Y’a qu’à est la forme contractée de il n’y a qu’à suivi d’un infinitif. C’est une forme familière. On reconnaît l’emploi de ne… que, avec le sens de « seulement ».
Je dois prendre un train en urgence, je n’ai que peu de temps pour faire ma valise.
C’est l’expression d’une restriction.
Le joueur vient de perdre toute sa fortune au casino, il ne lui reste que les yeux pour pleurer.
Au tout début de la Révolution, Marie-Antoinette, s’étonnant d’une émeute sous ses fenêtres, demanda pourquoi le peuple était en colère. On lui répondit: « C’est qu’ils n’ont plus de pain », à quoi elle donna la solution évidente :
Eh bien, il n’y a qu’à leur donner de la brioche.
La phrase est fameuse, toutefois elle n’a aucune attestation historique. C’est une légende. Néanmoins cette réplique légendaire illustre bien l’esprit de il n’y a qu’à.
C’est l’expression d’une évidence. Et dans bien des cas c’est surtout l’expression d’un manque de réflexion quand les choses ne sont pas aussi simples que cela. Comme dit le dicton, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, et les donneurs de leçons ne sont pas ceux qui font le travail. C’est pourquoi on les appelle avec mépris les yaka, les grands Yaka.
Y’avait qu’à faire ceci, y’aura qu’à faire cela !
Le procédé est en vogue dans les milieux politiques par exemple, et surtout dans les partis de l’opposition gouvernementale. Hélas, c’est toujours plus facile à dire qu’à faire. Y’a qu’à est un abrégé autant dans la forme que sur le fond. C’est le discours des campagnes électorales qui se termine en filigrane par:
Je vous ai compris, votez pour moi !
Y’a qu’à a un corollaire Faut qu’on. Faut qu’on est mis, en langage parlé, pour il faut qu’on… Il faut qu’on fasse telle ou telle chose.
Faut absolument qu’on gagne la coupe du monde cette année! Faut qu’on soit les meilleurs!
Faut qu’on est du même genre que y’a qu’à, et souvent on les accole l’un à l’autre, pour désigner un ou une adepte de l’expression : c’est un ou une Yaka-Faucon. Notez bien que Faut qu’on est suivi du subjonctif et donc plus délicat à placer.
Les impôts nous écrasent, le racisme est partout, le chômage gagne du terrain. C’est simple ! Faut qu’on rebâtisse le monde !
Un truisme : Pour exprimer une évidence, il existe le mot un truisme qui nous vient de l’anglais true, the truth, ce mot ayant été admis par l’Académie française en 1878. Le mot truisme désigne une vérité évidente, ou, comme on dit parfois avec un brin de malice la vraie vérité, en suggérant qu’il y a des vérités douteuses.
Une lapalissade
Ce mot a un sens très proche de truisme dans la mesure où il s’agit aussi d’une chose incontestable, et même d’une chose qu’il serait stupide de vouloir mettre en doute car vous passeriez alors pour un ou une imbécile. Une lapalissade a donc une connotation péjorative. C’est une niaiserie.
D’où vient le mot une lapalissade ?

Jacques II de Chabannes (1470-1525), seigneur de La Palice (on écrit parfois La Palisse), était maréchal de François Ier. L’orthographe de lapalissade vient du nom moderne de la ville de Lapalisse dans le Bourbonnais où se trouve le château historique de Jacques de La Palice.
Mais cette origine attribuée est le résultat d’erreurs historiques, dans la mesure où Monsieur de la Palice n’a jamais prononcé de lapalissade.
Et voici la vraie vérité: Monsieur de la Palice étant mort à la bataille de Pavie, son épouse aurait fait graver sur la tombe:
Ci-gît le Seigneur de La Palice
S’il n’était pas mort il serait encore en vie
Ce qui aurait été une piètre évidence, et, sur une tombe, une mauvaise blague, mais il faut savoir que mourir en vie, c’était à l’époque mourir dans un état où l’on est encore plein de force. On dit maintenant mourir dans la force de l’âge.
Il faut aussi savoir qu’il existait à l’époque deux graphies pour le « s » minuscule : le s rond (« s ») et le s long (« ſ ») , ce dernier pouvant être confondu avec un « f ».

Une autre erreur a parfois fait dire S’il n’était pas mort, il ferait encore envie – ce qui voudrait dire que l’on aurait encore envie de lui, qu’il serait toujours séduisant.
Mais qu’est-ce qu’il a fait pour mériter ça ?
Bien qu’il fût brave et distingué, l’histoire n’en tint pas compte et s’acharna à narguer Monsieur de la Palice et à le tourner en ridicule. Aujourd’hui, on retrouve dans des textes la phrase déformée :
Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie.
Une première illustration
Voici l’œuvre d’un anonyme composée au début du XVIIIe siècle. Sauvée par l’exécution musicale?
Hélas, La Palice est mort
Il est mort devant Pavie
Hélas, s’il n’était pas mort
Il serait encore en vie
Hélas il eut bien grand tort
De s’en aller à Pavie
Hélas s’il ne fût pas mort
Il n’eût point perdu la vieIl était fort bien vêtu
Son habit doublé de frises
Et quand il était tout nu
Il n’avait point de chemiseDeux jours avant de mourir
Il écrivait au roi, son maître
Hélas, s’il n’eût point écrit
Le roi n’eût pas lu sa lettreIl était très bon chrétien
Il vivait dans l’abstinence
Et quand il ne disait rien
Il observait le silenceIl est mort le vendredi
Passée la fleur de son âge
S’il fût mort le samedi
Il eût vécu davantageLes médecins sont d’accord
Et toute la pharmacie
Que deux jours avant sa mort
Il était encore en vie
Une seconde illustration
Alfred de Musset (1810-1857) est un écrivain de la période romantique. Il a écrit entre autres : On ne badine pas avec l’amour (pièce de théâtre en 3 actes), Lorenzaccio (drame romantique en 5 actes), La Confession d’un enfant du siècle (roman) et Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, intitulée par lui Proverbe en un acte, créée en 1848. De fait, le titre ressemble à la forme des proverbes: Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, Il faut boire le vin quand il est tiré, etc. C’est l’expression de la sagesse populaire.
Dans la pièce, il s’agit de deux personnes, un comte et une marquise. Ils sont chez la marquise, et dans la discussion ils tournent autour du pot, comme on dit, sans se dire clairement les choses, c’est-à-dire que chacune de ces personnes souhaite épouser l’autre. La marquise fait la coquette, prétend être insensible à l’amour, clame qu’elle ne sera pas qu’une maîtresse. Le comte bien qu’étant explicite, garde ses distances, semble se lasser. Au milieu de tout cela, des serviteurs sonnent sans arrêt à la porte que le comte ouvre à chaque fois mais tarde à refermer…
On dit que le théâtre de Musset est fait pour être lu, plus que pour être joué. Hé oui, Y’a plus qu’à lire le texte pour s’en persuader!
Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée (texte intégral)