La grammaire et le vocabulaire
Avoir est un verbe aux sens multiples : obtenir…
J’obtiens enfin la réponse que j’attendais – j’ai la réponse
recevoir…
Je reçois le journal tous les matins – j’ai le journal
attraper une maladie…
J’ai un rhume.
jouer un tour à quelqu’un…
Pas de u dans avoir ? Mais si, je vous ai bien eus! (I got you!)
Eu est le participe passé de avoir. Alors il ne faut pas négliger l’accord du participe passé avec un complément d’objet direct placé avant le verbe :
Je vous ai eu / eue/ eus/ eues
selon le genre et le nombre représenté par vous : vous monsieur, vous madame, vous messieurs ou vous mesdames. À chaque fois prononcez u, sans tenir compte de l’orthographe.
Toute une partie de la conjugaison du verbe avoir se fait en eu. De fait, tous les temps composés de avoir se composent de l’auxiliaire de conjugaison et du participe passé eu.
À l’indicatif passé
Le passé, justement appelé composé est :
j’ai eu, tu as eu, il a eu, nous avons eu, vous avez eu, ils ont eu
Le plus que parfait sera :
j’avais eu, tu avais eu, il avait eu, nous avions eu, vous aviez eu, ils avaient eu
Attention ! Le passé simple, qui comme son nom l’indique, n’est pas un temps composé, est pourtant lui aussi en eu :
j’eus, tu eus, il eut, nous eûmes, vous eûtes, ils eurent
Au conditionnel passé
j’aurais eu, tu aurais eu, il aurait eu, nous aurions eu, vous auriez eu, ils ou elles auraient eu.
Concernant le vocabulaire, il y a le verbe avoir, qui se fait aussi auxiliaire pour participer aux conjugaisons des temps composés, et avoir peut aussi être un nom masculin, un substantif, comme on dit :
un avoir / des avoirs
« J’ai eu un avoir », cette petite phrase a de quoi déstabiliser car on y retrouve l’auxiliaire, le participe passé, et le nom. Qu’est-ce qu’un avoir ? Un avoir peut vous être proposé dans un magasin si vous y avez acheté un article qui, pour des raisons, ne vous convient pas finalement et que vous souhaitez faire reprendre par le magasin. Or le vendeur vous objecte que ce n’est pas possible, qu’il ne peut pas vous rembourser l’argent, mais que, l’article en question étant ramené par vous en bon état, il peut vous faire un avoir, c’est-à-dire récupérer l’objet et vous permettre d’utiliser la somme que vous avez payée pour acheter autre chose dans ce même magasin.
Mais revenons à nos moutons… pour nous intéresser à un autre U comme… Ubu roi.
En littérature : La pataphysique

La pataphysique est « La science des solutions imaginaires » selon les mots de son inventeur, Alfred Jarry. Le terme est un jeu de mots goguenard sur la métaphysique. La pataphysique se propose d’examiner les phénomènes du monde sous un regard particulier, en décalage avec toute vision conformiste de l’art. Le collège de pataphysique est considéré comme précurseur du mouvement surréaliste et du théâtre de l’absurde. André Breton et Eugène Ionesco en font partie, tout comme Boris Vian et le photographe Man Ray.
Alfred Jarry est, entre autres, l’auteur d’une pièce de théâtre Ubu Roi publiée en 1896 dans la revue de Paul Fort « Le Livre d’art » et représentée pour la première fois par la troupe du théâtre de l’Œuvre à Paris.
L’argument est plutôt classique, il tient à la fois du Macbeth de Shakespeare ou du Caligula d’Albert Camus. Sur le conseil de sa femme, le père Ubu assassine le roi Venceslas de Pologne, pour prendre le pouvoir. Il déclare ensuite à ses sujets: « J’ai l’honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens ». Il est poursuivi par le prince Bougrelas, fils de Venceslas. Puis il est méchamment trahi par la mère Ubu, ce qui les oblige pour finir à s’enfuir ailleurs misérablement.
Voici comment s’y prend la Mère Ubu pour pervertir le Père Ubu au début de la pièce :
Acte I scène I
MÈRE UBU: Comment ! Après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ?
PÈRE UBU: Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
MÈRE UBU: Tu es si bête !
PÈRE UBU: De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant : et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?
MÈRE UBU: Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?
Tout est dit concernant la simplicité de l’intrigue. Mais le plus intéressant est le traitement du langage, direct et vulgaire. Alfred Jarry nous a laissé un néologisme: l’adjectif ubuesque pour signifier, dit le dictionnaire, « d’un comique grotesque et démesuré, poussé jusqu’à l’absurde ».
S’il y a une chose qui saute immédiatement aux yeux lorsqu’on étudie cette pièce de théâtre, c’est sans doute la grossièreté et la vulgarité du langage. Le théâtre passe pour un genre littéraire où l’élégance et la finesse linguistique sont au rendez-vous, mais ceci n’est pas le cas dans Ubu roi. Les personnages s’expriment de manière abusive en faisant usage de mots expressément offensifs. Même les expressions de violence sont très explicites, ce qu’on trouve peu dans la comédie. Par exemple, le mot « merdre », un peu déformé par le r intercalé, est mentionné quatorze fois dans la pièce. Le Père Ubu s’adresse à sa femme comme s’il s’agissait d’un ennemi : « De par ma chandelle verte*, je te vais t’arracher les yeux » ou encore : « Je vais te marcher sur les pieds. » et la Mère Ubu elle-même lui rétorque en l’insultant : « Ah ! gros Père Ubu. »
*La chandelle verte, c’était le nom de la revue des pataphysiciens.
etudier.com
Les illustrations
Une mise en scène d’Ubu roi au festival d’Avignon en 2005
Le théâtre et le retour du Père Ubu ! Le personnage créé en 88, 1888, par Alfred Jarry fait son retour après 25 années d’absence. Merdre!, fracassant leit motiv d’Ubu roi. En cette fin du 19ème siècle le mot fait scandale et frappe la bienséance. Cent ans plus tard à Avignon, la mise en scène conserve l’esprit d’Alfred Jarry. Loufoque et inquiétant à la fois, Ubu est un personnage complexe.
Une deuxième illustration : Paul Fort
Paul Fort est un poète français associé au mouvement symboliste. À 18 ans, réagissant contre le théâtre naturaliste, il fonde le Théâtre d’Art (1890-93). Il a également fondé et édité les revues littéraires ‘Livre d’Art’ avec Alfred Jarry et ‘Vers et Prose’ (1905-1914) avec le poète Guillaume Apollinaire, qui a publié le travail de Paul Valéry et d’autres écrivains symbolistes importants.
Paul Fort est chanté par Georges Brassens. Voici L’amandier
J’avais le plus bel amandier
Du quartier,
Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier,
Je faisais pousser des amandes,
Le beau, le joli métier.
Un écureuil en jupon,
Dans un bond,
Vint me dire : « Je suis gourmande
Et mes lèvres sentent bon,
Et, si tu me donnes une amande,
Je te donne un baiser fripon.
– Grimpe aussi haut que tu veux,
Que tu peux,
Et tu croques, et tu picores,
Puis tu grignotes, et puis tu
Redescends plus vite encore
Me donner le baiser dû. »
Quand la belle eut tout rongé,
Tout mangé,
« Je te paierai, me dit-elle,
À pleine bouche quand les
Nigauds seront pourvus d’ailes
Et que tu sauras voler ! »
« Monte m’embrasser si tu veux,
Si tu peux.Mais dis-toi que, si tu tombes,
Je n’aurai pas la larme à l’oeil,
Dis-toi que, si tu succombes,
Je ne porterai pas le deuil ! »
(elle) Les avait, bien entendu,
Toutes mordues,
Toutes grignotées, mes amandes,
Ma récolte était perdue,
Mais sa jolie bouche gourmande
En baisers m’a tout rendu.
Et la fête dura tant (autant)
Que le beau temps.
Mais vint l’automne, et la foudre,
Et la pluie, et les autans (les vents)
Ont changé mon arbre en poudre,
Et mon amour en même temps !