Un point d’orthographe
Avoir des connexions, c’est être relié à quelque chose, être en relation avec quelqu’un, être connecté à quelque chose, à un circuit électrique.
Comme on le voit, le mot une connexion s’écrit avec un x, tandis que le verbe être connecté, se connecter s’orthographie c t.
En anglais il faut écrire connection. C’est ainsi que reste dans les mémoires des cinéphiles le film de William Friedkin, French Connection, retraçant l’histoire, vraie, d’un gros trafic de drogue dans les années 50 entre la France, les Etats-Unis, le Canada. Un réseau mythique de criminels, pour les amateurs de films policiers.
X désigne une censure: l’expression un film classé x
Si French Connection ne donne pas vraiment une image morale de la société, il ne fait pas, pour autant, partie de ceux que l’on appelle les films classés x, c’est-à-dire les films censurés comme étant à caractère pornographique, violents.
D’après les dictionnaires « Le Robert » et « Le Trésor de la langue française », le X serait un calque de la cotation américaine X-rated (classé X) où le X désignerait la croix que l’on place pour barrer quelque chose. En effet, la lettre X fait référence à la croix qui a longtemps barré les affiches de ces films.
Faire une croix sur quelque chose veut dire l’interdire, l’oublier, le rendre impossible. Par exemple:
Je n’ai pas de réponse concernant la possibilité d’avoir le travail que j’espérais; je crois que je peux faire une croix dessus.
Beaucoup de pays censurent des films qui incitent à la violence et à la débauche et aussi à la désobéissance politique. Avant le temps du cinéma et l’expression classé x, il fut un temps où l’on passait en justice pour l’écriture de livres considérés comme subversifs.
Ce fut le cas du Marquis de Sade (1740-1814) qui restera 27 ans en prison pour apologie du… sadisme.
Ce fut le cas de Gustave Flaubert pour avoir écrit Madame Bovary.
Attendu qu’il y a des limites que la littérature, même la plus légère, ne doit pas dépasser, et dont Gustave Flaubert et ses co-inculpés paraissent ne s’être pas suffisamment rendu compte.
Extrait du jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 9 février 1857, Gazette des tribunaux
Ce fut le cas de Charles Baudelaire :
Paris 20 août 1857L’audience qui vient de s’ouvrir devant la 6e chambre correctionnelle de la Seine n’a pas attiré la foule, pourtant l’audience de ce jour-là risque de faire quelque bruit ! En effet, l’accusé se nomme Charles Baudelaire. Il est poursuivi en même temps que ses éditeurs pour avoir publié un recueil de vers jugé scandaleux, Les Fleurs du mal. Le président Dupaty énonce le motif de la poursuite : offense à la morale publique, offense à la morale religieuse.
Gustave Flaubert et Charles Baudelaire se sont donc succédés sur les bancs du tribunal correctionnel de la Seine. La rencontre de ces écrivains avec le monde judiciaire surprend de nos jours. Elle montre l’évolution des mœurs: ni Madame Bovary, ni Les Fleurs du mal ne soulèvent plus de soupçon d’immoralité.
De fait, on ne se prononce plus guère sur la censure dans les arts en France ni en peinture, ni en sculpture, ni en littérature, ni au cinéma.
Un inconnu: un enfant déclaré né de père et de mère inconnus naît sous x
Tout comme en mathématiques, x désigne un nombre inconnu, une quantité inconnue, tout comme on dit aussi Monsieur ou Madame x quand on ne donne pas leurs noms, ou bien encore comme on dit « pour x raisons, le match de foot vient d’être annulé, on ne sait pas encore pourquoi, on attend des explications », comme aussi à l’époque médiévale, les gens qui ne savaient pas écrire devaient signer les documents officiels d’un X. Cette signature avait lieu devant témoins et le signataire devait poser un baiser sur le X pour prouver sa sincérité. Comme tous les exemples qui précèdent, l’accouchement sous X est un accouchement dont la mère, pour des raisons x, familiales, personnelles, économiques, veut conserver l’anonymat.
La plupart de ces grossesses sont impossibles, le secret le plus absolu doit être maintenu, en raison parfois d’un risque de mort pour les femmes concernées.
explique-t-on au Planning Familial, une association qui défend l’accouchement sous le secret.
La France est l’un des rares pays à disposer d’une législation encadrant l’accouchement sous le secret. Cette pratique est considérée comme une garantie contre l’accouchement clandestin, l’abandon sauvage et l’infanticide. En France, toute femme enceinte qui ne souhaite pas élever son enfant a la possibilité de le mettre au monde sans laisser d’informations sur son identité. Elle doit simplement mettre au courant l’équipe médicale de l’établissement hospitalier où elle accouchera si elle est suivie lors de sa grossesse, ou le jour de son accouchement. Aucune pièce d’identité ne peut lui être demandée et les frais médicaux de son accouchement sont pris en charge.
Après sa naissance, l’enfant est confié aux services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Pendant deux mois, il est placé en pouponnière. C’est le temps légal accordé aux parents pour se manifester s’ils souhaitent revenir sur leur décision. A l’issue de cette période, l’enfant devient pupille de l’Etat et peut être adopté.
Le premier cadre législatif organisant cette pratique remonte à la Révolution française. La Convention adopte un décret-loi le 28 juin 1793 pour organiser le recueil des filles mères et des nourrissons. Il dit que:
La fille enceinte pourra se retirer secrètement pour faire ses couches, elle pourra y entrer à telle époque de sa grossesse qu’elle voudra. Il sera pourvu par la Nation aux frais de gésine (d’accouchement) de la mère, et à tous ses besoins pendant le temps de son séjour qui durera jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement rétablie de ses couches : le secret le plus inviolable sera conservé sur tout ce qui la concerne.
Les illustrations
Une première illustration
Tous les enfants abandonnés ou ayant perdu leurs parents ne sont pas adoptés. Ils se sentent orphelins ou le sont vraiment, surtout pendant les périodes de guerre. Le film Les choristes de Gérard Jugnot traite de ce sujet.
Le film se déroule en 1949. Clément Mathieu, professeur de musique sans emploi, occupe un poste de surveillant dans un pensionnat pour garçons; Mathieu désapprouve le système répressif appliqué par le directeur, Rachin. Il préfère utiliser la musique et le chant choral pour leur apporter du bien-être. Voici la transcription du début d’un extrait du film. Mathieu surprend un élève difficile, seul dans une salle de classe, en train de chanter. C’est Morange. Morange se sent abandonné par sa mère qui l’a mis dans ce pensionnat.
Vois sur ton chemin
Gamins oubliés égarés
Donne-leur la main
Pour les mener
Vers d’autres lendemains
Sens au cœur de la nuit
L’onde d’espoir
Ardeur de la vie
Sentier de gloire— Qu’est-ce que tu fais là, Morange?
— Rien Monsieur
— Alors j’ai entendu des voix. Ce doit être la fatigue… Article 8 du règlement intérieur: il est interdit aux élèves de pénétrer seuls dans les classes. Avec Monsieur Rachin, tu le copierais cent fois pour demain matin, sans compter ce qu’il dirait à ta mère.
— J’en ai rien à foutre de ma mère!
— Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait? Explique-moi!
— J’ai rien à vous dire.
— Attends! Tu ne vas pas t’en tirer comme ça. Tout se paye ici. Demande à Pépino. Le problème, Morange, c’est que tu fais des choses qui ne te ressemblent pas: faire le mur, te bagarrer; jouer les voyous, ça fait peut-être rire les autres mais pas moi. Je ne rentrerai pas dans ton petit jeu. Alors à partir de demain, participation obligatoire à la chorale et cours de musique tous les jours. Allez, file te coucher, allez!3 mars- Il ne peut pas s’en douter, mais moi j’en suis sûr, sa voix est un miracle, la promesse d’un don exceptionnel.
Une deuxième illustration: Un extrait de François le champi, une œuvre de George Sand
Un champi est un enfant abandonné, c’est le nom que George Sand choisit, un nom tombé en désuétude. Voici comment George Sand le présente:
Le dictionnaire le déclare vieux, mais Montaigne l’emploie, et je ne prétends pas être plus Français que les grands écrivains qui font la langue. Je n’intitulerai donc pas mon conte François l’Enfant-Trouvé, François le Bâtard, mais François le Champi, c’est-à-dire l’enfant abandonné dans les champs, comme on disait autrefois dans le monde, et comme on dit encore aujourd’hui chez nous.
(François ne connaît pas son père, et celle qu’il appelle sa mère, la Zabelle, ne l’est pas en réalité, elle s’occupe de l’enfant pour recevoir le peu d’argent qui lui vient de l’Etat mais qui les nourrit à peine tous les deux.)
Chapitre I
Un matin que Madeleine Blanchet, la jeune meunière du Cormouer, s’en allait au bout de son pré pour laver à la fontaine, elle trouva un petit enfant assis devant sa planchette, et jouant avec la paille qui sert de coussinet aux genoux des lavandières. Madeleine Blanchet, ayant avisé cet enfant, fut étonnée de ne pas le connaître, car il n’y a pas de route bien achalandée de passants de ce côté-là, et on n’y rencontre que des gens de l’endroit.
— Qui es-tu, mon enfant ? dit-elle au petit garçon, qui la regardait d’un air de confiance, mais qui ne parut pas comprendre sa question. Comment t’appelles-tu ? reprit Madeleine Blanchet en le faisant asseoir à côté d’elle et en s’agenouillant pour laver.
— François, répondit l’enfant.
— François qui ?
— Qui ? dit l’enfant d’un air simple.
— À qui es-tu le fils ?
— Je ne sais pas, allez !
— Tu ne sais pas le nom de ton père !
— Je n’en ai pas.
— Il est donc mort ?
— Je ne sais pas.
— Et ta mère ?
— Elle est par là, dit l’enfant en montrant une maisonnette fort pauvre qui était à deux portées de fusil du moulin et dont on voyait le chaume à travers les saules.
— Ah ! je sais, reprit Madeleine, c’est la femme qui est venue demeurer ici, qui est emménagée d’hier soir ?
— Oui, répondit l’enfant.
— Et vous demeuriez à Mers !
— Je ne sais pas.
— Tu es un garçon peu savant. Sais-tu le nom de ta mère, au moins ?
— Oui, c’est la Zabelle.
— Isabelle qui ? tu ne lui connais pas d’autre nom ?
— Ma foi non, allez !
— Ce que tu sais ne te fatiguera pas la cervelle, dit Madeleine en souriant et en commençant à battre son linge.
— Comment dites-vous ? reprit le petit François.
Madeleine le regarda encore ; c’était un bel enfant, il avait des yeux magnifiques. C’est dommage, pensa-t-elle, qu’il ait l’air si niais. Quel âge as-tu ? reprit-elle. Peut-être que tu ne le sais pas non plus.
La vérité est qu’il n’en savait pas plus long là-dessus que sur le reste. Il fit ce qu’il put pour répondre, honteux peut-être de ce que la meunière lui reprochait d’être si borné, et il accoucha de cette belle repartie : Deux ans !
— Oui-da ! reprit Madeleine en tordant son linge sans le regarder davantage, tu es un véritable oison, et on n’a guère pris soin de t’instruire, mon pauvre petit. Tu as au moins six ans pour la taille, mais tu n’as pas deux ans pour le raisonnement.