Il y a des personnes qui sont pour la paix en général, et il y en d’autres qui se plaisent à créer des hostilités, autrement dit qui adorent instaurer entre les gens la zizanie, des intrigues, des complications.
On peut lire dans nos journaux par exemple :
Le casse-tête du stationnement des bicyclettes crée la zizanie en ville.
La zizanie est à l’origine le nom d’une plante qui nous vient d’orient, dont le nom grec est zizanion. Elle est utilisée comme plante fourragère, c’est-à-dire un fourrage, une plante qui sert à nourrir le bétail. Dans ce cas, elle peut être cultivée. Mais quand elle pousse à l’état sauvage sur les terres, il arrive qu’elle se mêle à des cultures, comme le blé par exemple. On dit alors que c’est une mauvaise herbe.
La zizanie est parfois appelée l’ivraie. On la connaît sous ce nom dans une parabole, un récit imagé, concret, raconté pour simplifier et rendre compréhensible quelque chose de plus compliqué, quelque chose de mystérieux dans la bible. C’est ainsi que Le Bon Grain et l’Ivraie est une parabole du Nouveau Testament qui se trouve dans l’évangile selon Saint Matthieu, concernant la nécessité de savoir distinguer le bien et le mal, tous deux enracinés en l’homme au départ.
Voici le récit de la parabole:
Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait fait semer de bonnes semences dans son champ. Mais, pendant que les ouvriers agricoles dormaient, un ennemi vint et sema de l’ivraie parmi le blé. Quand l’herbe eut poussé, alors l’ivraie parut aussi. Et les serviteurs du maître vinrent à lui et lui dirent: « Seigneur, tu n’as pas semé de bonnes semences dans ton champ; d’où vient qu’il porte de l’ivraie? » Le maître répondit: « C’est un ennemi qui a fait cela! » Et les serviteurs demandèrent: « Veux-tu que nous allions l’arracher? » Mais le maître dit: « Non, car vous déracineriez le blé en même temps. Laissez pousser les deux plantes en même temps jusqu’à la moisson, alors vous cueillerez d’abord l’ivraie et vous la brûlerez. Puis vous rentrerez le blé dans le grenier. »
La zizanie a de nombreux synonymes, lesquels sont construits eux aussi avec le verbe semer, comme dans la parabole. On dit « semer la zizanie parmi les gens, » c’est-à-dire semer la discorde, la mésentente, semer le trouble. Par exemple, la question du Brexit, la séparation entre le Royaume Uni et l’Europe, a semé la zizanie entre les partisans et les opposants.
La zizanie est perçue négativement et laisse prévoir des conséquences complexes et dommageables, proches du proverbe :
Qui sème le vent, récolte la tempête.
On peut aussi semer la zizanie en paroles, en faisant courir de fausses accusations, des rumeurs. Comme l’avait écrit avec philosophie Francis Bacon (1561-1626) dans son Essai sur l’athéisme :
Médisez, médisez, il en restera toujours quelque chose.
lui-même ayant été accusé et condamné sur des rumeurs, puis gracié, mais toujours suspecté par l’opinion publique.

Plus tard, au XVIIIème siècle Beaumarchais, fera dire à Basile, dans le Barbier de Séville :
Calomnions, calomnions, il en restera toujours quelque chose.
dans l’idée que même si la plaie guérit, il restera toujours la cicatrice.
Attardons-nous sur un point de grammaire !
Les verbes dire et médire ne se conjuguent pas exactement de même. En effet le verbe médire est un composé du verbe dire. Médire, c’est dire du mal de quelqu’un ou de quelque chose. On observe toutefois, à l’impératif comme dans la phrase de Francis Bacon « Médisez, médisez… » que dire fait dites, par exemple :
Dites-nous ce que vous savez !
Ne dites pas de mensonges !
quand médire fait médisez. Cet impératif « Médisez ! » ou « Vous médisez », à l’indicatif, est la seule occurrence de la différence avec dire dans les conjugaisons.
C’est la même chose pour d’autres composés de dire, qui se forment comme médire: prédire,
Vous prédisez l’avenir.
Prédire, c’est dire avant le moment de la réalisation, anticiper, faire une prédiction ; maudire a, quant à lui, une autre distinction de conjugaison dans la mesure où l’on dit
nous maudissons, vous maudissez, ils maudissent
en doublant le s. Maudire c’est lancer une malédiction contre quelqu’un ou quelque chose. Par exemple, le christianisme défend de maudire ses persécuteurs. Maudire est l’opposé de bénir, tout comme la malédiction est l’opposé de la bénédiction. Toutefois, maudire peut avoir un sens usuel, atténué :
Je maudis la pluie qui m’empêche de sortir aujourd’hui, mon jour de congé.
Le virus est un fléau pour tout le monde en ce moment, maudit virus !
maudit étant le participe passé du verbe maudire (ils ont maudit l’ivraie), employé aussi comme adjectif, un maudit virus.
La première illustration
La série des BD ( bandes dessinées) des auteurs René Goscinny et Albert Uderzo porte au quinzième album le titre de La Zizanie. On y voit le village gaulois au bord de la crise. Jules César, commençant à être ridiculisé par les Gaulois invincibles, a l’idée de recourir à l’aide de Tullius Détritus, un personnage immonde qui sème la zizanie partout. Il doit briser l’esprit d’équipe dans le village où le druide prépare une potion magique qui décuple les forces. Tullius Détritus fait courir la rumeur que Astérix a vendu la recette de la potion magique aux Romains. Aïe! Mais, comme on dit, « que croyez-vous qu’il arriva? » C’était faux bien sûr… En tout cas, le nom de Tullius Détritus est bien vu, les détritus étant des déchets qui puent. Et il y a bien un parfum délétère dans la zizanie.
La deuxième illustration
La zizanie est le titre d’un film de Claude Zidi avec Louis de Funès dans le rôle d’un maire de commune, un industriel riche qui veut l’être encore plus, et Annie Girardot dans le rôle de sa femme qui adore le jardinage. Or, le maire a besoin du terrain du jardin de 200 mètres carrés situé derrière la maison pour faire construire un entrepôt supplémentaire. Malgré le refus catégorique de son épouse, il fait détruire le jardin. C’est le début d’une belle zizanie dans le couple car l’épouse se présente aux élections face au mari…
Voici la transcription des premières scènes de ménage:
-Guillaume! Nous sommes mariés depuis vingt-trois ans. Tu m’as eue jeune-fille, tu m’as gardée femme, je t’admire et, malgré ton génie, je t’aime. Et maintenant, j’ai sommeil. Dodo! […]
-Il faut que je m’étende. Alors, derrière la maison, il y a de la place.
-Mon potager?
-Ton potager
-Guillaume
-Ma chérie
-Jamais!
-Jamais?
-Jamais.
-Jamais. N’en parlons plus!
-Mettez le tuyau dans le trou du mur et ouvrez la vanne!
-La télévision est très intéressée par le fait que votre femme se présente contre vous.
-Cela devrait être complètement interdit.
-Nous avons pensé qu’un face-à-face en direct entre vous et votre épouse…
-Un face-à-face, d’accord, mais moi tout seul!
-Un face-à-face tout seul ?!
-Moi là et là!
-Je présenterai mon programme en trois points. Premièrement, le plein emploi, deuxièmement le plein emploi et troisièmement le plein emploi.
-L’heure est venue de concilier croissance économique et bien-être de la population.