La géographie
La ville de Tarascon se situe dans le Midi de la France – c’est-à-dire dans le sud- dans le département des Bouches-du-Rhône, vers l’embouchure du Rhône, là où ce fleuve se jette dans la mer Méditerranée, en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Tarascon possède les atouts (les avantages) d’une cité provençale, construite en bordure du Rhône au coeur du triangle des villes plus connues: Nîmes, Arles et Avignon.
Un écrivain, Alphonse Daudet, a écrit en 1872 un livre intitulé Tartarin de Tarascon. C’est un livre original qui a pour héros un homme nommé Tartarin. Cet homme est un hâbleur, c’est-à-dire quelqu’un qui se vante, un vantard, un mythomane qui se glorifie d’exploits qu’il n’a pas commis, comme par exemple chasser le lion en Afrique, et qui se trouve obligé de partir réellement chasser le lion en Afrique car, invité à participer à un safari en Afrique, il doit prouver sa valeur. Mais il est pathétique. En ce sens on peut dire que c’est même un anti-héros. Tartarin de tarascon est un fanfaron naïf dont profitent des gens malins.

Le livre connaît un énorme succès populaire à sa sortie et le succès ne se dément pas de nos jours, encore. C’est un bon livre à lire et à relire, en partie parce que, ce dont nous parle Alphonse Daudet, c’est avant tout du Midi de la France, lequel est cher à son coeur:
Je vis à mille lieues des brouillards parisiens, sur une colline lumineuse, dans le pays des tambourins et du vin muscat.
Il n’y a pas que l’environnement qui réjouisse Alphonse Daudet; il aime la tendance des Provençaux à se délecter de tout exagérer, de tout magnifier, amplifier, glorifier. Ainsi s’explique la réflexion, dite avec l’accent du Midi en prononçant toutes les syllabes, lorsque quelqu’un vous semble exagérer ses propos:
Dis, tu ne serais pas un peu de Marseille, toi?
Ainsi s’explique également la chanson vantant la principale avenue de Marseille, la Canebière (qui n’est pas si longue que ça en fait, ni si impressionnante ni majestueuse; disons que ce n’est pas l’avenue des Champs-Élysées). Voici un extrait des paroles, par exemple, de cet hymne marseillais. Vous l’entendrez les soirs de victoire en coupe de football!
Notre Canebière
Elle part du Vieux-Port et sans efforts,
Coquin de sort!* elle exagère,
Elle finit au bout de la Terre,
Notre Canebière.*Oh coquin de sort! c’est une expression familière du Midi pour exprimer son étonnement
Revenons à nos moutons!
Revenons à Tartarin si représentatif du Midi, mais pas que… À vrai dire, c’est une tendance généralisée de l’esprit français, de l’esprit «franchouillard», comme on dit. Alphonse Daudet n’a-t-il pas déclaré? :
En France, tout le monde est un peu de Tarascon.
La charge – l’exagération – ne gêne pas du tout Gustave Flaubert lui-même par exemple, qui, ami de Daudet, surenchérit:
C’est purement et simplement un chef-d’œuvre. Je lâche le mot et je le maintiens.
De fait, dans son ouvrage Bouvard et Pécuchet, Flaubert fait aussi son miel de la satyre, de l’exagération critique. Et que dire de la représentation de Tartarin en 1912 au défilé du carnaval de Nice? C’est l’image d’un chasseur glorieux.

Tout se passe comme si le rêve avait le pouvoir de prendre le pas sur la réalité, et de se communiquer quand il est bien traité.
Le vocabulaire
Côté vocabulaire, Alpĥonse Daudet nous lègue des néologismes.
La tartarinade
Qu’est-ce qu’une tartarinade? C’est une fanfaronnade, une galéjade, une exagération ridicule, une vantardise que personne ne prend au sérieux, une bouffonnade. Le dictionnaire Larousse cite des phrases d’auteurs:
Puis je réagis, je blague, je tente de crâner vis-à-vis de moi-même ; il me semble que cette position critique ne peut durer ; je me dis que je sortirai vivant de ce mauvais pas et qu’un jour, plaisantant mes angoisses, je raconterai cet épisode, en prenant une tasse de thé, à des dames souriantes qui croiront à des tartarinades.
— (Jean Galtier-Boissière, La Fleur au fusil, Baudinière, Paris, 1928)
Dans l’exemple suivant, c’est une action aussi spectaculaire qu’inutile et inconsidérée, motivée par la vanité et le désir de faire parler de soi. (Jean Lacouture est un spécialiste et admirateur du Général De Gaulle.)
Cela s’est terminé à Notre-Dame par une sorte de fusillade qui n’était qu’une tartarinade.
— (Jean Lacouture, De Gaulle, 1990)
L’Arlésienne?
Qu’est-ce qu’une Arlésienne? Quelque chose ou quelqu’un qu’on n’a jamais vu et qu’on ne verra jamais. On en parle… mais c’est un personnage qui n’apparaît jamais sur la scène. En février 2007, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur en visite pour la première fois à Argenteuil -une banlieue ‘rouge’ de Paris- avait promis de se débarrasser des gens qui manifestaient bruyamment contre lui et qu’il avait nommés « la racaille ». (Le terme racaille désigne avec mépris les plus pauvres de la population.) Mais il n’est pas revenu une deuxième fois comme prévu car « la racaille » l’attendait de pied ferme. Le journal Libération avait titré un article :
Sarkozy, un ministre qui joue l’Arlésienne en banlieue.
La littérature
Vladimir Nabokov a écrit:
La littérature est invention. La fiction est fiction. Appeler une histoire ‘histoire vraie’, c’est faire à la fois injure à l’art et à la vérité. Tout grand écrivain est un illusionniste.
Or l’illusion de Tartarin est parfaite. L’un des ouvrages majeurs d’Alphonse Daudet s’intitule Les Lettres de mon Moulin. C’est du moulin de « Pampérigouste », un lieu imaginaire au nom chantant, que Daudet nous écrit ses lettres. Un lieu tout à l’opposé de Paris :
Comment voulez-vous que je le regrette, votre Paris bruyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin!
Les Lettres de mon moulin s’ouvrent sur L’Installation :
Ce sont les lapins qui ont été étonnés !… Depuis si longtemps qu’ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d’opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des lapins… La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune… Le temps d’entr’ouvrir une lucarne, frrt ! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l’air, dans le fourré. J’espère bien qu’ils reviendront.
Les Lettres de mon moulin sont constituées de contes: la Chèvre de Monsieur Seguin, La Mule du pape, Le curé de Cucugnan, L’Agonie de la Sémillante, Les trois messes basses, L’Arlésienne…
L’Arlésienne
Les Arlésiens sont les habitants de la ville d’Arles. Voilà l’histoire: Jan, un jeune paysan, est tombé follement amoureux d’une jeune fille qu’il a rencontrée en Arles (on dit ‘en Arles’, pas à Arles, c’est l’habitude provençale). Ses parents consentent au mariage. Mais un jour, un homme vient au mas (une ferme en Provence) et prétend qu’il a été l’amant de cette Arlésienne. Il montre au père de Jan des lettres qu’il a reçues d’elle. Le lendemain, le père raconte cela à son fils. Jan renonce à se marier mais ne peut oublier l’Arlésienne. Rongé par le chagrin, il finit par se suicider.
Jan ne parla plus de l’Arlésienne. Il l’aimait toujours cependant, et même plus que jamais, depuis qu’on la lui avait montrée dans les bras d’un autre. Seulement il était trop fier pour rien dire ; c’est ce qui le tua, le pauvre enfant !… Quelquefois il passait des journées entières seul dans un coin, sans bouger. D’autres jours, il se mettait à la terre avec rage et abattait à lui seul le travail de dix journaliers… Le soir venu, il prenait la route d’Arles et marchait devant lui jusqu’à ce qu’il vît monter dans le couchant les clochers grêles de la ville. Alors il revenait. Jamais il n’alla plus loin.
De le voir ainsi, toujours triste et seul, les gens du mas ne savaient plus que faire. On redoutait un malheur… Une fois, à table, sa mère, en le regardant avec des yeux pleins de larmes, lui dit : «Eh bien ! écoute, Jan, si tu la veux tout de même, nous te la donnerons…
Le père, rouge de honte, baissait la tête… Jan fit signe que non, et il sortit…
Les illustrations
La composition musicale
L’Arlésienne est mis en musique par Georges Bizet, compositeur français (1838-1875) qui a également composé Carmen.
BIZET – L’Arlésienne, Suite n°2 “Farandole” (Ballet Folklorique de Provence), live :
Une deuxième version: BIZET — L’Arlésienne Suite No. 2 / Karajan · Berliner Philharmoniker
La Canebière
Vincent Scotto (né à Marseille en 1874- mort à Paris en 1952) est le compositeur de La Canebière. La chanson est interprétée par Robert Ripa
Aux quatre coins du monde, indiscutablement
On aime sa faconde et ses mille défauts charmants
Elle a la grâce brune des filles du midi
Il n’en existe qu’une et parlant d’elle chacun dit :
{Refrain:}
On connaît dans chaque hémisphère
Notre Cane…Cane…Canebière
Et partout elle est populaire
Notre Cane…Cane…Canebière
Elle part du Vieux Port et sans effort
Coquin de sort, elle exagère
Elle finit au bout de la terre
Notre Cane…Cane…Canebière
Comment vous la décrire, son charme est sans pareil
Joyeuse elle s’étire comme un lézard au soleil
Internationale pour l’amour, tron de l’air! (vieille exclamation provençale qui signifie “Tonnerre de l’air !”)
Elle est la capitale des marins de l’univers
{au Refrain}