L’expression pas un iota est courante. Elle est toujours à la forme négative car elle exprime un refus.
On dit ne pas changer quelque chose d’un iota. Ne pas bouger, ou ne pas varier d’un iota signifie rester sur sa position initiale.
Je ne changerai pas un iota.
veut dire je ne ferai pas le moindre changement, pas le plus petit ajout ou retrait à ce que j’ai écrit, ou dit, mais généralement cela concerne plutôt l’écriture.
L’origine biblique
Le iota, dans l’alphabet grec ancien est situé entre l’alpha et l’oméga . C’est notre lettre i. Or, graphiquement, c’est le signe le plus petit de l’alphabet grec. Il s’écrit en effet d’un simple trait vertical.
L’expression ne pas changer un iota à quelque chose, est une référence biblique, celle de la loi transmise par Dieu à Moïse, conservée par Jésus. L’Evangile selon Matthieu cite les paroles de Jésus adressées à ses disciples lors du Sermon sur la montagne. Il leur dit :
Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les observera et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.
Matthieu 5, 1 à 19

L’écriture, les significations et la prononciation
Mettre les points sur les i
Le iota s’écrit d’un seul trait vertical. D’où vient le point que nous ajoutons sur le i minuscule ? (Pas sur le i majuscule.)
Au XIe siècle, les moines copistes recopient à la main les textes sacrés en écriture gothique. Ils mettent un point sur les i pour éviter la confusion avec les m, n, u.
Il y a une expression bien courante de nos jours: mettre les points sur les i qui signifie : parler précisément et fermement à quelqu’un, recadrer la situation. Par exemple: Si une personne soumise à un règlement ou un contrat arrive régulièrement en retard à son poste, au bout d’un certain temps, il faut lui mettre les points sur les i et lui rappeler ses engagements.
Le tréma sur le i
Le tréma sur le i s’écrit avec deux points. Il sert à rendre la prononciation du i distincte de la voyelle a ou o qui le précède. Quand a+i se prononce ai, a+ï se prononce a-i séparé. Quand o+i se prononce oi, o+ï se prononce o-i séparé.
Il en est ainsi de :
le maïs, un archaïsme, être naïf, héroïque, égoïste, stoïque
Hi-hi
Hi-hi! est utilisé pour transcrire à la fois le rire et les pleurs.
Dans les deux cas, on peut verser des larmes sous l’émotion; c’est un réflexe physiologique.
Prenons le rire. Lorsque l’on est incapable d’arrêter de rire, on a le fou rire. On dit aussi mourir de rire.
Voici un passage du Bourgeois gentilhomme de Molière. Acte III, scène 2.
Monsieur Jourdain est un commerçant enrichi qui veut devenir raffiné, érudit comme « les personnes de qualité ». Il fait venir des professeurs de chant, de danse. Il commande des vêtements somptueux. Mais tous ces gentilshommes lui font surtout dépenser son argent et le ridiculisent. En voyant les nouvelles manières de Monsieur Jourdain, la servante Nicole éclate de rire. On peut même dire qu’elle meurt de rire.
C’est ici un rire moqueur où la rieuse, Nicole, semble perdre la respiration. Elle s’étrangle de rire. On ne prononce pas forcément clairement un hi pour l’onomatopée du rire ou des larmes. Mais on l’écrit comme cela, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Nicole !
NICOLE. Plaît-il ?
MONSIEUR JOURDAIN. Écoutez.
NICOLE. Hi, hi, hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Qu’as-tu à rire ?
NICOLE. Hi, hi, hi, hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Que veut dire cette coquine-là ?
NICOLE. Hi, hi, hi. Comme vous voilà bâti ! Hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Comment donc ?
NICOLE. Ah, ah ! mon Dieu ! Hi, hi, hi, hi ; hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Quelle friponne est-ce là ! Te moques-tu de moi ?
NICOLE. Nenni, Monsieur, j’en serais bien fâchée. Hi, hi, hi, hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Je te baillerai sur le nez, si tu ris davantage.
NICOLE. Monsieur, je ne puis pas m’en empêcher. Hi, hi, hi, hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Tu ne t’arrêteras pas ?
NICOLE. Monsieur, je vous demande pardon ; mais vous êtes si plaisant que je ne saurais me tenir de rire. Hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Mais voyez quelle insolence. –
NICOLE. Vous êtes tout à fait drôle comme cela. Hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Je te…
NICOLE. Je vous prie de m’excuser. Hi, hi, hi, hi.
MONSIEUR JOURDAIN. Tiens, si tu ris encore le moins du monde, je te jure que je t’appliquerai sur la joue le plus grand soufflet qui se soit jamais donné.
NICOLE. Hé bien, Monsieur, voilà qui est fait, je ne rirai plus.
C’est faux car, au lieu de s’arrêter, Nicole redoublera de rire. C’est plus fort qu’elle.
Une illustration en poème

Voyelles
Arthur Rimbaud
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
– O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! –
Ce poème a fait couler beaucoup d’encre. On l’analyse, on le dissèque, on l’interprète. Jusque dans les années 60 (1960) on proposait aux élèves du baccalauréat de réfléchir à sa signification.
Selon Robert Faurisson -professeur de lycée à Vichy dans les années 60, controversé, entre autres, à cause de ses positions politiques négationistes – il s’agit d’un poème érotique évoquant le corps féminin. Cette interprétation du poème suscite un débat qui mobilise les médias nationaux, dont le journal Le Monde.
L’anthropologue Claude Lévi-Strauss, quant à lui, explique ce sonnet d’Arthur Rimbaud par des oppositions entre des voyelles, et parrallèlement, à des couleurs: le A s’opposerait au E comme le noir s’oppose au blanc, par exemple.
Rimbaud lui-même et ses proches décrivent quant à eux une pure inspiration poétique.
Ernest Delahaye, ami d’enfance de Rimbaud, rapporte dans Souvenirs familiers de Rimbaud, Verlaine cette déclaration de Rimbaud lui-même:
J’ai cru voir, parfois j’ai cru sentir de cette façon, et je le dis, je le raconte, parce que je trouve cela aussi intéressant qu’autre chose.
Et Verlaine de corroborer :
Moi qui ai connu Rimbaud, je sais qu’il se foutait pas mal si A était rouge ou vert. Il le voyait comme ça, mais c’est tout.