Une kyrielle, c’est une suite de choses, une grande quantité. Par exemple :
Le système administratif universitaire est tellement complexe de nos jours qu’il faut faire un tas de démarches, remplir une kyrielle de formulaires pour s’inscrire. C’est un parcours interminable et assommant.
La grammaire
En tant qu’expression de quantité de quelque chose, on utilise de comme pour les adverbes de quantité :
Les étudiants affrontent successivement beaucoup de difficultés en arrivant sur le marché du travail. Ils gardent toujours un peu d’espoir mais obtiennent peu de résultats d’embauche au final. Ils éprouvent pas mal de découragement car il faut faire face à énormément de concurrence. La compétitivité est forte. En bref, il y a des tas d’obstacles.
Du point de vue de la signification, une kyrielle de… ou des kyrielles de… peut exprimer quelque chose de neutre, ni péjoratif ni laudatif, simplement en grande quantité, mais le plus souvent cependant l’expression donne l’idée d’une situation pénible à supporter, un trop grand nombre :

Des kyrielles de touristes débarquent sur la Côte d’Azur en été.
La pandémie complique la circulation d’un pays à l’autre; il faut montrer toute une kyrielle de papiers, de certificats médicaux, de tests pour passer les douanes.
L’origine de l’expression
Le Kyrie est un chant liturgique de l’Église catholique.
Les mots Kyrie eleison en grec signifient Seigneur, prends pitié en français. Toutefois on dit encore cette prière en grec. Elle date du IIIe siècle, siècle où le grec était alors la langue officielle de l’Eglise chrétienne :
Kyrie eleison (Seigneur, prends pitié)
Christe eleison (Christ, prends pitié)
Kyrie eleison (Seigneur, prends pitié)
On répète cela trois fois. Mais, dans la liturgie byzantine d’origine, le Kyrie est répété un grand nombre de fois, en particulier 40 fois à la fin de l’office.
Enrichissez votre vocabulaire
C’est beaucoup 40 fois. C’est long. De là vient que, par analogie à la répétition et à la durée du Kyrie initial, le mot une kyrielle s’applique, en dehors de l’Eglise, à un discours qui n’en finit pas, ennuyeux, beaucoup trop long et répétitif. Le mot une litanie a le même sens. Les litanies étant des prières aux saints, on énumère des listes de noms de saints en demandant, à chaque nom de saint, de prier pour nous.

Une autre expression, à tire-larigot, nous vient du côté populaire, celle-là, et le plus souvent en rapport à la boisson. Boire à tire-larigot, c’est boire beaucoup, avec avidité. L’origine de cette expression est incertaine. Certains sont pour le rapport à une sorte de flûte, le larigot. De fait, dans le langage populaire, flûter signifierait boire. Pourquoi pas? Quoi qu’il en soit à tire-larigot signifie en grande quantité.
Les vacanciers chanté par Ricet Barrier
Pour illustrer l’arrivée massive des kyrielles de touristes, essentiellement parisiens, dans nos régions, voici une chanson de Ricet Barrier, champion de l’humour paysan ! L’humour paysan est une façon naïve de s’exprimer de manière crue sur les choses ordinaires de la vie. Pour les gens de la campagne, ceux de la ville sont bizarres, ce sont de drôles d’animaux. Vous noterez les comparaisons avec les fourmis, les hiboux, les sauterelles, le gésier des vacanciers qui est l’estomac des poules dans l’appareil digestif, le sans-gêne des vacanciers car ils pissent n’importe où sans se cacher suscitant les commentaires des braves paysans, etc.
Il faut savoir qu’en France les premiers congés payés (jours de repos des salariés qui sont payés par l’employeur) sont apparus pendant l’été 1936, après la victoire électorale du Front populaire. La durée des congés payés était alors de deux semaines par an. C’est alors que les campagnes ont été envahies:
V’là l’été! C’est l’invasion des vacanciers.
L’humour, dans ce cas, ne va pas sans une certaine amertume chez les paysans, qui, eux, dans le système, n’ont jamais de vacances. Notez au passage l’accent et la prononciation de la région de Sologne. On roule les r. Notez aussi que la Sologne n’est pas loin de Paris :
Les Parisiens y sont vite rendus.
Cré vin dieu!*
Voilà l’été, les vacanciers vont arriver
Ils s’en viennent on ne sait pas d’où
Ils s’en vont par un autre bout*
Voilà l’été, c’est l’invasion des vacanciers.
Lucien (c’est mon fils!)
Écris donc « oeufs frais » sur la porteC’est les vacances, c’est la transhumance
Les vacanciers, c’est comme les fourmis
Ça se répand partout dans le pays
Plus ça va et plus ça s’enhardit
L’an dernier, j’en avais ben trouvé un dans mon lit, oui!
Le vacancier du mois d’août, c’est vraiment une race à part
C’est comme des hiboux avec leurs lunettes noiresIls se promènent quasiment nus
On voit plus de poil que de tissu
Moi je rigole quand ils s’assoient dans mes gratte-culs*.
Viens donc voir Germaine! (c’est ma femme)
Regarde-moi celui-là
C’est y un homme ou une femme?
Une femme, il a pas de braguette*
Les vacanciers, c’est comme les sauterelles
Quand ça tombe, c’est pire que la grêle
D’un seul coup, on en voit partout
Il y a vraiment que la pluie qui arrive à en venir à bout, ouh!
Le vacancier quand y roule, il faut se jeter sur le bas côté
Va falloir laisser les poules au poulailler
C’est bien pis quand y s’arrête
Il pense plus qu’à son gésier*
Faut que je mette du barbelé à mes poiriers, yé!
Attention Sophie (c’est ma cadette!)
Je veux bien que t’ailles au bal
Mais avec ton frère. (avec tous ces Parisiens…)
C’est les vacances, c’est la transhumance
Les vacanciers, y sont comme la pluie
Quand elle vient, on lui dit merci
Mais on se sent mieux quand elle est partie
Pourtant ça me plairait d’en trouver un pour la Marie, oui!
C’est mon aînée! Et je sais pas quoi que je vais en faire.
Cré vin dieu! V’là l’été, les vacanciers vont arriver
Il n’y a qu’une chose que je comprends pas
C’est pourquoi qu’ils viennent ici
Moi, quand je veux des belles vacances
Je monte à Paris!
Avec la Jeannette, la Jeannette c’est…!Cré vin dieu ! – une manière de jurer à la campagne
par un autre bout – d’un autre côté
dans mes gratte-culs – des fruits de rosiers sauvages qui donnent des démangeaisons sur la peau
il a pas de braguette – les vacanciers pissent partout
son gésier – l’estomac pour les poules
Et voici le Kyrie, dans le Requiem de Mozart composé en 1791, diffusé en 2011 par RTR (Radiotelevisiun Svizra Rumantscha).