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En 1968 Romain Bouteille a fondé le célèbre "Café de la gare" à Paris. Sous sa direction, ce lieu culte de spectacle de comédie satirique a lancé la carrière du célèbre Coluche, a accueilli des vedettes telles que Gérard Jugnot, Josiane Balasko, Thierry Lhermitte, Renaud et Gérard Depardieu. Talentueux observateur du monde du show-business, Romain Bouteille est aussi un comique lui-même et à l’âge de 68 ans il tourne toujours en solo. Si vous avez la chance de voir son nom à l’affiche ne manquez pas l’occasion. Entretien avec Romain Bouteille de Loïc Dupas.
Qu’est-ce que vous avez envie de susciter le plus chez les gens, le public, c’est-à-dire, Monsieur et Madame tout le monde?
– Ah, ce que j’aime le mieux susciter chez les gens, c’est les choses qui leur paraissent absolument correctes et qu’on n’a pas le droit de dire. Vous voyez? C’est-à-dire, ce que j’aime beaucoup, mon public préféré, c’est certaines dames, avec une grosse poitrine, comme ça, et un gros collier de perles, qui sortent vraiment de leur vitrine de charcutier, vous voyez, et qui tout à coup commencent à regarder leur mari, et le monsieur qui est sur la scène, il est en train de dire les choses que elle, elle dit et que lui, il la fait taire en disant "Mais arrête, tu déconnes, Germaine!". Vous voyez? Je suis un écho des choses qu’on n’a pas le droit de dire. Alors comme j’ai une grosse voix et qu’il y a du monde, alors, moi j’ai le droit. Et comme le monsieur, il a approuvé parce qu’il a rigolé à deux, trois fois, tout à coup il s’aperçoit que je suis en train de dire ce que dit Germaine, moi. Et ça, c’est affreux. C’est affreux.
– Et vous jubilez, vous, non, à ce moment-là?
Je jubile, moi. J’adore descendre l’autorité des maris, parfois l’autorité des mamans aussi, hein. J’adore descendre l’autorité des banquiers, descendre c’est-à-dire leur montrer que, en famille au moins, ils ont dit que des conneries depuis dix ans, quoi, et que les gens qui sont autour d’eux s’en rappellent. Pour moi, si tu veux, la population, je l’aime bien la population, j’aime bien le public, mais il est formé quand même de quatre-vingt-cinq pour cent de lepénistes, quoi, de lepénistes non avoués, si tu veux, qui sont des lepénistes et qui par accident n’ont pas voté Le Pen.
– J’ai jamais fait trente-six spectacles. J’essaie toujours d’améliorer celui que j’ai, alors là c’est un discours anarchiste si vous voulez, mais qui fait rire parce qu’il montre des paradoxes qui sont effectifs, quoi, dans lesquels on vit et qui provoquent le rire. Parce qu’il y a une chose aussi dont j’ai horreur, c’est le didactisme, c’est-à-dire faire de l’enseignement, vous voyez, «Moi, je raisonne droit, vous, vous raisonnez comme des pieds1, alors apprenez à raisonner comme moi», tu vois. Alors, ça, horrible! Horrible! Si on se fend pas la gueule2, tu vois c’est affreux parce qu’on a un instituteur de plus qui vient nous expliquer comment il faut penser. Ah, non, alors là il faut déconner3. Ce qui fait que mon personnage, il lance des théories comme ça et puis après il les démolit, c’est-à-dire qu’il égare complètement les gens. Il les paume4. Alors, qu’est-ce qu’il pense, lui? On ne peut pas savoir ce qu’il pense, lui, le personnage, vous voyez.
– Est-ce qu’il a de la hauteur? Est-ce qu’il se sent aussi un petit peu au-dessus d’une certaine drogue ambiante?
– Eh bien, lui, c’est une espèce de Martien. Il y a des trucs élémentaires qu’il ne comprend pas et des trucs très savants qu’il explique aux gens, quoi. Mais il peut faire des bourdes5 colossales. Évidemment, c’est la bourde qui nous fait marrer6, quoi. Il démarre sur la beauté et puis au beau milieu il a comme critère de beauté une esthéticienne, vous voyez; ça, c’est l’anti-enseignement, quoi.
– Mais c’est un cérébral quand même.
– Oh, oui, c’est un cérébral, oui. C’est-à-dire que lui, il est naïf mais le texte qui est derrière, c’est un texte cérébral. Ah oui, ça, pas cérébral, s’abstenir. Ah, non, il faut pas venir. Les gens qui ont l’intention de voir du café-théâtre, il faut pas qu’ils viennent. C’est un discours à pièges, quoi. Il y a des trappes, il y a du savon glissant, il y a des pièges, des chausse-trappes, des déviations, des trucs comme ça, quoi, c’est de la stratégie. S’ils veulent jouer à la bataille7, il faut qu’ils aillent entre copains mais si… là, c’est pour jouer au poker.
– J’avais envie de vous demander si vous, vous êtes profondément un soliste, c’est-à-dire quelqu’un qui aime la scène à lui tout seul.
– Oh, pas spécialement. Je suis devenu soliste comme ça, mais c’est uniquement parce que j’avais pas envie d’obéir, quoi, à personne. C’est très très fatigant d’obéir, de même que de commander, alors tout seul, on peut commander, on est mieux obéi, quoi.
– C’est pas plus dur de s’obéir à soi?
– Non, non. C’est beaucoup plus facile. Par exemple, si vous vous dites "On va aller bouffer!" il n’y en a pas pour trois quarts d’heure avant que tout le monde soit d’accord sur le restaurant à choisir, quoi. C’est une question de vitesse. C’est très troublant de s’apercevoir qu’on peut faire, sans un rond8 et tout seul, un spectacle qui a le même résultat qu’avec vingt personnes et cent millions de décors, vous voyez. C’est très troublant. On se dit, bon, le monde est fou, quoi. L’improductivité est tellement énorme pour un ensemble, une troupe, vous voyez, que ça rend malade, quoi.
– C’est difficile de gérer, donc, un spectacle avec plusieurs comédiens?
– Il faut leur mentir sans arrêt, quoi. Il faut leur faire croire qu’on aime bien ce qu’ils font. Il faut leur faire croire qu’ils ont vraiment du talent, des choses qu’on pense pas. Quand tu joues avec un mec, de temps en temps il est bon, de temps en temps il est nul, de temps en temps il est aigri, et puis de toute façon, avec la routine, il ne t’écoute pas, alors, bon, tu vois le problème.
– Alors, si j’entends bien ce que vous dites, c’est pas forcément d’un optimisme démesuré.
Eh bien, les troupes sont des hiérarchies. Dans une hiérarchie, en général, c’est une pyramide, c’est en forme de hiérarchie. Il y en a un qui commande. Il y en a d’abord trois qui obéissent et qui donnent des ordres à trois autres. Il faut donc que les trois derniers, enfin les neuf derniers, il faut qu’ils obéissent. Or il n’y a pas compatibilité entre le fait de jouer la comédie et d’obéir à quelqu’un parce que jouer la comédie, c’est, à la base, c’est commander, vous voyez. Tu ne peux pas commander en obéissant. Il n’y a pas moyen; ça fait une déperdition d’énergie qui est colossale, quoi. Et alors, eh bien les pauvres gars, ils obéissent, alors ils sont censés faire le tour du canapé avant de dire : "Mais Josiane, je vous aime," hein, et quand ils ont fait le tour du canapé, ils l’ont pas inventé, le tour du canapé, c’est le mec qui leur a dit, qui les a obligés. Alors, ils le font à contrecœur, ils le font dans la tristesse, quoi, en essayant de rattraper les, comment dire, les âneries du pauvre metteur en scène. C’est un métier, metteur en scène, c’est un métier d’étudiant, quoi. C’est un métier de mec qui a trouvé le fric et qui ne sait pas de quoi il parle, quoi. Un metteur en scène qui saurait de quoi il parle, il serait acteur. Vous voyez ce que je veux dire. Il serait génial sur la scène, donc personne ne prendrait quelqu’un d’autre que lui pour faire la comédie. Il ne serait plus metteur en scène.
– Alors vous revenez là sur le vieil adage selon lequel un acteur qui serait passé à la mise en scène serait un acteur un peu déchu?
– Déjà, c’est déjà des acteurs déchus. Mais c’est aussi des hommes d’affaires déchus. Ils n’ont pas de talent non plus en affaires. Ils n’ont de talent qu’en fayottage, c’est-à-dire qu’ils sont le tampon entre le mec qui apporte l’argent et l’acteur qui apporte – qui est supposé apporter – le talent, et qui serait pas là s’il en avait. Alors ça lui pose des problèmes terribles, quoi. Et on entend Marielle, ou… enfin tous les grands acteurs se dire "Je comprends de moins en moins à quoi peut bien servir un metteur en scène", quoi. Ce qui les intéresse, c’est de réussir en faisant ce boulot, parce qu’on a l’impression de rien foutre dans ce boulot. C’est quand même très agréable. On peut arriver à 8 heures du soir pour jouer à 9 heures et demie, tranquille. On sort de scène, on a peut-être fait un rôle de 30 minutes – c’est déjà pas mal – mais on n’a quand même bossé que 30 minutes dans la journée, quoi. C’est ça, l’intérêt. Et alors, le metteur en scène, lui, il en fait encore moins que les acteurs. Une fois qu’il a fini ses répétitions, il a une chance de tirer le jack pot. Deux pour cent de la recette, vous voyez, plus l’adaptation qu’il a faite de Shakespeare, ça lui fait encore deux pour cent, plus… etc. Et s’il est aux variétés, il peut s’en tirer en bossant9 une demi-heure -même pas puisque que lui, à ce moment – là, il va faire l’ouvreuse (ou l’entrée), quoi – il peut s’en tirer, s’il fait un succès, avec le jack pot, quoi, avec quatre mille balles par soir, à rien glander. Vous voyez le problème.
– Oui, mais moi, j’ai quand même envie de vous dire, oui, mais la passion, alors?
– Ah, eh bien la passion, il faut qu’il l’ait un peu pendant les répétitions, et puis pour trouver le fric; c’est-à-dire qu’il faut qu’il soit passionné essentiellement par les mecs qui ont le fric. Parce qu’on ne peut pas mentir aux gens qui ont le fric. Il faut les aimer, vraiment. Vous voyez. Un mec qui a du fric, vous ne pouvez pas faire croire que vous l’aimez et puis qu’il va, lui, aligner trente briques, vous voyez. Vous ne pouvez pas. Il sent si vous l’aimez ou pas.
– Donc, c’est une sincérité qui passe par un rapport financier.
– Oh, oui! Il faut qu’il soit vraiment sincère quand il dit au banquier qu’il l’aime; ça alors, il faut qu’il ait envie de lui faire goûter son Pommard. A ce moment-là, il peut être metteur en scène. Et il faut que les acteurs aussi aient l’impression qu’il les aime. Aussi. C’est pas le même discours. Alors, c’est difficile. Il faut être un sérieux hypocrite, en plus, vous voyez. Les affaires sont les affaires. Il ne faut pas avoir de scrupules. Il faut choisir la jeune première qui à coup sûr sera aimée par le banquier et que les acteurs vont supporter quand même, vous voyez. Ah, c’est délicat, ça.
– Alors tout ça, Romain Bouteille, démontre, en tout cas de votre part, une alchimie très compliquée dans ce métier et donc, peut-être, vous, votre choix pour être dans les «One man show». On va, on peut faire un rapide tour par exemple du côté du Café de la Gare dont vous êtes en partie, en bonne partie à l’origine. C’est né de quoi, cette envie?
– Ah, eh bien de la nécessité d’être en anarchie.
– Vous avez jamais joué le jeu? Enfin, c’est-à-dire que, bon, avec une certaine notoriété, vous êtes pas, justement, comme vous disiez, rattrapé par le système.
– Pendant treize, quatorze ans, on n’a pas été rattrapés.
– C’est un défi?
– Non, c’était une expérience. Il fallait voir au bout de combien de temps on serait rattrapés par le système. Déjà, l’État s’est aperçu qu’on lui devait deux cents millions de charges sociales, mais il a fallu qu’il fasse pour ça un procès colossal. Il a perdu la première manche et en appel on a perdu, nous. Alors, il fallait déjà filer deux cents millions de charges sociales. Mais, -il a pas vu la couleur des deux cents millions, rassurez-vous, heureusement,- mais, normalement l’État aurait dû pouvoir empêcher cette expérience, vous voyez. L’État est fait pour ça, empêcher tout ce qui pourrait être nouveau ou tout ce qui pourrait être productif, car la productivité entraîne la non-importance de l’État, évidemment. Si une bande d’anarchie devient plus productive qu’avec un subventionné, vous voyez l’horreur. On n’a plus main basse, on n’a plus main mise sur le subventionné. On ne peut plus se servir de l’argent, si vous voulez, pour vendre des armes. Ce sont des armes. La culture vue par l’État c’est une arme qui permet la domination, vous voyez. Ah, voilà toute l’importance de la culture, alors il faut pas qu’on laisse la culture entre les mains de francs tireurs, comme on dit, de mecs qui pourraient se passer d’argent pour la faire.
– Qu’est-ce que vous diriez à un jeune entre dix-huit et vingt-cinq ans qui dirait, voilà, Romain Bouteille, j’ai envie de devenir acteur, que faire? Vous lui reprocheriez cette question, déjà?
Ah, déjà, oui. je lui dirais, c’est pas possible de poser cette question à quelqu’un parce que si vous êtes un acteur, vous êtes un acteur de l’avenir, pour l’instant. Et en tant qu’acteur de l’avenir vous ne pouvez pas être goûté par moi qui suis un vieil acteur. Donc vous ne pouvez pas me demander si vous avez du talent. Je sais pas ce que… Si Coluche m’avait demandé ça, j’aurais dit, mais non, mon pauvre vieux, ne fais pas ce boulot-là. Tu pourras pas y arriver. J’aurais dit pareil à Devaere et à Depardieu, vous voyez. Parce que ça n’a aucun sens de croire qu’on peut découvrir un acteur. On ne le découvre que quand il fait un gros succès, quoi, comme ils ont été découverts, eux. Une fois qu’ils faisaient pisser de rire une salle bourrée tous les soirs, ces messieurs se sont aperçus qu’ils avaient du talent, mais dans le cas de notre recrutement à nous, on s’est aperçus qu’on cherchait des maçons et que c’était bien des maçons qu’on cherchait, pas des talents, hein. Il s’agissait de construire le théâtre, voyez. Alors, on s’est pas arrêtés pour savoir. On n’a pas fait d’auditions pour savoir si Devaere plus tard aurait du talent, quoi.
– Vous avez envie de vous mettre dans quel style, s’il y en avait un?
– Si on me dit, à moi, vous êtes un comique, c’est un affront pour moi. C’est une insulte. On a… il y a quelque chose à dire. Il faut que ça soit dit et que les gens voient qu’il y a quelqu’un qui peut dire ce qu’ eux, ils pensent, ce qui est absolument interdit, à eux, de le dire, quoi. Vous voyez? Il faut tomber, donc, sur les tabous que les gens ont envie de dire, mais qu’ils ne peuvent pas parce qu’ils se feraient rabroués, ils se feraient remettre à leur place immédiatement.
– Juste en quelques mots, est-ce que vous aimez renvoyez les gens à eux-mêmes?
Ah, ça je saurai jamais ce que ça veut dire. Renvoyez les gens à eux-mêmes, c’est-à-dire les refoutre dans la merde où ils étaient en arrivant, quoi? Non! Surtout pas à eux-mêmes. S’il y a une chose à quoi je ne veux pas les renvoyer, c’est à eux-mêmes, hein, parce que ça, c’est la tasse totale. Mais je sais très bien, par contre, qu’ils ignorent totalement… Leur main droite ignore totalement ce que fait leur main gauche, c’est-à-dire que ils peuvent adhérer à ce que je leur raconte et le lendemain n’avoir aucun problème pour reprendre leur petit boulot de banquier et de rouler les gens, quoi. Ah, non, ça ne pose aucun problème pour eux. Là, pour ça, ils sont à l’abri. C’est pas moi qui risque de changer le monde.
In 1968 Romain Bouteille founded the famous "Café de la gare" in Paris. Under his direction, this cult venue for satirical comedy launched the career of the famous Coluche and welcomed stars such as Gérard Jugnot, Josiane Balasko, Thierry Lhermitte, Renaud and Gérard Depardieu. Talented observer of the world of show business, Romain Bouteille is also a comedian in his own right and at the age of 68 still tours with his one man show. If you’re lucky enough to see his name on the bill, don’t miss the opportunity of seeing him. An interview with Romain Bouteille by Loïc Dupas.
What reaction do you most like to provoke in people, in the public, that’s to say, Mr & Mrs Jo Public?
– Ah, what I like to bring up most are things that seem absolutely spot on to them, but which they don’t have the right to say. You see? What I mean is… what I like a lot… my favourite audience, is certain women, large chested, like that and with large pearl necklaces, straight out of a delicatessen shop window, you see, and who all of a sudden start looking at their husband and the man on the stage, he’s busy saying things that when she says them, he shuts her up telling by her: "But stop, you’re going out of your mind, Germaine!" You see? I’m an echo of things which you don’t have the right to say. So as I have a loud voice and there’s people around, I’m allowed. And the gentleman, he’s approved because he’s laughed two or three times, all of a sudden he realises that I’m busy saying what Germaine says. And that, that’s wicked. It’s wicked.
– And you rejoice at that moment?
– I rejoice. I love to bring down the authority of husbands, sometimes the authority of mothers too. I love to bring down the authority of bankers, in other words show them that, within the family at any rate, they’ve said nothing but stupidities for the last ten years, and that the people around them remember them. For me, if you like… I like the population, I like the population, I like the public, but all the same 85 per cent of them are supporters of Le Pen, not declared Le Pen supporters, if you like, they’re supporters of Le Pen who by accident have never voted for Le Pen.
– I’ve never done thirty six shows. I try always to improve the one that I’ve got. So it comes from an anarchic viewpoint if you like, but one that makes people laugh because it shows real paradoxes that we live through and that provoke laughter. Because if there’s one thing I can’t stand it’s didactism, that’s to say teaching people a lesson, you know:, ‘I see things properly, you see things like a dullard, so learn to reason like me’, you know. Well that’s awful! Awful! If people don’t laugh at that it’s because they’re faced with one more primary school teacher come to tell them how to think. No there, you have to let yourself go. That’s what my character does, he builds up theories and then afterwards he demolishes them, in other words he misleads people completely. He sends them up the garden path. So what does he think himself? You can’t know what the character thinks, you see.
– Is he above everything? Is he a little bit above the collective trip?
– Ah well, he’s a kind of Martian. There are certain elementary things that he doesn’t understand and some very intellectual kinds of things that he explains to people. But he can make some colossal errors. Of course it’s the errors that make us laugh, like. He starts on about beauty and then right in the middle his criteria for beauty is that of a beauty parlour, you see; it’s a kind of anti-education.
– But he is a thinker nevertheless.
– Oh yes, he’s a thinker, yes. That’s to say he’s naieve but the underlying text is thoughtful. Oh yes, if you’re not a thinking type, forget it. Oh no, you shouldn’t come. People who want to see a cabaret, they shouldn’t come. It’s a view with traps to it. There are traps, there’s slippery soap, there are snares, trapdoors, detours, things like that, it’s strategy. If they want to play snap they can do it among their friends… here we’re player poker.
– I wanted to ask if deep down you are a soloist, in other words someone who likes to have the stage just for themselves.
– Oh, not especially. I became a soloist like that, but that’s just because I didn’t want to obey anyone. It’s very tiring to obey, even to give orders. Whereas when you’re on your own you can give orders, they’re obeyed better, like.
– It’s not harder to obey yourself?
– No, no. It’s much easier. For example if you you say to yourself "We’re going to eat!" you don’t have to wait three quarters of an hour before everyone agrees what restaurant to choose. It’s a question of speed. It’s very unsettling to realise that without a cent you can do, on your own, a show which has the same result as with twenty people and millions of scene changes, you see. It’s very troubling. You say to yourself, well, the world is mad. The lack of productivity is so enormous in a group, in a troupe, it makes you ill.
– It’s hard to manage a show with several actors?
– You have to lie to them the whole time. You have to make them believe that you like what they’re doing. You have to make them believe that they’re talented, things that you don’t think. When you’re playing opposite someone, sometimes he’s good, sometimes he’s hopeless, sometimes he’s bitter and in any case when it becomes routine he doesn’t listen to you, so you see the problem.
– So, if I understand correctly, it’s not exactly unbounded optimism.
– Well, troupes are heirarchies. In a heirachy, in general, it’s a pyramid, it’s the shape of the heirarchy. There’s one who gives orders. There are first three who obey and who give the orders to three others. What’s needed therefore is that the bottom three, well the bottom nine, obey. But there’s no compatability between playing comedy and obeying because playing comedy, at bottom is about giving orders, you see. You can’t give orders while obeying. There’s no way; it involves such a colossal waste of energy. And so, well, the poor fellows they obey, so they’re supposed to do a circuit round the sofa before saying: "But Josiane, I love you", well, when they’ve done the tour of the sofa, which they haven’t thought up, the tour of the sofa, it’s the bloke which told them to, who made them… So they do it against their will, they do it with sadness, trying to make up for the, how can I put it, the stupidities of the poor director. The director’s job is a job for students. It’s the job of the chap who found some money and doesn’t know what he’s talking about. A director who knew what he was talking about would be an actor. You see what I’m saying. He would be wonderful on stage, so no-one would take anyone else but him to play the comedy. He’d no longer be the director.
– So you come back to the old adage that an actor who turns to directing is an actor who’s a little in decline?
– They’re actors in decline for starters. But they’re also businessmen in decline. They don’t have the talent for business either. The only talent they have is for bootlicking, that’s to say they’re the buffer between the man who brings in the money and the actor who brings in – who’s supposed to bring in – the talent, and who wouldn’t be there if he had any. So that creates terrible problems for him. And you hear Marielle, or… all the great actors saying to themselves "I understand less and less what use a director is", like. What interests them is to succeed through this job, because you get the feeling you do f-all in this job. It’s quite pleasant, it has to bes said. You can arrive at eight o’clock to play at nine thirty, cool. You leave the stage, maybe you have a role that lasts 30 minutes – that’s quite alot already – but you’ve only worked 30 minutes in the day after all. That’s the advantage. And then well the director does even less than the actors. Once he’s finished his rehearsals, he’s got a chance of winning the jackpot. Two per cent of the takings, you see, plus the adaptation of Shakespeare that he did, that makes another two per cent, plus… etc. And if he’s in variety, he can get away with working a half an hour – maybe even not that because at that point – he’ll play at being the usher or the doorman – he can come away with, if it’s a success, with the jackpot, with 4000 francs a night without doing anything. You see the difficulty.
– Yes, but all the same, what about the passion?
– Ah well, the passion, there has to be a little during the rehearsals and then to find the cash; that’s to say you have to be fundamentally passionate about blokes who have money. You really have to like them. You see. A bloke who has money, you can’t make them believe that you like him and then he’ll hand over thirty grand, you see. You can’t. He’ll sense whether you like him or not.
– So it’s a sincerity that’s expressed through a financial relationship.
– Oh, yes! He has to be really sincere when he tells the banker he likes him; he has to want to let him drink his Pommard. At that point he can become a director. And the actors too need to have the impression that he likes them. That too. It’s not the same approach. So it’s difficult. You have to be a committed hypocrite as well, you see. So it’s difficult. Business is business. You can’t have scruples. You have to choose the young lead actress who the banker is certain to like and that the other actors will put up with all the same, you see. That’s delicate.
– So Romain Bouteille, all that demonstrates, at least as far as you are concerned, a very complicated alchemy in this profession and hence maybe your choice to be in "One man shows". Let’s maybe take a rapid tour for example of the Caf? de la Gare, which to an exent, to a large extent, you created. What was that desire born from?
– Well, it was the necessity of being in a state of anarchy.
– You’ve never played the game? What I mean is that, with a certain fame, you’ve never been as you say caught up by the system.
– For thirteen, fourteen years, we weren’t caught?
– It’s a challenge?
– No, it was an experience. You had to be aware that after a certain time we would have been caught up by the system. To start with, the State realised we owed them two hundred thousand in social security payments, but for that they needed a massive trial. They lost the first set and we lost in the appeal. So to begin with we had to hand over two hundred thousand in social security payments. But they didn’t see the color of the two hundred thousand, rest assured, luckily – but in theory the state should have been able to stop what we were doing, you see. The state is made for that, for stopping everything that could be new or everything that could be productive, because productivity implies the redundancy of the state, needless to say. If a group of anarchists becomes more productive than someone supported by the state, you see they’ve no longer got you in their grip, they’ve not got a hold on the person who’s been funded. They can no longer use the money, if you like to sell weapons. They’re weapons. Culture viewed by the state is a weapon that allows them to dominate, you see. That’s what the importance of culture is, so they can’t leave culture in the hands of the snipers, as they say, people who can manage to do things without money.
– What would you say to a young person between 18 and 25 year old who might say, "Romain Bouteille, I want to become an actor, what should I do?" Would you reproach them the question to begin with?
– Ah yes, for a start I would say it’s not possible to ask this question because if you’re an actor you’re an actor of the future for the time being. And as an actor of the future, you can’t be evaluated by me who is an old actor. So you can’t ask me if you have talent. I don’t know what… If Coluche had asked me that, I would have said "But no poor chap, don’t do that job. You’ll never make it." I would have said the same to Devaere and Depardieu, you see. Because there’s no sense in thinking that you can discover an actor. You only discover them when they’ve had a big success, like how they were discovered. Once they’ve made a packed audience piss themselves laughing every night, these gentelemen realised that they had talent, but as far as our recruitment was concerned, we realised that what we needed was builders and it was builders we were looking for. We were building the theatre you see. So we didn’t stop to find out. We didn’t do auditions to find out whether Devaere might later show some talent.
– What style of performer would you say you are if any?
– If someone says to me "you’re a comic", that’s offensive to me, that’s an insult. We have… there’s something to say. It has to be said and people see that there’s someone who can say what they think, what’s compeletly forbidden for them to say. You see. You have to hit on subjects that are taboo, things that people want to say but they can’t because they’d be snubbed, they’d be put in their place immediately.
– In a nutshell, you’d send people to an image of their true selves?
– I’ll never know quite what that means. Show people their true selves, that means send them back to the shit where they came from? No, certainly not their selves. If there’s one place to which I don’t want to send them it’s their selves, because that means total failure. But I know very well, on the other hand, that they’re totally ignorant of… Their right hand doesn’t know what the left hand is doing. That’s to say they can agree with what I say and the next day have no problem going back to their little job as a banker and cheat everyone. Ah no, that doesn’t pose any problem for them. As far as that’s concerned, they’re sheltered. It’s not me who’s likely to change the world.