l’archéologie, des mythes ou d’autre chose. Notez que le mot récriture n’existe pas.
Un phénomène voisin se retrouve dans les verbes ouvrir, rouvrir et réouvrir, Les dictionnaires s’accordent avec l’usage pour dire qu’ils sont équivalents: après une fermeture stricte des magasins pendant la pandémie, ces derniers vont progressivement rouvrir (ou réouvrir). Notez que le mot rouverture n’existe pas. On parle de la réouverture.
Revenons à nos moutons!
Revenir à quelque chose, c’est reconsidérer un sujet essentiel dont on s’est écarté, pour éviter les digressions.
Revenons à nos moutons est une expression qu’a rendue célèbre La Farce de Maître Pathelin, une pièce de théâtre composée à la fin du Moyen Âge, vers 1450. Au Moyen Âge, on composait des pièces de théâtre d’un genre qu’on appelle la farce, une sorte de comédie morale, satirique, où les méchants sont les perdants.
Un avocat malhonnête, Maître Pathelin, trompe un marchand, Maître Guillaume, marchand de draps de laine. Puis un berger vole au marchand des brebis qui lui procurent la laine pour faire les draps. Accusé par le marchand Maître Guillaume, le berger prend Maître Pathelin comme avocat. Au procès nous avons donc le marchand qui, reconnaissant Pathelin l’accuse soudain vivement, en plus du berger, devant le juge qui, lui, n’y comprend plus rien, et s’écrie régulièrement et de plus en plus nerveusement:
Oui, mais revenons à nos moutons!
La Farce de Maître Pathelin
Pour voir le texte intégral : sur Wikisource
Pour voir la pièce :
Michel Galabru tient le rôle de Maître Pathelin. Notez que l’adjectif patelin signifie qui est d’une douceur hypocrite.
Le cancre
Le mauvais élève, il est compris par les poètes. C’est un rêveur. Jacques Prévert lui dédie un texte: le cancre, dit ci-dessous par Serge Reggiani. Prévert est l’auteur de nombreux textes, mis en musique par le compositeur Joseph Kosma, chantés entre autres par Juliette Gréco, Mouloudji, Serge Reggiani, Yves Montand. Ils ont pour titre ‘Les feuilles mortes, Barbara, Les enfants qui s’aiment’, etc.
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur.