Ce mois-ci, Annie Ernaux est devenue la première écrivaine française à recevoir le prix Nobel de la littérature. Élise Hugueny-Léger est une spécialiste de l’œuvre de la lauréate, auteure en 2009 de Annie Ernaux, une poétique de la transgression. Elle présente ici le travail d’Ernaux, en commençant par le souvenir de sa première rencontre avec l’un de ses textes.
This month, Annie Ernaux became the first female French writer to be awarded the Nobel Prize for Literature. Élise Hugueny-Léger is a specialist in the work of the laureate, author in 2009 of “Annie Ernaux, une poétique de la transgression”. Here she presents Ernaux’s work, beginning with the memory of her first encounter with one of her texts.
J’étais au collège et le professeur nous a recommandé La Place. J’avais 14 ans, donc j’étais assez jeune, et vraiment ça m’a frappé parce que j’avais jamais lu un livre comme ça. J’avais jamais lu un texte autobiographique qui nous parle aussi directement, à nous, lecteurs, qui cherche pas à transformer les choses, fictionnaliser, transformer en roman, embellir, etc. J’avais été très frappée. Donc depuis les années 90s, je suis toutes ses publications quand elles sortent. Et ça, c’est vraiment très intéressant. C’est une chance de travailler sur des auteurs contemporains et de pouvoir suivre la trajectoire et cette évolution.
I was in secondary school and the teacher recommended La Place. I was 14, so I was quite young, and it really struck me because I had never read a book like that. I had never read an autobiographical text that speaks so directly to us, the readers, that doesn’t try to transform things, fictionalise, turn them into a novel, embellish and so on. I was very struck. I was very struck by this. So since the 90s, I’ve followed all her publications when they come out. And that’s really very interesting. I’m lucky to work on contemporary authors and to be able to follow the trajectory and this evolution.
L’apport d’Annie Ernaux à la littérature
Elle a véritablement, il me semble, inventé, façonné de nouvelles formes autobiographiques. Avant La Place, elle a écrit trois romans qu’on peut qualifier de romans autobiographiques : avec les outils du roman, monologue intérieur, travail sur… voilà… sur la voix, un sens du style peut-être un plus traditionnel. Et effectivement, avec La Place, le récit consacré à son père, elle s’est rendue compte qu’elle ne pouvait pas, moralement, éthiquement, transformer la vie de son père en roman. Ça sonnait faux. Donc c’est à partir de ce moment-là que son œuvre, en tout cas ce livre-là, mais finalement toute son œuvre, a inventé de nouvelles formes autobiographiques. Elle a vraiment exploré ce qu’on peut faire avec ce matériau autobiographique, avec le vécu, avec la mémoire. Ce qui est quand même particulièrement novateur et l’apport qu’elle a… oui… qu’elle fait à la littérature, c’est la manière dont elle… déjà la manière dont elle a développé un style assez minimaliste, direct, qui est assez accessible, et je pense que l’accessibilité, c’est important parce que ça veut dire qu’il y a un lectorat qui est potentiellement assez large et puis donc des formes autobiographiques très variées, voilà, des journaux, des extraits du journal intime, mais aussi ces journaux extimes, où ce sont des fragments de journal, mais qui regardent l’extérieur, le dehors et en particulier les transports en commun, la ville nouvelle, la ville de Cergy, etc. et donc cette… ce lien très fort entre le privé, l’intime et le collectif.
Annie Ernaux’s contribution to literature
It seems to me that she really invented and shaped new autobiographical forms. Before La Place, she wrote three novels that can be described as autobiographical novels: with the tools of the novel, interior monologue, work on… on the voice, a sense of style that is perhaps more traditional. And it was with La Place, the story about her father, she realised that she could not, morally, ethically, transform her father’s life into a novel. It sounded wrong. So it was from that moment on that her work, at least that book, but ultimately all her work, invented new autobiographical forms. She really explored what can be done with this autobiographical material, with experience, with memory. It is particularly innovative and the contribution she has made… to literature, is the way she… I think that accessibility is important because it means that there is a potentially wide readership and then there are very varied autobiographical forms, personal diaries, diary extracts, but also these diaries looking outwards, where they are fragments of diaries, but which look at the world around… and in particular at public transport, the new town, the town of Cergy, etc., and therefore… this link between the diaries and the literature is very important… this very strong link between the private, the intimate and the collective.
Il y a le terme poétique, une poétique dans le sens vraiment de travail, “the craft”, qui va un peu à l’encontre de l’idée parfois reçue, et bien sûr, c’est une idée fausse, que son œuvre, ce serait facile, la manière dont elle écrit, ce serait facile. Il suffit de regarder, de consulter, son journal d’écriture, les brouillons, pour voir que, au contraire, c’est un labeur, donc ce terme voilà de « poiein », de travail, il vient de là, aussi. Je pense que c’est important de mettre l’accent sur le travail d’écriture. Et il me semble que la manière que ses textes ont de toucher les gens, parce qu’elle a un lectorat immense, elle a un lectorat très, très large, très fidèle aussi, elle reçoit énormément de courrier de lecteurs et c’est quand même une des choses que ses lecteurs et lectrices lui disent, c’est qu’ils ont été très touchés par ses mots. C’est que, voilà, dans ses phrases qui sont simples, en apparence, qui sont directes, mais par le choix des mots, par les structures, elle utilise beaucoup la paratexte, donc ce sont des phrases par exemple où elle omet des transitions, donc, il y a un sentiment, parfois abrupt, quand on lit certaines de ses phrases, donc c’est très travaillé, donc c’est peut-être pas poétique au sens traditionnel où on peut le concevoir, mais dans tout ce travail sur la phrase, sur le mot juste, sur la liste, sur l’énumération, les phrases anominales, etc., là il y a un véritable travail qui touche les lecteurs.
There is the term poetics, a poetics in the real sense of work, “the craft”, which goes a little against the idea sometimes received, and of course, it’s a false idea, that her work would be easy, the way she writes would be easy. You only have to look at her writing diary, the drafts, to see that, on the contrary, it’s a labour, so the term “poiein” comes from that origin too. I think it’s important to emphasise the work of writing. And it seems to me that the way her texts touch people, because she has a huge readership, she has a very, very wide readership, very faithful too, she receives a lot of letters from readers and it’s one of the things that her readers say to her, is that they have been very touched by her words. In her sentences, which are simple in appearance, which are direct, but through the choice of words, through the structures, she uses paratext a lot, so these are sentences where she omits transitions, so there is a feeling, sometimes abrupt, when you read some of her sentences, so it’s very elaborate, so it’s perhaps not poetic in the traditional sense, but in all this work on the sentence, on the right word, on the list, on the enumeration, on subjectless sentences, and so on, there is a real work that touches readers.
Le Prix Nobel
Je pense que c’est important parce que cette une écrivaine féministe, donc véritablement il y a toute la symbolique d’octroyer ce prix à une femme qui évoque explicitement les trajectoires, voilà, la vie d’une femme, donc, et qui a des combats politiques aussi, importants. Donc dans cette mesure, voilà, je pense que c’est significatif, le fait que ce soit la première femme et que ce soit une femme engagée.
Le jour de la remise du Nobel elle disait : « Mais non, je suis pas courageuse. Je reste à mon bureau, les Iraniennes, en ce moment, sont courageuses. Voilà, ça, c’est un exemple de courage. » Donc il y a une modestie. Mais en même temps, voilà, il faut se souvenir que, quand elle a écrit et publié son premier roman, Les Armoires Vides, en 1974, c’est un roman qui évoque la question de l’avortement clandestin, à une époque où l’avortement était encore interdit en France. C’était pas encore légalisé, on était vraiment au moment où Simone Veil, voilà, essayait de faire passer cette nouvelle législation. Donc, il me semble quand même, qu’il y a quand même un courage, à oser aborder certaines questions. Un courage peut-être aussi formel, littéraire, finalement à oser une écriture qui puisse sembler si directe. Dans un de ses livres, elle dit qu’elle ne connaîtra jamais la jubilation du style, elle sera toujours en dessous de la littérature. Je trouve qu’il faut beaucoup de courage en fait, à un écrivain, pour dire ça. Pour dire, voilà: « Je resterai en dessous de la littérature et tout ce que je sais faire, en tant qu’écrivaine, je pourrais écrire de manière beaucoup plus sophistiquée, raffinée, peut-être beaucoup plus conforme à une certaine idée de la littérature. » Je pense qu’il faut un certain courage pour accepter de dire et revendiquer de dire: « Je ne veux pas écrire comme ça. » Et peut-être juste aussi, la dernière forme de courage, je dirais que ça réside peut-être dans la manière dont elle a affronté certaines critiques de son œuvre. Les critiques ont pu être assez violentes à l’époque de Passions Simples, en particulier, et voilà, je dirai qu’elle a défendu, non seulement elle a défendu ses textes, mais elle a continué dans la même direction, malgré des critiques qui pouvaient vraiment être, oui, assez agressives.
The Nobel Prize
I think it’s important because she’s a feminist writer, so really there’s all the symbolism of awarding this prize to a woman who explicitly evokes the trajectories of a woman’s life, and who also has important political battles. So to that extent, I think it’s significant that she is the first woman and that she is a committed woman.
On the day she received the Nobel Prize, she said: “No, I’m not brave. I stay at my desk. Iranian women are brave at the moment. That is an example of courage. So there is modesty. But at the same time, you have to remember that when she wrote and published her first novel, Les Armoires Vides, in 1974, it was a novel that evoked the question of clandestine abortion, at a time when abortion was still prohibited in France. It was not yet legalized, it was really at the time when Simone Veil was trying to pass this new legislation. So it seems to me that there is the courage to dare to tackle certain questions. There is also perhaps a formal, literary courage to dare to write in a way that seems so direct. In one of her books, she says that she will never experience the jubilation of style, she will always be below literature. I think it takes a lot of courage, actually, for a writer to say that. To say, here it is: “I will remain below literature and everything I know how to do, as a writer, I could write in a much more sophisticated, refined way, maybe much more in line with a certain idea of literature.” I think it takes a certain amount of courage to be willing to say and to claim to say, “I don’t want to write like that.” And maybe the last form of courage, I would say, is perhaps in the way she has faced some of the criticism of her work. The criticisms could be quite violent at the time of Passions Simples, in particular, and here, I would say she defended, not only did she defend her texts, but she continued in the same direction, in spite of criticisms which could be really, yes, quite aggressive.
Conseils de lecture
Ça fait quand même 10, 15 années que institutionnellement Annie Ernaux est beaucoup plus reconnue. Elle a été… Elle est enseignée à l’école, au collège, dans les universités, depuis longtemps. Cette année, elle est au programme de l’École Normale Supérieure. Et, ça, ça a été décidé avant le Nobel.
La Place, c’est un texte quand même très important dans sa trajectoire, pas simplement parce qu’il a obtenu un prix dans les années 80, mais parce que c’est un texte qui formellement a marqué un tournant dans son écriture et dans son oeuvre et c’est un texte très accessible et très touchant, où il est question à la fois d’un amour filial, elle retrace avec beaucoup de précision, voilà, la vie de son père, mais il est aussi question de sentiment de honte et de trahison sociale, de trahison de classe, et ça, c’est quelque chose qu’on retrouve dans toute son oeuvre. Donc je pense que La Place continue, malgré tous les livres qui ont suivi, continue à offrir une bonne porte d’entrée pour l’œuvre d’Annie Ernaux. Je conseillerais aussi Les Années, là, qui est une fresque beaucoup plus large, beaucoup moins intimiste, d’une certaine manière, puisqu’il s’agit de retracer cette histoire de femme entre 1940 et le début des années 2000 et où l’intime est toujours pris dans la trame collective, dans la trame de l’histoire.
Formellement, c’est également très, très intéressant, parce que dans Les Années, c’est un texte autobiographique, mais où le « je » n’est pas utilisé, donc elle utilise le « nous », le « on », des formes impersonnelles, des formes collectives, et le « elle », pour se distancier finalement de la femme qu’elle a été. Donc voilà, sur le plan, à la fois sur le plan formel, esthétique, mais aussi sur le plan de son contenu, voilà, politique, il me semble que Les Années est un texte également très, très intéressant.
Mais je dirais, voilà, quelqu’un qui veut entrer dans l’oeuvre, le quarto Écrire La Vie c’est une très bonne porte d’entrée, parce qu’il y a, voilà, il y a La Place, il y a Une Femme, il y a Les Années, la plupart de ses textes sont inclus dedans, et il est précédé d’un photo- journal d’une centaine de pages, qui est très beau, et qui juxtapose, ben, des photos de son album privé, son album de famille, avec des extraits de son journal intime. Elle écrit un journal intime depuis qu’elle a 16 ans et la manière dont photos et extraits de journal sont mêlés, juxtaposés, ça donne quelque chose d’assez touchant, je trouve, sur le passage du temps. Voilà, sur la fragilité des souvenirs. Donc il y a ce bonus, d’une certaine manière, dans Écrire La Vie que constitue le photo-journal.
Reading suggestions
Annie Ernaux has been much more recognised institutionally over the last 10 to 15 years. She has been… She’s been taught in schools, colleges, universities, for a long time. This year, she’s on the curriculum of the École Normale Supérieure. And this was decided before the Nobel.
La Place is a very important text in her career, not simply because she won a prize in the 1980s, but because it is a text which formally marked a turning point in her writing and in her work, and it is a very accessible and very touching text, It’s a very accessible and touching text, there’s a question of filial love, she retraces her father’s life with great precision, but it’s also a question of shame and social betrayal, of class betrayal, and that’s something that can be found in all her work. So I think that La Place continues, despite all the books that have followed, continues to offer a good gateway to the work of Annie Ernaux. I would also recommend Les Années, which is a much broader fresco, much less intimate, in a way, since it retraces the story of a woman between 1940 and the early 2000s, and where the intimate is always mixed in with the collective framework, in the framework of history.
Formally, it’s also very, very interesting, because in Les Années, it’s an autobiographical text, but where the “I” is not used, so she uses the “we”, the “on”, impersonal forms, collective forms, and the “she”, to distance herself from the woman she once was. So both in terms of form and aesthetics, but also in terms of its content, in other words, its politics, it seems to me that Les Années is also a very, very interesting text.
But I would say, well, if you want to get into her work, the quarto Écrire La Vie is a very good entry point, because there’s, well, there’s La Place, there’s Une Femme, there’s Les Années, most of her texts are included in it, and it’s preceded by a photo-diary of about a hundred pages, which is very beautiful, and which juxtaposes photos from her private album, her family album, with excerpts from her diary. She’s been writing a diary since she was 16 and the way in which the photos and diary extracts are mixed together, juxtaposed, gives something quite touching, I think, about the passage of time. It’s about the fragility of memories. So there is this bonus in Écrire La Vie that is the photo diary.
Dans sa dernière œuvre, Projections de soi (Presses Universitaires de Lyon), Élise Hugueny-Léger étudie L’Occupation, nouvelle autobiographique d’Annie Ernaux publiée chez Gallimard en 2003, sous l’angle de l’usage des nouveaux médias dans l’autofiction.
Donc il est question dans L’Occupation d’une, voilà, d’un… de la traversée d’un épisode de jalousie, de la narratrice, envers la femme que, donc, qui l’a remplacée, d’une certaine manière. Et effectivement la narratrice a recours à, par exemple, à l’époque je crois que c’était le Minitel, c’était pas encore Internet, pour essayer de retrouver, de savoir… de connaître l’identité de cette femme. Et j’irais pas jusqu’à dire que les nouveaux médias jouent un rôle prépondérant dans l’œuvre d’Annie Ernaux, je pense que ce serait pas… ce serait peut-être un petit peu exagéré. Mais on voit comment elle les intègre au travail qu’elle fait sur la mémoire. Effectivement, dans Mémoire de fille, là aussi, elle va… elle se pose des questions sur l’identité, donc, du garçon avec qui elle avait eu sa première expérience, et elle est tentée de retrouver l’identité de cet homme, donc qui a évidemment bien vieilli, sur Internet. Et on voit, elle évoque à quel point, effectivement, les nouvelles technologies démultiplient les possibilités de s’immerger dans le passé, d’une certaine manière, pour donner de la profondeur au passé, et au travail sur la mémoire. Effectivement c’est ce que j’essaie de dire dans ce livre Projections de Soi, c’est qu’il me semble, effectivement, que l’autofiction telle qu’elle se développe… elle s’est développée dans les trente dernières années, elle a vraiment véritablement emprunter aux possibilités de la mise en image et également aux possibilités des écrans pour finalement donner ces nouvelles dimensions pour démultiplier les possibilités de dire l’expérience vécue et de dire la première personne, et effectivement c’est ça qui m’intéresse et que j’ai essayé de montrer.
In her latest work, Projections de soi (Presses Universitaires de Lyon), Élise Hugueny-Léger studies L’Occupation, an autobiographical short story by Annie Ernaux published by Gallimard in 2003, from the angle of the use of new media in autofiction.
So L’Occupation is about the narrator going through an episode of jealousy towards the woman who, in a way, replaced her. And the narrator resorts to, for example, at the time I think it was the Minitel, it wasn’t yet the Internet, how she tries to try to find… to know the identity of this woman. And I wouldn’t go so far as to say that the new media play a predominant role in Annie Ernaux’s work, I think that might be a little exaggerated. But we can see how she integrates them into the work she does on memory. Indeed, in Mémoire de fille, there too, she asks herself questions about the identity of the boy with whom she had her first experience, and she is tempted to find the identity of this man, who has obviously aged, on the Internet. And we see, she evokes the extent to which, in fact, new technologies multiply the possibilities of immersing oneself in the past, in a certain way, to give depth to the past, and to the work on memory. This is what I’m trying to say in this book Projections de Soi. It seems to me that autofiction as it has developed in the last thirty years, it has really borrowed from the realms of the image and of the screen, using new dimensions to multiply the possibilities of recounting the lived experience and of recounting the first person. This is what interests me and what I’ve tried to show.
Chaque année, les partis politiques français organisent des Universités d’été. Elles sont l’occasion pour les militants d’échanger des idées et de se ressourcer. C’est à Grenoble que le parti écologiste français Europe Écologie-Les Verts s’est réuni en août dernier. Un été très chaud a mis les questions climatiques dans tous les esprits. Mais la lourde défaite du candidat d’EELV, Yannick Jadot, a également pesé sur les esprits des militants. Et les députés du parti au Parlement européen étaient là pour rendre compte de leur travail. Reportage de Richard Good.
– On vous félicite d’avoir choisi cet atelier plutôt qu’un autre. On va faire un atelier où chacun et chacune de nos députés européens ou européennes pourra présenter un des sujets sur lequel il ou elle a travaillé au parlement européen ces douze derniers mois. Caroline, à toi.
Caroline Roose, MEP : … et j’ai profité de ce texte pour lancer la bataille sur l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées. Le chalutage de fond, c’est une technique de pêche qui est la plus utilisée au niveau de l’Europe, et ça permet de pêcher des poissons qui vivent près du fond. En gros, on utilise un gros filet qui racle le fondde la mer, qui détruit les habitats qui sont essentiels pour les poissons…

Claude Gruffat, MEP : La vie d’un élu, c’est ce qu’on en fait. Soit, on est élu et on fait ça en dilettante, c’est reproché à un certain nombre de députés européens, soit on est élu et on y va vraiment pour faire quelque chose et là, du coup, la charge de travail, elle est quand même assez forte. On peut y passer sa vie, en fait. Parce qu’il y a beaucoup de choses à faire. Quand on est… quand on a… quand on est militant et qu’on à quelque chose dans les tripes, à défendre, il n’y a pas de limite.

Karima Delli, MEP : Alors, sur le vélo actuellement, nous avons décidé avec la Commission Européenne, notamment le commissaire en charge du climatde dire que le vélo est une priorité, et donc pour la première fois avant le lancement du Tour de France, nous avons lancé une déclaration commune sur le vélo. Et donc là, nous sommes en rédaction et en collaboration avec la Commission Européenne pour mettre en place la première stratégie européenne industrielle du vélo. Bien, là il y aura un consortium de pays, un consortium d’entreprises, qui feront que demain, l’ensemble des vélos soit Made in Europe. On se donne, véritablement, un timing très serré, puisque le dérèglement climatique, lui est important, je rappelle que 70% des émissions de gaz à effet de serre, est dû aux transports routiers, donc il faut vite trouver les alternatives et c’est la raison pour laquelle nous allons miser sur comment on relocalise tous ces métiers, comment on assemble – pardon – les vélos, comment on crée tous ces matériaux au niveau européen, qui sera bon économiquement pour l’Europe, mais aussi en terme de bien-être de climat.
Claude Gruffat, MEP : Moi, j’étais entrepreneur avant. Le temps d’un entrepreneur et le temps politique, ça, c’est le premier choc quand je suis arrivé dans la vie politique. On démarre un sujet maintenant, il sera fini dans deux mandats. Pour l’entrepreneur, quand on se voit au conseil on prend une décision, elle est visible trois mois après ou an après, mais… alors que là.
Damien Carême, MEP : J’ai géré une ville pauvre, où il y avait 33% des foyers qui vivaient sous le seuil de pauvreté, 28% de chômage, un revenu annuel de 10 000 €, c’étaient pas des gens riches, qui se demandaient comment ils allaient nourrir leurs enfants le lendemain, et voilà, quand on leur a rapporté des solutions pour leur permettre de continuer à vivre dignement, pas dans l’inquiétude sociale, pas dans le… et bien, voilà… ça, c’étaient les plus beaux moments, et le plus des plus beaux, dans ces moments-là, c’est quand j’ai, j’ai monté ce camp avec Médecins Sans Frontières à Grande-Synthe pour accueillir ces exilés, ces chercheurs de refuge, sur ma ville, c’est de voir comment la population a réagi, en fait, où elle était fière de ce qu’on avait réussi.
– Surprise, raccrochez-vous, parce que Benoît va nous parler de la Politique Agricole Commune. Il n’a pas trop l’habitude. Alors, applaudissez-le pour qu’il soit à l’aise sur le sujet.
Benoît Biteau, MEP : Oui, je suis dans un exercice complètement contre-intuitif. Je vais vous raconter la vie, d’un député européen en paradoxie parce, c’est ça, finalement, le vote de la Politique Agricole Commune. 60 à70% des espaces autour de nous sont occupés par une agriculture qui continue d’émettre des gaz à effet de serre, c’est la deuxième activité humaine et la plus émettrice de gaz à effet de serre, l’agriculture est responsable également de l’effondrement de la biodiversité, 70% des cortèges d’insectes, 40% des cortèges d’oiseaux, et tout ça, tout ça est soutenu par une politique publique qui s’appelle la Politique Agricole Commune et qui mobilise, accrochez-vous à vos fauteuils, qui mobilise le tiers, le tiers du budget total de l’Union Européenne. Bien sûr, sous la pression des lobbies qui ont manipulé, avec une logique simpliste, le vote des députés conservateurs et libéraux, mais aussi parce que le principe législatif, les modalités législatives, avec le principe du trilogue, où le conseil où siège les ministres de l’Agriculture et le Parlement européen essaient de s’entendre sur une copie, fait qu’on est toujours dans cette logique thatchérienne, même si le Royaume-uni n’est plus parmi nous, du “I want my money back”.
Damien Carême, MEP : Au niveau du parlement, je trouve que c’est la bonne dimension pour travailler à une bonne échelle, on l’a vu d’ailleurs sur la lutte contre le Covid, heureusement qu’il y avait l’Europe, pour permettre à l’économie européenne de ne pas sombrer, si on avait été complètement séparés, ça aurait été une catastrophe pour chacun des pays. Donc, on voit bien ce que ça peut apporter, on voit bien aujourd’hui avec le conflit ukrainien, combien les pays veulent adhérer à l’Europe, parce qu’ils se sentent en sécurité derrière, donc voilà. Le fait d’être nombreux, d’être gros, permet d’apporter beaucoup de choses. Les frustrations, elles sont des fois sur “On ne va pas assez vite”. L’urgence est telle qu’on devrait accélérer la cadence, or, on est beaucoup encore sous le rythme du “Business as usual”.
Brigitte Vitry, Militante EELV : J’ai milité pendant la campagne Jadot, fortement, plusieurs mois, expliqué le programme, qui était quand même très rationnel, qui n’était pas, c’étaient pas des slogans, c’était vraiment très construit, c’était faisable, c’était opérationnel, bon, et on s’aperçoit qu’on n’avait pas utilisé le bon langage, les bons slogans, et pourtant tout le monde est convaincu, je pense que si on interroge tout un chacun, tout le monde a parlé de l’écologie, que c’est essentiel. etc. Mais pour le bulletin de vote, ça ne s’est pas concrétisé. Peut-être que le système, en fait, de politique… sur… le système de vote présidentiel, qui fait que… ça démobilise les gens, voilà. Peut-être qu’il y a des formes démocratiques à faire pour que les gens réinvestissent la vie publique, politique. Et nous, les Verts, on est quand même beaucoup sur la démocratie. Je crois que ce n’est pas un reproche qu’on peut nous faire, quoi.