Tiens, voilà du boudin, voilà du boudin, voilà du boudin
En cuisine
Mais de quel boudin s’agit-il? Il ne s’agit pas du boudin de charcuterie, boudin noir à base de sang de porc, ou boudin blanc à base de viande, de lait et d’oeufs que l’on mange en général à Noël. Les deux ont l’apparence de saucisses. Mais ici il s’agit de tout autre chose. Le boudin est la forme du paquetage que reçoit le légionnaire en mission, une couverture roulée comme un cylindre, un boudin, qu’il porte sur son sac à dos.
Au plan linguistique
Notez la signification de tiens. Il y a deux possibilités:
Tiens! peut être exclamatif, sans rapport avec le sens du verbe tenir:
Tiens, on dirait qu’il va pleuvoir.
Tiens, voilà le facteur!
C’est la marque d’une surprise. On dit parfois Tiens tiens pour amplifier l’effet de surprise:
Tiens tiens, quelqu’un a mangé mon dessert, je me demande bien qui…
Deuxième possibilité, Tiens! garde le sens de base du verbe tenir, et c’est le cas du boudin de la Légion. On tend quelque chose à quelqu’un et on lui signifie de le prendre, de le tenir.
Tiens, prends le boudin, il est pour toi.
Historiquement
Le Boudin est la marche officielle de la Légion étrangère en France.
Pour comprendre cela il faut interroger l’histoire de France. Fondée en 1831 par Louis Philippe pour assurer le recrutement des étrangers, la légion étrangère a été utilisée par Napoléon III lors de la campagne du Mexique, à but colonialiste en réalité, mais dont le but avoué était de récupérer une ancienne dette qu’un nouveau gouvernement mexicain refusait d’honorer. Il y avait alors dans la Légion en majorité des Alsaciens, des Suisses, des Lorrains, et des Belges. Or le roi de Belgique, Léopold premier, demanda à Napoléon III que les légionnaires belges ne participent pas à l’expédition du Mexique pour respecter la neutralité de la Belgique et pour d’autres raisons diplomatiques. L’Empereur accepta et on fit sortir des rangs tous les Belges qui rendirent donc leurs boudins. Plus de boudins pour les Belges! Et la Légion, ignorant les tractations diplomatiques, composa un hymne de protestation en rappelant les faits de gloire, et le code d’honneur Honneur et fidélité.
Au Tonkin, la Légion immortelle
A Tuyen-Quang illustra notre Drapeau.
Héros de Camerone et frères modèles
Dormez en paix dans vos tombeaux.Tiens voilà du boudin
Pour les Alsaciens, les Suisses et les Lorrains
Pour les Belges y’en n’a plus
Ce sont des tireurs-au-cul
Un tire-au-cul, c’est un feignant, un paresseux, un lâche, on dit aussi un tire-au-flanc. Ici ce ne sont pas de vrais tirailleurs, de vrais tireurs -les Belges-, ce sont juste des tireurs-au-cul, des traîtres puisque la devise de la Légion est Honneur et fidélité.
Culturellement, le folklore et ses symboles
Les pauvres légionnaires belges étaient victimes d’accords aux niveaux supérieurs des Etats, mais ce chant est devenu, et resté, la marche de la Légion.
La cadence (le rythme) est 88 pas par minute, on l’appelle le «pas Légion». C’est une marche très lente, beaucoup plus lente que les marches militaires de tous les régiments qui font 120 pas minute. Cela explique pourquoi lors des défilés, comme celui du 14 juillet, la Légion défile en dernier, d’un pas lent symbole de la force tranquille.
Le port de la hache sur l’épaule et le tablier en cuir: ce sont les attributs des sapeurs. Les légionnaires interviennent en première ligne, ils doivent faire à grands coups le passage dans les rangs ennemis, le tablier les protège.
La barbe: En première ligne ils ont le risque de ne pas revenir, d’où le droit de ne pas se raser avant le combat, et aussi après pour marquer les états de service et la bravoure.

Le chapeau chinois en cuivre est d’origine turque. Abandonné au XIXe siècle par la plupart des musiques militaires, il a été conservé par la Légion qui a ajouté aux clochettes turques des queues de chevaux, comme faisaient les régiments d’Afrique. Ce sont les chevaux des vaincus, bien sûr.
Ne pas se séparer en deux groupes au défilé du 14 juillet, comme les autres régiments, en passant devant la tribune présidentielle, car ils sont fortement unis, comme soudés.
L’impact sur la vie civile
Le légionnaire a un fort impact sur le public, surtout après la deuxième guerre mondiale. Il donne l’image du héros de légende, d’un superman irrésistible et fascinant dans l’imaginaire collectif. On écoute Edith Piaf interprétant une chanson écrite par Raymond Asso, ancien légionnaire. Le titre de la chanson est Mon légionnaire.
Il était mince, il était beau, il sentait bon le sable chaud, mon légionnaire
et Le Fanion de la Légion, chanson du même parolier écrite en 1936:
Tout en bas, c’est le Bled immense que domine un petit fortin. Sur la plaine, c’est le silence, et là-haut, dans le clair matin, Une silhouette aux quatre vents jette les notes aiguës d’un clairon, mais, un coup de feu lui répond.
Ah la la la, la belle histoire. Il y a trente gars dans le bastion, torse nu, rêvant de bagarres, ils ont du vin dans leurs bidons, Des vivres et des munitions.
Ah la la la, la belle histoire. Là-haut sur les murs du bastion, dans le soleil plane la gloire et dans le vent claque un fanion. C’est le fanion de la légion !Les salopards tiennent la plaine. Là-haut, dans le petit fortin, depuis une longue semaine, la mort en prend chaque matin. La soif et la fièvre dessèchent les lèvres. A tous les appels de clairon, c’est la mitraille qui répond.
Ah la la la, la belle histoire, Ils restent vingt dans le bastion, le torse nu, suant la gloire, ils n’ont plus d’eau dans leurs bidons et presque plus de munitions.
Ah la la la, la belle histoire, Claquant au vent sur le bastion, et troué comme une écumoire, il y a toujours le fanion, Le beau fanion de la légion !Comme la nuit couvre la plaine, les salopards, vers le fortin se sont glissés comme des hyènes.. Ils ont lutté jusqu’au matin : hurlements de rage, corps à corps sauvages, Les chiens ont eu peur des lions: ils n’ont pas pris la position.
Ah la la la, la belle histoire, Ils restent trois dans le bastion, le torse nu, couverts de gloire, sanglants, meurtris et en haillons, Sans eau ni pain, ni munitions.
Ah la la la, la belle histoire, Ils sont toujours dans le bastion mais ne peuvent crier victoire : On leur a volé le fanion, Le beau fanion de la légion !Mais tout à coup, le canon tonne : Des renforts arrivent enfin. A l’horizon, une colonne se profile dans le matin. Et l’écho répète l’appel des trompettes qui monte vers le mamelon. Un cri de là-haut lui répond.
Ah la la la, la belle histoire, Les trois qui sont dans le bastion, sur leurs poitrines toutes noires avec du sang, crénom de nom, ont dessiné de beaux fanions.
Ah la la la, la belle histoire, Ils peuvent redresser le front et vers le ciel crier victoire. Au garde-à-vous sur le bastion, ils gueulent “présent la Légion.”