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Il y a 3500 librairies indépendantes en France, qui prospèrent grâce aux lois qui interdisent aux sites internet de vendre à prix cassés, et grâce surtout à l’expertise des responsables tels que Maude Cizeron, qui donne des conseils de lecture très appréciés à la librairie Passages à Lyon. Les rencontres-dédicaces font aussi partie de la vie de ces établissements. Ce mois-ci à la La Librairie du Tramway, les lecteurs avaient l’occasion d’échanger quelques mots avec Amélie Nothomb, fraîchement couronnée du prix Renaudot pour son dernier roman, Premier sang, présente avec sa soeur Juliette.
There are 3,500 independent bookshops in France, which thrive thanks to laws that forbid websites from selling at knock-down prices, and above all thanks to the expertise of managers such as Maude Cizeron, who gives much-appreciated reading suggestions at the Librairie Passages in Lyon. Book signing events are also part of the life of these establishments. This month at La Librairie du Tramway, readers had the opportunity to exchange a few words with Amélie Nothomb, freshly crowned with the Renaudot prize for her latest novel, Premier sang, who was present with her sister Juliette.
– C’est une librairie qui est implantée depuis plus de vingt ans en centre- ville, donc, rue de Brest, est c’est une des plus grandes librairies indépendantes de Lyon.
– On s’attache à défendre davantage d’éditeurs indépendants, ou entre guillemets, « confidentiels », que des grandes enseignes. Voilà, on crée vraiment un historique avec des maisons d’éditions et un historique qui se crée par une relation de confiance depuis de nombreuses années.
– It’s a bookshop that has been established for more than twenty years in the city centre, on rue de Brest, and it’s one of the biggest independent bookshops in Lyon.
– We are committed to promoting publishers that are more independent, or inverted commas, “unknown”, than the big names. So we really have a bond with publishing houses and a bond that’s been created through a relationship of trust built over many years.


– Je ne la changerai pas !
AN : Vous avez des frères et sœurs ? Bien, quand on a fait un chef d’œuvre, on n’a pas besoin d’en faire d’autres. C’est exactement comme ça.
– I won’t change her!
AN : Do you have brothers and sisters? Well, when you’ve made a masterpiece, you don’t need to make others. That’s just how it is.
– Eh bien, moi aussi !
AN : Vous avez donc reçu ma lettre?
– Oui.
AN : Formidable. Vous avez vu, vous m’avez porté bonheur, j’ai eu le prix Renaudot. J’avoue que ça…
– Félicitations
… m’a fait terriblement plaisir.
– Well, it’s good to see you too!
AN: So you got my letter?
– Yes, I did.
AN: Great. You saw, you brought me luck, I got the Renaudot prize. I must confess it…
– Congratulations
… made me terribly happy.
Le temps s’étire, chaque seconde dure un siècle de plus que la précédente. J’ai vingt-huit ans.
En face de moi, la mort a le visage de douze exécutants. L’usage veut que parmi les armes distribuées, l’une soit chargée à blanc. Ainsi, chacun peut se croire innocent du meurtre qui va être perpétré. Je doute que cette tradition ait été respectée aujourd’hui. Aucun de ces hommes ne semble avoir besoin d’une possibilité d’innocence.
Amélie Nothomb, Premier sang
Time stretches, each second lasts a century longer than the last. I am twenty-eight years old.
In front of me, death has the face of twelve executors. It is customary for one of the weapons distributed to be loaded with blanks. This way, everyone can believe they are innocent of the murder that is about to be committed. I doubt that this tradition has been respected today. None of these men seem to need the possibility of innocence.
Amélie Nothomb, Premier sang
– Bien sûr ! On en parlait tout à l’heure…
AN : Je disais à Danielle, mais pourquoi tu bois jamais? Elle a dit « Parce que je suis facilement ivre ». Et je lui ai dit « Qu’est-ce qui se passe quand tu es ivre ? » Elle me répond: « Je danse sur la table. » « Mais c’est génial ! Raison de plus pour boire, danser sur la table. Je voudrais que tu danses sur la table ». Mais elle voulait toujours être dans le contrôle. Moi, j’ai pas tellement besoin de contrôle. Juliette… Dans une autre vie Juliette, elle était soiffarde.
– Of course I do! We were talking about her earlier…
AN: I said to Danielle, but why don’t you ever drink? She said “Because I get drunk easily”. And I said, “What happens when you get drunk?” And she says, “I dance on the table.” “But that’s great! All the more reason to drink, dancing on the table. I would like you to dance on the table”. But she always wanted to be in control. I don’t really need control. Juliette… In another life Juliette liked a drink.
AN : Et tu te souviens quand tu avais été ivre à 14 ans ?
JN : Oui. Bien, on s’était gratinées. Je raconte ma vie, je rigole et puis je m’endors. Mais après, je suis malade.
AN : Oui, c’est ça. Je me souviens que tu étais malade. Tout est une question d’entraînement, Sophie.
– Oui, c’est ça.
AN: And do you remember when you were drunk at 14?
JN: Yes. Well, we had a good time. I tell my life story, I laugh and then I fall asleep. But then I’m sick.
AN: Yes, that’s right. I remember you being sick. It’s all about training, Sophie.
– Yes, that’s it.
– Ton fils a six ans, il va commencer l’école primaire. Il n’est pas prêt.
– Pourquoi dis-tu cela, Daddy ? Il connaît déjà son alphabet.
– Ne t’aveugle pas, il est trop tendre. Ma chérie, il n’y a qu’une solution : il faut l’envoyer passer l’été chez les Nothomb.
Maman blêmit.
– Le pauvre petit !
– Je te rappelle que tu as épousé l’un d’entre eux.
– J’ai épousé le seul Nothomb qui n’était pas un barbare.
(Amélie Nothomb, Premier sang)
– Your son is six years old, he’s going to start primary school. He is not ready.
– Why do you say that, Daddy? He already knows his alphabet.
– Don’t blind yourself, he is too tender. My dear, there’s only one solution: we must send him to spend the summer with the Nothomb family.
Mum went pale.
– The poor little boy!
– I remind you that you married one of them.
– I married the only Nothomb who wasn’t a barbarian.
(Amélie Nothomb, Premier sang)
JN : On peut lui faire confiance.
AN : On lui fait confiance. Vraiment, Charlotte a inventé une nouvelle manière d’être libraire. Vous êtes ma libraire par correspondance. C’est tellement génial. Et chaque fois que je suis vos conseils, j’ai juste trop raison. Mais je suis quand même… je pensais que j’étais une grande lectrice et puis je vous ai rencontrée, vous. C’est incroyable, tous les livres que vous lisez. Et vous les lisez avec une extrême sagacité et vous avez la bonne politique, c’est-à-dire que je ne vous ai jamais entendu parler d’un livre que vous n’aimiez pas… Quand il y a un livre que vous n’aimez pas, vous n’en parlez tout simplement pas, c’est exactement ce qu’il faut faire. Et vous ne parlez que de ce que vous aimez, c’est comme ça qu’il faut faire. C’est vraiment la bonne politique.
– Merci
AN : Et puis avec des goûts excellents. Bien, je ne devrais pas dire ça parce que, comme vous aimez mes livres, je devrais dire… Voilà.
– Merci beaucoup.
– Merci Charlotte, et merci pour ce livre qu’on va lire très, très, très vite. On fait une photo?
– Oui. S’il vous plaît…
JN: We can trust her.
AN: We trust her. Really, Charlotte has invented a new way of being a bookseller. You’re my mail-order bookseller. That’s so great. And every time I take your advice, it’s just so the right thing to do. But I’m still… I thought I was a great reader and then I met you. It’s amazing, all the books you read. And you read them with extreme sagacity and you have the right policy, that is to say, I’ve never heard you talk about a book you didn’t like… When there’s a book you don’t like, you just don’t talk about it, that’s exactly what you do. And you only talk about what you like, that’s the way to do it. That’s really the right policy.
– Thank you.
AN: And then with excellent taste. Well, I shouldn’t say that because, as you like my books, I should say… .
– Thank you very much.
AN: Thank you Charlotte, and thank you for this book that we’re going to read very, very, very soon. Shall we take a picture?
– Yes, let’s. Please…