Commençons par interroger la grammaire
Ces verbes ont quelque chose en commun. De quoi s’agit-il?
Eh bien, ils ont une particularité dans la conjugaison ainsi que dans la prononciation.
Une particularité grammaticale et phonétique
Un verbe à l’infinitif est composé d’un radical -une racine, si vous préférez- et d’une terminaison quand on le conjugue. Ainsi le verbe étudier a-t-il pour radical étudi et des terminaisons qui varient de façon régulière en fonction du mode grammatical, l’infinitif, l’indicatif, le conditionnel, le subjonctif, et qui varient aussi en fonction du temps. Par exemple pour le verbe étudier, l’indicatif présent sera terminé en
-e, es, e, ons, ez, ent
soit
j’étudie, tu étudies, il ou elle ou on étudie, nous étudions, vous étudiez, ils ou elles étudient
(Voir mes cours A l’écoute de la langue française)
Considérant donc ce que des verbes comme
étudier, crier, skier, supplier, plier, associer, officier, qualifier
ont en commun, il est évident que le radical se termine en -i, et que la terminaison en -er indique un verbe régulier du premier groupe en -er.
(Le verbe aller étant l’exception des verbes en -er -je vais, tu vas, il va, nous allons, vous allez, elles vont – puisqu’il appartient, lui, au troisième groupe de conjugaison, un ensemble de verbes irréguliers répartis en sous-groupes. Voir le niveau débutant – cours 10, 11 et 28).
Restons avec le verbe étudier comme un paradigme, c’est-à-dire comme un modèle. Il fait au présent de l’indicatif
nous étudi-ons, vous étudi-ez
Et, à l’imparfait de l’indicatif, il prend les terminaisons -ions (pour nous) et -iez (pour vous). Nous voilà avec deux i consécutifs:
nous étudi-ions et vous étudi-iez.
C’est le même phénomène au subjonctif présent:
il faut que nous étudi-ions
que vous étudi-iez.
Pour la prononciation? Il y a une différence. Pas de panique! Allons au bout du radical, étudi, ajoutons -ions.
Il faut que nous étudiions
et non il faut que nous étudions qui reviendrait à dire l’indicatif présent, il faut que nous étudions, au lieu du subjonctif présent.
Pour ce faire (c’est-à-dire ‘pour faire cela’), il convient de marquer un léger temps entre étudi-ions ou bien d’allonger le premier i que nous étudiii-ions.
Entendez la différence:
nous étudions
nous étudiions.
Comparons avec la prononciation du y entre deux voyelles. Le y correspond à deux i, l’un prononcé avec la voyelle de gauche, l’autre avant celle de droite. Un voyage se prononce un voi-iage, loyal fera loi-ial, (ce qui n’est pas le cas en anglais ‘loyal’). Un pays, pai-i; vous croyez, croi-iez.
Historiquement, d’où vient le point sur le i?
Il existe une expression, familière et directe, et parfois même menaçante pour accuser quelqu’un d’être stupide, ou de mauvaise foi. Lors d’un désaccord par exemple :
Eh bien, puisque vous ne pouvez pas (sous-entendu ‘vous êtes incapable de…’) ou ne voulez pas comprendre, je vais vous mettre les points sur les i, la situation exacte est la suivante… etc.
En terme d’écriture cette expression, mettre les points sur les i, est datée du Moyen-âge. Les copistes de manuscrits ont mis des points sur les i par soucis de rigueur, pour éviter des confusions avec d’autres lettres, le l par exemple, ou le u qui aurait pu être deux i (ii).
Une autre spécificité concerne les noms des jours de la semaine:
lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi
Ils finissent par -di car ils sont formés à partir du latin où le jour se dit dies. C’était la tradition gréco-romaine dans l’antiquité d’attribuer chaque jour à une divinité associée à un astre:
la Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne.
Concernant le dimanche, le nom vient du vieux français dimagne, c’est-à-dire “dies magnus”, le grand jour ou le jour du Seigneur.
Culturellement
L’adjectif dérivé de dimanche est dominical. Le dimanche étant traditionnellement un jour férié, où l’on honore le Seigneur, où l’on ne travaille pas, on parle du repos dominical, et, gastronomie et convivialité obligent, on prépare le repas dominical où la famille se réunit, en général autour du poulet dominical, un poulet rôti où chaque membre de la famille revendique jalousement son morceau favori réservé, qui prend l’aile ou la cuisse, qui veut un blanc, qui réclame un sot-l’y laisse. Le sot-l’y-laisse est un morceau de chair fine et goûteuse situé de chaque côté dans des creux de la carcasse, à l’arrière, sur le dos de la volaille. Il y en a deux, pas bien visibles. Et donc, les sots (les imbéciles) les laissent sur la carcasse tandis que les fins gastronomes les récupèrent.
Les morceaux choisis en cuisine sont aussi toute une anthologie en littérature. Voici un extrait des Rougon-Macquart d’Emile Zola. Gervaise apporte sur la table une oie.
Elle quitta sa chaise, passa dans la pièce voisine. Toutes les femmes, une à une, la suivirent. Elles entourèrent la rôtissoire, elles regardèrent avec un intérêt profond Gervaise et maman Coupeau qui tiraient sur la bête. Puis, une clameur s’éleva, où l’on distinguait les voix aiguës et les sauts de joie des enfants. Et il y eut une rentrée triomphale : Gervaise portait l’oie, les bras raidis, la face suante, épanouie dans un large rire silencieux ; les femmes marchaient derrière elle, riaient comme elle ; tandis que Nana, tout au bout, les yeux démesurément ouverts, se haussait pour voir. Quand l’oie fut sur la table, énorme, dorée, ruisselante de jus, on ne l’attaqua pas tout de suite. C’était un étonnement, une surprise respectueuse, qui avait coupé la voix à la société. On se la montrait avec des clignements d’yeux et des hochements de menton. Sacré mâtin ! Quelle dame ! Quelles cuisses et quel ventre !
— Elle ne s’est pas engraissée à lécher les murs, celle-là ! dit Boche.
Alors, on entra dans des détails sur la bête. Gervaise précisa des faits : la bête était la plus belle pièce qu’elle eût trouvée chez le marchand de volailles du faubourg Poissonnière ; elle pesait douze livres et demie à la balance du charbonnier ; on avait brûlé un boisseau de charbon pour la faire cuire, et elle venait de rendre trois bols de graisse. Virginie l’interrompit pour se vanter d’avoir vu la bête crue : on l’aurait mangée comme ça, disait-elle, tant la peau était fine et blanche, une peau de blonde, quoi ! Tous les hommes riaient avec une gueulardise polissonne, qui leur gonflait les lèvres.
Et que dire chez Marcel Proust du repas pléthorique préparé par la cuisinière Françoise, laquelle trouve à chaque mets une justification imparable?
Au fond permanent d’œufs, de côtelettes, de pomme de terre, de confitures, de biscuits, qu’elle ne nous annonçait même plus, Françoise ajoutait, selon les travaux des champs et des vergers, le fruit de la marée, les hasards du commerce, les politesses des voisins et son propre génie, si bien que notre menu, comme ces quatre-feuilles qu’on sculptait au XIIIe siècle au portail des cathédrales, reflétait un peu le rythme des saisons et les épisodes de la vie : une barbue parce que la marchande lui en avait garanti la fraîcheur, une dinde parce qu’elle en avait vu une belle au marché de Roussainville-le-Pin, des cardons à la moelle parce qu’elle ne nous en avait pas encore fait de cette manière-là, un gigot rôti parce que le grand air creuse et qu’il y avait bien le temps d’ici sept heures, des épinards pour changer, des abricots parce que c’était encore une rareté, des groseilles parce que dans quinze jours il n’y en aurait plus, des framboises que Swann avait apportées exprès, des cerises, les premières qui vinssent du cerisier du jardin après deux ans qu’il n’en donnait plus, du fromage à la crème que j’aimais bien autrefois, un gâteau aux amandes parce qu’elle l’avait commandé la veille, une brioche parce que c’était notre tour de l’offrir. Quand tout cela était fini, composée expressément pour nous, mais dédiée plus spécialement à mon père qui était amateur, une crème au chocolat, inspiration, attention personnelle de Françoise, nous était offerte, fugitive et légère comme une œuvre de circonstance où elle avait mis tout son talent. Et celui qui eût refusé d’en goûter en disant : « J’ai fini, je n’ai plus faim », se serait immédiatement ravalé au rang de ces goujats qui, même dans le présent qu’un artiste leur fait d’une de ses œuvres, regardent au poids et à la matière alors que n’y valent que l’intention et la signature. Même en laisser une seule goutte dans le plat eût témoigné de la même impolitesse que se lever avant la fin du morceau au nez du compositeur. »
Illustrations
Claude François chante Le lundi au soleil.
Le Lundi au soleil
Claude François
Regarde ta montre
Il est déjà huit heures
Embrassons-nous tendrement
Un taxi t’emporte
Tu t’en vas, mon cœur
Parmi ces milliers de gens
C’est une journée idéale
Pour marcher dans la forêt
On trouverait plus normal
D’aller se coucher
Seuls dans les genêtsLe lundi au soleil
C’est une chose qu’on n’aura jamais
Chaque fois c’est pareil
C’est quand on est derrière les carreaux
Quand on travaille que le ciel est beau
Qu’il doit faire beau sur les routes
Le lundi au soleilLe lundi au soleil
On pourrait le passer à s’aimer
Le lundi au soleil
On serait mieux dans l’odeur des foins
On aimerait mieux cueillir le raisin
Ou simplement ne rien faire
Le lundi au soleilToi, tu es à l’autre bout
De cette ville
Là-bas, comme chaque jour
Les dernières heures
Sont les plus difficiles
J’ai besoin de ton amour
Et puis dans la foule au loin
Je te vois, tu me souris
Les néons des magasins
Sont tous allumés
C’est déjà la nuit
Gilbert Bécaud Dimanche à Orly
A l’escalier 6, bloc 21,
J’habite un très chouette appartement
Que mon père, si tout marche bien,
Aura payé en moins de vingt ans.
On a le confort au maximum,
Un ascenseur et une salle de bain.
On a la télé, le téléphone
Et la vue sur Paris, au lointain.
Le dimanche, ma mère fait du rangement
Pendant que mon père, à la télé,
Regarde les sports religieusement
Et moi j’en profite pour m’en aller.
Je m’en vais le dimanche à Orly.
Sur l’aéroport, on voit s’envoler
Des avions pour tous les pays.
Tout l’après-midi, j’ai de quoi rêver.
Je me sens des fourmis dans les idées
Quand je rentre chez moi la nuit tombée.
A sept heures vingt-cinq, tous les matins,
Nicole et moi, on prend le métro.
Comme on dort encore, on ne se dit rien
Et chacun s’en va vers ses travaux.
Quand le soir je retrouve mon lit,
J’entends les Boeing chanter là-haut.
Je les aime, mes oiseaux de nuit,
Et j’irai les retrouver bientôt.
Oui j’irai dimanche à Orly.
Sur l’aéroport, on voit s’envoler
Des avions pour tous les pays.
Pour toute une vie, il y a de quoi rêver.
Un jour, de là-haut, le bloc vingt-et-un
Ne sera qu’un tout petit point.