Version Ralentie
Ils font partie de la légende de Paris. Les 217 bouquinistes étendent leurs 900 boîtes sur les 11 quais de la capitale, ce qui représente trois kilomètres de promenade. Les badauds passent à leurs côtés, fouinent dans leurs célèbres boîtes vertes, achètent çà et là1 un livre, une affiche, une gravure ancienne. Mais qui sont ces hommes et ces femmes qui affrontent le vent, le froid et la pluie ? L’hiver est là, mais ils sont toujours au rendez-vous. Entrez dans la plus grande librairie à ciel ouvert.
They are part of the Paris legend. 217 booksellers spread out their 900 stands along the capital’s 11 quays, which represent a three kilometer walk. The onlookers pass by their sides, rummage through the famous green boxes, buy a book here and there, a poster, a vintage print. But who are these men and women who brave the wind, the cold and the rain? Winter is here, but they are still at the task. Enter into the biggest outdoor bookstore.
Ce jour-là Paris est encore en hiver, sous la neige et le froid.
On this day, Paris is still in winter, with snow and the cold.
Malgré les températures glaciales, les bords de Seine sont animés.
Despite the freezing temperatures, the banks of the Seine are alive.
-Voilà Mademoiselle.
-There you are, Miss.
-Merci beaucoup. Je vous dois?
-Thank you so much. How much do I owe you?
-Et ben, 10 et 10… 20 tout simplement !
-Well, 10 and 10… 20 it is!
-C’est parfait.
-Perfect.
Clara, Marie et Francis sont bouquinistes2. Leurs boutiques, ce sont de grandes boîtes vertes qu’ils laissent en permanence sur les parapets des quais. À l’intérieur, il y a des centaines de livres, de gravures et d’affiches anciennes destinés à attirer les chalands. Jean-Pierre est de ceux-là :
Clara, Marie and Francis are booksellers. Their boutiques are large green stands which they leave permanently against the walls of the quays. On the inside, there are hundreds of books, prints, and vintage posters designed to attract the regulars. Jean-Pierre is one of those:
-De voir les bouquinistes, c’est un but promenade. Là, aujourd’hui, j’ai acheté un bouquin, ouais, ouais. Je pars avec un petit peu une… pas d’idée préconçue mais parfois des titres dans la tête et là j’en ai trouvé un, donc je suis content, voilà.
-To see the booksellers, it’s a goal when going for a walk. There, today, I bought a book, yeah, yeah. I go out with… not a pre-conceived notion, but sometimes you have book titles in your head, and today I found one of them, so I’m happy.
-Quelle vision vous avez du métier de bouquiniste ?
-What conception do you have of the bookseller’s profession?
-Je ne connais pas bien ce milieu. Je ne sais pas. Est-ce que ce sont des libraires? J’ai toujours du mal à imaginer qu’ils ne font que ça. Est-ce qu’ils sont là et qu’ils ont par ailleurs un autre fonds3 de commerce? Je sais pas, je sais pas.
-I don’t know a lot about this kind of work. I don’t know. Are they bookstore owners? I’ve always had trouble imagining that they only do this. Are they here and then do they have another business somewhere else ? I don’t know, I don’t know.
Le métier de bouquiniste intrigue et est entouré de mystères.
The bookseller’s profession intrigues and is surrounded by mystery.
Quai de la Tournelle, assise sur sa chaise pliante, un bouquin à la main, Clara attend les clients. Son fils était bouquiniste mais s’est éloigné de Paris pour poursuivre ses études. Clara a alors voulu reprendre le flambeau. Et ça fait 26 ans que ça dure. Pour elle, on ne s’improvise pas bouquiniste !
On the Quai de la Tournelle, seated on a folding chair, book in hand, Clara waits for her customers. Her son was a bookseller but moved away from Paris to pursue his studies. So, Clara wanted to take up the torch… and it’s lasted for 26 years. For her, you don’t just become a bookseller!
-Il faut avoir quand même des connaissances littéraires -moi, je pense- avoir beaucoup lu, connaître l’histoire. Je vois, il y a des remplaçants, ils sont nuls. Moi, j’ai jamais eu de remplaçant… ça m’est arrivé une fois mais il y avait un tel fouillis dans mes boîtes que jamais plus j’ai recommencé. La personne, j’aimais beaucoup. Mais il connaissait rien. Oh, c’était monstrueux! Il y a quand même un rangement à faire, voyez. On ne peut pas mélanger et l’histoire de la Première Guerre Mondiale avec des livres d’enfants ou de la littérature, hein !
-You do still need to have literary knowledge, I think, and to have read a lot, to know history. I’ve seen replacements, and they’re useless. Personally, I’ve never had a replacement… it happened to me once, but there was such a mess in my boxes that I never did that again. I really liked the guy, but he didn’t know anything… Oh, it was awful. There’s classification to be done, you see? You can’t mix World War I history with children’s books or with literature!
Ce qui plaît à Clara, c’est la liberté qui entoure ce métier.
What Clara likes is the freedom which surrounds the profession.
-On ne pousse pas une porte, ici c’est libre. Voyez, on se promène, on regarde, on n’est pas obligé d’acheter. Mais quand vous entrez dans un magasin, la démarche est quand même différente. Ici il y a une grande liberté. Puis les gens quelquefois4 repèrent un livre, ils reviennent. Ils n’achètent pas dans l’immédiat. C’est curieux, hein. C’est un autre commerce le métier de bouquiniste, c’est différent.
-You don’t push a door open. People are free here. See, you can go for walks, you look around, you’re not obliged to buy. But, when you go into a shop, it’s a different approach. Here, you have a lot of freedom. And then, sometimes people will spot a book, and they’ll come back. They don’t immediately make a purchase. It’s curious, that. It’s another type of business, being a bookseller. It’s different.
En remontant vers l’Institut du Monde arabe, toujours sur le Quai de la Tournelle, se trouve Marie. Elle a longtemps fréquenté les bouquinistes avant de sauter le pas il y a dix ans et d’en devenir une elle-même. Comme sa voisine Clara, elle trouve ce métier très spécifique.
Going back up towards the Arab World Institute, Marie can always be found on the Quai de la Tournelle. She was a long-time customer of the booksellers before taking the leap ten years ago to become one of them herself. Like her neighbour, Clara, she finds the profession very distinctive.
-C’est pas un métier à part mais c’est un état d’esprit. C’est… c’est quelque chose qui n’est pas vraiment quantifiable. C’est pas comme une librairie, où il y a une stratégie de vente et tout ça, ça peut pas s’appliquer aux bouquinistes. Un bouquiniste il fait en général ce qu’il aime en tant que lecture, gravure, ou autres, ou vieux papiers quoi. Donc c’est selon l’humeur du jour, voilà !
-It’s not a different type of job but it’s a different state of mind. It’s… it’s something that’s not really quantifiable. It’s not like a bookstore where there’s a sales strategy and all that; that can’t be applied to booksellers. A bookseller, in general, does what he loves in terms of reading materials, prints or other things, old documents and such. So, it’s according to the mood of the day!
Ce qu’aime Francis, c’est les bandes dessinées. Quai des Grands Augustins, en face de la Fontaine Saint-Michel, ses 4 boîtes débordent de BD5 en tous genres. Question organisation, rien n’est laissé au hasard.
What Francis likes are the comic strip books. On the Quai des Grands Augustins, across from the Fontaine Saint-Michel, his four stands are overflowing with comic strip books of all kinds. It’s a question of organisation. Nothing is left to chance.
-Pour le classement, le rangement oui, non… Ben, faut6 quand même avoir devant des choses qui sont porteuses. Si vous ne mettez que des BD qui se vendent pas, les gens, quand ils passent devant comme ça, ils vont dire « il n’y a rien d’intéressant ». Donc forcément, il y a du classique : Astérix, Tintin, voyez… Blueberry, tout ça c’est du classique. Après on a des choses un peu plus récentes comme les Sambre, ça c’est nouveau, ou les Triangle Secret, donc il faut avoir un petit peu un mélange de tout quoi. Mais sinon je classe surtout par éditeur, voyez. Là vous avez tous les Soleil, les Delecourt, là c’est tous les Glénat, etc. etc…. Pour que les gens ils s’y retrouvent, je mets tous les Tintin ensemble, les Astérix, c’est pareil, je les classe par ordre, ce qui fait que c’est beaucoup plus pratique.
-As far as categorizing, arranging, yes, no… Well you do have to have up front the things which are attractive. If you only put out the comics which don’t sell, then when people pass in front, they’re going to say, “There’s nothing interesting.” So, inevitably, there are the classics: Astérix, Tintin, see… Blueberry…all of those are classics. After that, there are more recent ones such as Sambre, that’s new, or the Secret Triangle. So, you need a bit of a mix of everything. But, otherwise, I categorize them by publisher, see. Here you have all of Soleil, Delecourt. Over there, it’s all Glénat, etc., etc. So that people can find their way about, I put all of the Tintin together. For Astérix, it’s the same; I categorize them in order, which makes it much more handy.
Les bouquinistes dénichent leurs livres dans différents endroits : salles de ventes, brocantes, marchés, sur Internet ou chez les particuliers… Avoir du stock est facile, mais l’écouler semble moins aisé.
The booksellers find their books from different places: auctions, bric-a-brac collectors, markets, on the Internet, or in people’s homes… It’s easy to have a stock. But selling it is not as simple.
-C’est très difficile. Voyez, ça a beaucoup changé depuis dix ans. Il y a dix ans en arrière, c’était encore merveilleux. On pouvait vivre. Je vais vous dire, ce qui a tout changé, c’est l’avènement de l’Euro. Oh alors là, ça a été une catastrophe parce que les gens, pour un livre à 20 €, ils s’imaginent tout de suite, voyez, ils s’imaginaient que c’était un livre horriblement cher.
-It’s very difficult. You see, it’s changed a lot these past ten years. Ten years ago, it was still wonderful. You could live off of it. I’ll tell you what changed everything. It was the dawn of the euro. Oh, that was a catastrophe because people all of a sudden for a book that was 20 euros, they had the feeling it was a terribly expensive book.
-Pour moi c’est encore intéressant d’être bouquiniste.
-For me it’s still worthwhile being a bookseller.
-Vous venez tous les jours ?
-Do you come every day?
-Tous les jours. Toutes les après-midi. Ben oui, ben c’est un métier ! Il faut venir ! Si vous allez pas à votre boulot, vous, quand vous êtes salarié, vous allez vous faire virer, hein. Bon, ben c’est pareil, si moi je viens pas, mes clients, ils vont dire « Ben, il vient plus » donc ils vont aller ailleurs. Vous comprenez, tout ça c’est évident. Vous avez une clientèle fidélisée mais vous aussi vous êtes fidèle, sinon ça sert plus à rien, quoi.
-Every day. Every afternoon. So, yes, it’s a job! You have to show up! If you don’t go to your job when you’re employed, you’re going to get fired. Well, it’s the same thing. If I don’t come, my customers are going to say, “He’s not coming back”, so they’ll go elsewhere. You understand, it’s all obvious. You have a loyal clientèle, but you also have to be loyal. If not, it’s not worth the bother.
Armés de scotch et de ciseaux, certains improvisent un minuscule atelier de couverture de livres. Car nombreux sont les bouquinistes à avoir fait ce choix d’envelopper leurs bouquins dans un film plastique.
Armed with Scotch tape and scissors, some concoct a tiny workshop of book coverings because many booksellers have made the choice to wrap their books in plastic film.
-C’est presque une obligation. C’est l’humidité, c’est la poussière, c’est les gens qui passent, sinon ils vous ouvrent le bouquin et ils vont vous l’abîmer parce que si c’est pas fermé, ils vont se mettre à le lire. Donc après ça va poser des tas de problèmes, il va falloir leur expliquer qu’il ne faut pas qu’ils lisent, et après : « pourquoi on n’a pas le droit ? » tati tata7, etc. Donc tout est couvert et c’est beaucoup plus simple !
-It’s almost a necessity. It’s the humidity, the dust, the passers-by. Otherwise, they’re going to open a book, and they’re going to damage it because if it’s not sealed, they’re going to start reading it. So, later on, it’s going to cause a heap of trouble. You’ve got to explain to them that they mustn’t read, and then they’ll say, “Why don’t we have the right?”, yada, yada, yada… So, everything is covered, and it’s a lot simpler!
Mais ces clients qui farfouillent dans les boîtes, qui sont-ils? Que cherchent-ils ? Christophe fait partie des habitués. Écrivain, amoureux des livres et grand marcheur, il arpente fréquemment les quais. Il ne vient pas ici par hasard.
But these customers who rummage about in the stands… who are they and what are they looking for? Christophe is one of the regulars. A writer, passionate about books and a great walker, he frequently paces up and down the quays. He doesn’t come here by accident.
-On trouve beaucoup d’éditions qui n’existent plus en boutique, des livres épuisés. Et puis il y a aussi une question d’économie parce que ce sont des livres d’occasion donc ils sont bien sûr beaucoup moins chers. Je suis né à Paris, j’habite à Paris, j’ai toujours habité au cœur de Paris et on peut pas échapper aux bouquinistes, c’est une des richesses de Paris !
-You find a lot of editions which no longer exist in the shops, out of print editions. And then it’s also a question of savings because these are used books, so of course they’re less expensive. I was born in Paris, I live in Paris, I’ve always lived in the heart of Paris and you can’t avoid the booksellers, they’re one of the riches of Paris!
Les demandes pour devenir bouquinistes sont nombreuses. Plus de 200 sont en attente et seulement une dizaine de places sont attribuées chaque année par la Mairie de Paris. Le métier attire par sa liberté. Car ici, pas besoin de diplôme ! De plus, même si les bouquinistes sont des commerçants et acquittent donc les charges afférentes, ils n’ont aucun loyer à payer. Marlène Tessier travaille au département du développement économique et de l’emploi. Elle explique le règlement qui régit cette profession.
The requests to become a bookseller are numerous. More than 200 are on a waiting list, and only about ten spaces are allotted each year by the Mayor of Paris. The job’s attraction is its freedom because here there’s no need for a diploma! Moreover, even if booksellers are businesspeople and have to pay for associated obligations, they have no rent to pay. Marlène Tessier works in the Department of Economic Development and Employment. She explains the regulations which govern this profession.
-Les dossiers sont examinés en fonction de leur ordre d’arrivée mais également en fonction de la nature des projets qui sont présentés, donc des activités qui seront développées sur les quais. Il y a absolument un règlement qui date de 1993, en ce qui concerne notamment l’aspect des boîtes, leurs dimensions, leur couleur qui est vert wagon, la nature des produits aussi qui sont vendus puisque ce sont exclusivement des livres qui doivent être vendus, des livres anciens dans la plupart des boîtes, des produits accessoires étant autorisés de façon très limitée.
-The applications are examined according to the order in which they were received and also according to the nature of the projects which are presented, as to which activities are to be developed on the quays. Concretely, there’s regulation dating back to 1993 concerning notably the appearance of the stands, their dimensions, their colour which is freight car green, as well as the nature of the products sold, since it’s exclusively books which must be sold. Rare books for most of the stands, with a very limited number of accessory products being approved.
-Il y en a qui exagèrent. Ils ne font que ça, et le métier de bouquiniste c’est pas de vendre des Tours Eiffel.
-There are some who push the limits. They do only that and the bookseller’s job is not to sell Eiffel Towers.
-Les quais de la Seine ont été envahis par les marchands de souvenirs. Je parle même pas des Tour Eiffel parce que la Tour Eiffel fait partie du patrimoine culturel de Paris. Mais vraiment, il y a vraiment tout et n’importe quoi et surtout il y a des boîtes qui sont entièrement consacrées aux souvenirs, quoi. Je crois que c’est ça qui a fait baisser la clientèle, la fréquentation des bibliophiles.
-The quaysides of the Seine have been invaded by souvenir merchants. I’m not even talking about Eiffel Towers because the Eiffel Tower is a part of Paris’ cultural heritage. But there’s really everything and anything, and what’s more there are stands which are completely devoted to souvenirs. I believe that’s what has lowered the customer base and the visits from book lovers.
Le livre ne semble cependant pas mort. Et pour Clara, les quais gardent encore aujourd’hui leur attractivité.
The book does not appear to be dead, however. And for Clara, the quaysides still hold their attractiveness.
-Les gens lisent quand même, ils reviennent un peu. Puis, voyez, depuis qu’il y a l’Institut du Monde arabe ça draine quand même des gens qui viennent voir des expositions. Maintenant il y a le Cloître des Bernardins rue de Poissy. Il y a quand même des choses intéressantes à voir dans le quartier, hein. Il y a l’Île Saint-Louis en face, Notre-Dame à côté. C’est quand même un bel environnement. Moi, je trouve qu’ici on est bien.
-People are still reading, they are coming back a bit. And then, you see there’s the Arab World Institute which bring people out to see the exhibitions. There is the Cloître des Bernardins on Rue de Poissy. There are still interesting things to see in the neighbourhood. There’s the Ile Saint-Louis across the way, Notre Dame next to it. It’s still a pretty environment. Personally, I find it’s good to be here.
Alain Ryckelynck est bouquiniste depuis 1973. Ce passionné des livres nous dit quelques mots sur l’histoire de sa profession.
Alain Ryckelynck has been a bookseller since 1973. This lover of books spoke to us about the history of his profession.
-Les bouquinistes sont les survivants de l’ensemble des commerçants qui étaient à Lutèce dès les 9ème, 10ème, 11ème siècles. Lutèce1, -ben c’est Paris- était tout petit et les commerçants étaient très près de la Seine parce que simplement les marchandises arrivaient par bateaux. Et avant même que l’imprimerie ne soit inventée, on vendait déjà des bouquins, c’est-à-dire des textes qui avaient été copiés par les moines, sur les quais. Et évidemment, lorsque l’imprimerie a pris son essor, le commerce du livre a pris plus d’importance. Et à ce moment-là, le roi, tous les seigneurs, les commerçants, tout le monde s’est mis à s’inquiéter de ces marchands de bouquins parce que le livre, c’est la sédition, c’est la critique. Alors un bon nombre de bouquinistes se sont fait attraper, et on leur a collé des amendes et quelquefois la corde au cou. Ça les calmait un peu. Et c’était une guerre constante entre les gens qui venaient vendre des bouquins et les libraires en boutique qui disaient : « ces gens-là sont dangereux, ils sèment la mauvaise parole, et tout… » Simplement c’était de la concurrence, voilà ! Dès 1259, il y a déjà ce qu’on appelle des libraires jurés, c’est-à-dire des libraires qui sont déclarés officiellement et qui ont le droit d’exercer. Mais le droit l’autorisation du Roi, c’était pas les lois de la République, hein ! Donc ça change du jour au lendemain. Ensuite, à travers l’évolution des autorisations, des interdictions, etc… Ils ont pu s’installer petit à petit, de mieux en mieux. Napoléon Ier, il a fait rehausser toutes les rives et construire les quais. Donc les bouquinistes ont pu s’installer sur les parapets des quais. Et son successeur, Napoléon III, nous a autorisés officiellement à rester. Et il fallait enlever nos boîtes le soir. Après la guerre de 14, toutes les boîtes sont devenues des gros coffres qu’on ne peut plus enlever. On s’est fixé comme des mauvais microbes, hein. On était toujours en butte aux vexations de la ville de Paris.
-The booksellers are the survivors of the group of traders who were in Lutece from the 9th, 10th, 11th century. Lutece, well that’s Paris, was quite small and shopkeepers were very close to the Seine simply because goods used to arrive by boat. So, even before printing was invented, they used to sell little books, that is texts which had been copied by the monks on the embankments. And of course, when printing took off, the book trade became more important. At that time, the King, all the lords, the shopkeepers, everyone was worried about the booksellers because books lead to rebellion, criticism. So quite a number of booksellers were caught, they were fined, and sometimes it was the noose. That calmed things a bit, but it was a constant war between the people who came to sell books and the bookshops, who used to say, “These people are dangerous; they are spreading dangerous words everywhere…”. It was simply competition, you see! From 1259 there were what they called licensed booksellers, that is booksellers who were officially authorized and who had a right to do their business. But the rights were only ever by grace of the King, they weren’t part of the laws of the Republic. Things used to change from one day to the next. Then through an evolution of authorizations, of bans, etc… They were able to settle in bit by bit, better and better. Napoleon I had the entire river bank raised and constructed the embankments. So the booksellers were able to establish themselves on the parapets of the embankments. Then his successor Napoleon III officially authorized us to stay. But you had to remove your box every evening. After the First World War, all the boxes became large chests that you could no longer take away. They were fixed like bad germs. We’ve always been a source of trouble to the local authority in Paris.
-Les bouquinistes ont-ils toujours été sur les quais ?
-Have the booksellers always been on the embankments?
-On a voulu nous déplacer à un certain moment pour pouvoir réaliser les voies express et nous rassembler dans des endroits quelquefois assez loufoques : halls de gares, souterrains variés, enfin bon, il était question de nous mettre là pour nous laisser mourir à petit feu mais on ne nous a jamais proposé un site de la qualité de celui que nous occupons.
-They wanted to move us at one time to build the expressway and round us up in some quite crazy places: inside railway stations, a variety of underground locations, in the end, well it was a question of putting us somewhere to die off slowly, but they never offered us a site that matched the quality of what we have.
-Que serait Paris sans ses bouquinistes ?
-What would Paris be without its booksellers?
-On peut concevoir Paris sans la Tour Eiffel, sans le Sacré-Cœur. On ne les trouve nulle part ailleurs alors les gens les remarquent et veulent les voir. Mais ils n’apportent rien à la vie des Parisiens. Tandis que d’autres monuments, comme Notre Dame, c’est un monument qui participe de l’histoire de Paris. Et les bouquinistes, de la même manière, sont d’une certaine façon un monument. La ville de Paris perdrait une partie de son histoire. On a besoin de plein de choses comme ça qui sont la vie parisienne : le bruit des voitures, les taxis, et nous on fait partie de tout ça. Les gens ont besoin de respirer ces choses-là. Et ils viennent de loin pour les respirer. Et on me demande quelquefois – je suis quai Saint-Michel, donc hein, au cœur du quartier Latin mais les visiteurs ne le savent pas forcément. Et ils me demandent : « Où est le quartier Latin ? ». Je dis : « Vous êtes au milieu du quartier Latin, Monsieur ». Alors ils regardent leurs pieds, ils regardent par terre, tout d’un coup ça prend un autre aspect. C’est plus le trottoir qui leur servait à marcher il y a deux secondes, c’est le quartier Latin. C’est tout juste s’ils n’enlèvent pas leurs chaussures pour ne pas l’abîmer. Voilà, donc, mais je blague à peine. Ils sont… ils sont ravis, « ça y est je suis au quartier Latin ». Alors si on enlève les bouquinistes…
-Imagine Paris without the Eiffel Tower, without the Sacre Coeur. You can’t find them anywhere else, so people notice them and want to see them. But they don’t bring anything to the life of the Parisians. Whereas other monuments like Notre Dame are monuments which are part of the history of Paris. So the booksellers in the same way are to a certain extent a monument. The city of Paris would loose a part of its history. We need a lot of things like that, that make the life of Paris; the noise of the cars, the taxis, and us, we are part of all that. People need to breathe these things. And they come from far away to breathe them. And they ask me sometimes – I am on Quay Saint-Michel, so in the heart of the Latin Quarter, but the visitors don’t necessarily know that. So they ask me, “Where is the Latin Quarter?”, and I say, “You are in the middle of Latin Quarter, sir”. So they look at their feet, they look around and all of a sudden it takes on a different appearance. It is no longer the pavement which they were using two seconds before for walking, it is the Latin Quarter. It’s a close thing if they don’t remove their shoes to avoid damaging it. There, I’m barely kidding. They are…they’re so delighted. “Here I am in the Latin Quarter”. So if we took away the booksellers…
Leur’ adjectif possessif ou pronom personnel complément indirect
-Les dossiers sont examinés en fonction de leur ordre d’arrivée mais également en fonction de la nature des projets qui sont présentés, donc des activités qui seront développées sur les quais. Il y a absolument un règlement qui date de 1993, en ce qui concerne notamment l’aspect des boîtes, leurs dimensions, leur couleur qui est vert wagon.
-Donc après ça va poser des tas de problèmes, il va falloir leur expliquer qu’il ne faut pas qu’ils lisent.
Un adjectif possessif
Relevons, dans le premier de ces deux paragraphes, la phrase:
– en ce qui concerne notamment l’aspect des boîtes, leurs dimensions, leur couleur qui est vert wagon.
En tant qu’adjectif possessif ‘leur’ s’accorde avec la personne, l’animal ou l’objet possédé.
Le facteur a une bicyclette => c’est sa bicyclette
Le facteur porte un sac => c’est son sac
Le facteur a une femme => c’est sa femme
La maison a une porte => c’est sa porte
La maison a un propriétaire => c’est son propriétaire
En ce qui concerne ‘leur’, l’accord s’applique uniquement au nombre (singulier ou pluriel: ‘leur’ ou ‘leurs’) car c’est la même forme pour le genre au masculin ou au féminin.
‘Leur’ désigne une personne, un animal ou une chose (au singulier donc) qui appartient à plusieurs ‘propriétaires’.
Monsieur et madame Dubois ont un fils => c’est leur fils. Et s’il s’agit d’une fille, c’est donc leur fille.
Maintenant, restons dans le cas de plusieurs ‘propriétaires’ mais qui possèdent en commun plusieurs personnes, animaux ou objets. C’est dans ce cas qu’il faut utiliser ‘leurs’ avec un ‘s’. Ainsi les boîtes ont plusieurs dimensions (une hauteur, une longueur, une largeur) et une seule couleur, le vert wagon.
Monsieur et madame Dubois ont des jumeaux, deux fils, ce sont leurs fils. S’ils ont deux filles, eh bien ce sont leurs filles.
La prononciation de ‘leur/leurs’ ne change pas, sauf en cas de liaison : leur idée / leurs idées (leurzidées)
Ainsi peut-on dire que les adjectifs possessifs sont déterminés de trois manières:
1) La première lettre indique la personne grammaticale représentée:
-‘Je’ possède quelque chose (personne, animal, objet) => c’est m…
-‘Tu possèdes’ quelque chose => c’est t…
-‘Vous’ pluriel de politesse qui désigne en fait une seule personne => c’est v…
-‘Il, elle, on’ possède quelque chose => c’est s…
-‘Nous’ possédons quelque chose => c’est n…
-‘Vous’ possédez quelque chose => c’est v…
-‘Ils, elles’ possèdent quelque chose => c’est l…
2) Deuxièmement, le genre (féminin ou masculin) est déterminé par ce qui est possédé – avec une distinction entre masculin et féminin au singulier.
-‘Je’ possède une voiture et un vélo => ma voiture, mon vélo.
-‘Tu’ as un père et une mère => ton père, ta mère
-‘Il, elle, on’ a… => Il a son appartement, sa famille / elle aime son chien, sa vie / on préfère naturellement son pays, sa patrie
Il faut savoir que devant un féminin commençant par une voyelle, on utilise le masculin, ‘mon, ton, son’ pour des raison d’euphonie : mon idée, ton arrivée, son avenir. Il faut faire la liaison (prononcer ‘monidée’, ‘tonarrivée’, ‘sonavenir’).
3) On ne tient pas compte du genre de ce qui est possédé :
i) lorsque ce qui est possédé est au pluriel:
-‘Je’ possède des chevaux, des plantes = => mes chevaux, mes plantes
-‘Tu’ as des crayons, des étiquettes => tes crayons, tes étiquettes
-‘Il, elle, on’ a des problèmes, des idées => ses problèmes, ses idées
ii) lorsque les possesseurs sont au pluriel
-‘Nous’ avons un bureau, une bibliothèque => notre bureau, notre bibliothèque
-‘Nous’ avons des bureaux, des bibliothèques => nos bureaux, nos bibliothèques
-‘Vous’ avez un dictionnaire, une télévision => votre dictionnaire, votre télévision
-‘Vous’ avez des dictionnaires, des téléviseurs => vos dictionnaires, vos téléviseurs
-‘Ils, elles’ ont un professeur / une école => leur professeur, leur école
-‘Ils, elles’ ont des alliés, des convictions => leurs alliés, leurs convictions
Un pronom personnel complément indirect
Dans ce cas-là, ‘leur’ est invariable, c’est-à-dire qu’il ne prend jamais de ‘s’.
Ce complément indirect relève d’une construction de verbe indirect en ‘à’, c’est-à-dire d’un verbe construit obligatoirement avec la préposition ‘à’ entre lui-même et son complément indirect (parler à quelqu’un, dire à quelqu’un, donner à, offrir à, proposer à, envoyer à, téléphoner à, et bien d’autres verbes).
Exemple:
Je parle à mes voisins / Je leur parle
Attention: cela concerne le complément introduit pas ‘à’ seulement. (Un verbe peut avoir différentes catégories de compléments, des compléments directs (j’offre des cadeaux) et des compléments indirects. Et même, certains compléments indirects ne sont pas introduits par ‘à’, mais par d’autres prépositions, sur, par, avec, de, pour, etc.)
J’offre des cadeaux à mes enfants et aux* enfants de mes amis / je leur offre des cadeaux à tous!
*’aux’ est la contraction de ‘à les’.