Françoise Le Roux
Quoi est un petit mot qui a différentes natures et fonctions dans le domaine grammatical. Nous en étudions quelques-unes.
Quoi peut être un pronom interrogatif: quoi ? qui enjoint (verbe enjoindre) qui enjoint à quelqu’un, c’est-à-dire qui demande expressément à quelqu’un, de répéter quelque chose.
Au téléphone, par exemple, lorsque la communication est mauvaise, lorsqu’elle n’est pas claire, lorsqu’il y a des parasites qui font un grésillement (crackling).
– Quoi ? J’entends mal, ça grésille, répète et parle plus fort !
On dit que l’emploi de quoi ? n’est pas convenable. On dit que c’est un peu vulgaire et qu’il vaut mieux utiliser Comment ?
Quoi peut être employé pour faire un constat, il est alors placé indifféremment au début ou en fin de phrase. Il est soit positif :
L’accident de voiture n’a provoqué que des dégâts matériels sans causer de dommages corporels aux passagers; c’est une bonne chose, quoi…
soit négatif, comme une douleur dans la chanson interprétée par Jane Birkin:
Quoi, de notre amour fou il ne resterait que des cendres.
Elle comprend que son amoureux, désabusé, lui annonce quelque chose de triste à propos de leur relation amoureuse à laquelle il ne croit pas.
Examinons maintenant un autre aspect de quoi, dans les expressions quoique et quoi que. Ces conjonctions prêtent souvent à confusion car elles se prononcent pareil. Or, leur sens est différent.
Quoique, écrit en un seul mot, marque une opposition (though). La première chose à respecter dans la construction grammaticale est que quoique se construit avec le subjonctif. Alors, quoique le subjonctif soit difficile à apprendre, on n’y échappe pas; c’est obligatoire, en tout cas, après quoique ! Une autre conjonction, bien que, a le même sens et appelle aussi le subjonctif.
Quelques exemples?
-Quoique je sois de gauche (ou Bien que je sois de gauche), je ne voterai pas systématiquement pour le candidat de gauche qui se présente aux élections si son programme ne me va pas.
-Bien que le confinement dû au Covid soit moins strict désormais, (ou Quoique le confinement dû au Covid soit moins strict désormais), il est prudent de respecter les règles de sécurité concernant l’hygiène et, dans les transports en commun, aux heures de pointe par exemple, le port du masque.
-Nous ne pouvons malheureusement pas prendre de congés cet été quoique nous en ayons réellement besoin (ou bien que nous en ayons réellement besoin) à cause de la fatigue.
Quoi que (whatever) se construit aussi avec le mode subjonctif. Quoi que, en deux mots, est utilisé pour exprimer une impossibilité de changer les choses. On ne trouve pas la bonne solution pour modifier une situation.
Les gens ne se conduisent pas tous en bons citoyens. Ils ne respectent pas tous le code de la route. Ils ne trient pas leurs déchets, etc. Quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, on ne peut empêcher les incivilités.
Notez que le sens de quoi que… n’est pas forcément négatif:
-Quoi que cet homme entreprenne, il réussit dans tous les domaines. Il a développé avec succès une entreprise agricole, il gère maintenant un restaurant très prisé par la clientèle. Tout lui réussit, quoi qu’il fasse.
Des illustrations
Charles Baudelaire – Le Spleen de Paris, XXXIII

Enivrez-vous de Charles Baudelaire est extrait de Petits Poèmes en Prose, édité en 1869.
Notez que ce texte a figuré aux sujets du bac 2022 au mois de juin.
Dans ce texte, Baudelaire enjoint à tout le monde de s’enivrer, c’est-à-dire de s’enthousiasmer, quoi qu’il advienne dans la vie.
Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais, enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Jane Birkin – Quoi
Jane Birkin, actrice, chanteuse, inspire les compositeurs et les cinéastes, et le public français, toujours.
Quoi est une chanson de Jane Birkin parue en 1985 en single. Elle avait rencontré un auteur compositeur italien et demandé à Serge Gainsbourg d’écrire les paroles en français. Quoi est aussitôt devenu un succès, disque d’argent. Sous ce titre Quoi, est sortie une compilation de douze chansons.
Paroles
Quoi
De notre amour fou il ne resterait que des cendres
Moi
J’aimerais que la terre s’arrête pour descendre
Toi
Tu me dis que tu ne vaux (verbe valoir) pas la corde pour te pendre
C’est à laisser ou à prendre (l’expression, populaire, est « c’est à prendre ou à laisser, on ne peut pas négocier »)
Joie et douleur, c’est ce que l’amour engendre
Sois au moins conscient que mon cœur peut se fendre (se fracturer)
Soit dit en passant (au fait) j’ai beaucoup à apprendreSi j’ai bien su te comprendre
Amour cruel
Comme un duel
Dos à dos et sans merci (la lutte jusqu’au bout)
Tu as le choix des armes
Ou celui des larmes
Penses-y
Penses-y
Et conçois que c’est à la mort à la vie (l’expression est ‘à la vie, à la mort’ comme serment de fidélité))Quoi
De notre amour fou, il ne resterait que des cendres
Moi, j’aimerais que la terre s’arrête pour descendre
Toi, tu préfères mourir (plutôt) que de te rendre
Va donc savoir, va comprendre
Amour cruel, comme en duel
Dos à dos et sans merci
Tu as le choix des armes
Ou celui des larmes
Penses-y
Penses-y
Et conçois que c’est à la mort, à la vie
Toi, tu préfères mourir que de te rendre
Va savoir, va comprendreQuoi
De notre amour fou, il ne resterait que des cendres
Moi, j’aimerais que la terre s’arrête, pour descendre
Toi
Tu me dis qu tu ne vaux pas la corde pour te pendre
C’est à laisser ou à prendre