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L’internet nous permet à tous de tisser des liens à travers le monde, de trouver des amis dans des pays lointains. Et aujourd’hui, de plus en plus de personnes poussent cette web intimité jusqu’à l’extrême – en installant chez eux une webcam qui permet aux internautes de suivre leur vie quotidienne en direct. Sandrine fait partie de ces gens qui ont choisi de partager leur vie à travers le net. Reportage de Catherine Dalfin.
– J’ai pas envie d’arrêter la cam, ça me plaît. Je sais pas, quand elle est allumée, chez moi, j’aime bien. Je me dis qu’à n’importe quel moment, hop, je peux m’arrêter. Sur le "chat", il y aura forcément du monde. Je vais pouvoir discuter avec des gens qui viennent de partout. J’ai beaucoup d’étrangers, beaucoup d’Américains, beaucoup de Canadiens, un peu de Belges aussi, pas mal de Français, mais c’est vrai que ça vient surtout des États-Unis. Donc ça fait des super mélanges. C’est des gens qui… tu peux avoir quelqu’un qui vient de New York, quelqu’un qui vit à Atlanta, quelqu’un qui vit à côté de chez toi, du côté de Nantes.
– T’as vraiment un mixage qui est super, qui est vachement bien. Pourtant je suis assez casanière1, c’est-à-dire que je bouge tellement le weekend que la semaine, je suis assez casanière et j’aime pas beaucoup sortir. La semaine, c’est un peu mon cocon, ici. J’écoute ma musique. Je suis dans mon petit monde et c’est quasiment mon seul rapport avec l’extérieur. Avec la télé. Non, je sors pour faire mes courses aussi. Je vais boire de temps en temps un petit café, mais j’ai pas vraiment de vie sociale la semaine, ici, quoi. L’extérieur, le minimum. Je m’enferme pas mal. Je suis assez isolée. Et, et non, le fait de savoir qu’il y a la cam, qu’à n’importe quel moment, voilà, je peux rencontrer du monde, je me sens pas, non plus… je me sens pas enfermée. C’est bizarre, en fait. Je suis dans mon cocon, mais quand même, c’est quand même ouvert aux autres et c’est amusant en fait. L’idée m’amuse de me dire qu’il y a plein, plein de monde de partout qui peut me visiter comme ça, via le net, via la web cam et à côté de ça je fais venir vraiment très peu de gens chez moi, très peu de gens.
– J’ai du mal à me faire l’idée qu’il y a autant de gens derrière. Je sais. Il y a beaucoup de monde à passer, mais je les vois pas. Je les vois pas donc j’ai pas l’impression d’être exposée. Quand je vais bosser en boîte2, je les vois les gens. Je vois les regards des gens et c’est ça qui est pas forcément agréable. Ici, je les vois pas. Je les vois pas, donc j’ai pas à supporter certains regards. C’est complètement différent. C’est-à-dire que je prends, en fait, avec avec la webcam, je prends que le bon mais je laisse le mauvais. Je sais qu’il y a pas que des gens sympas qui passent. Il y a aussi pas mal de vicieux, et tout ça, qui sont pas forcément cool, mais ceux-là j’essaie de les zapper, de pas y penser. C’est utopique, hein, je sais bien que la faune3 derrière… il y a pas que des gens sympa, quoi. Mais je me dis que pour les gens que je peux rencontrer et qui sont intéressants, ça vaut le coup.
– Le reste… puisque tu m’as dit qu’il y avait des choses vraiment difficiles… des insultes, et aussi des menaces de mort, tu m’avais dit.
– Ouais… – Comment tu fais pour… Qu’est-ce que tu te dis dans ta tête pour… C’est par périodes, déjà. …pour te protéger de ça?
– Euh… ben je me dis pas grand-chose. Je flippe4, surtout. J’ai reçu, du style… des menaces comme quoi on allait m’égorger quand j’allais sortir de chez moi. Des gens très portés Front National, des trucs hyper bizarres, surtout au moment des élections, quand Le Pen est passé au premier tour. Je ne sais pas d’où ils sortaient mais j’ai eu, mais plein d’insultes de partout. En plus je sais même pas pourquoi. Je suis bretonne5. Enfin, je sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que les gens avaient besoin de se lâcher et j’ai reçu des trucs, mais vraiment graves, hein. En plus, certaines personnes que je fréquentais depuis un moment sur le site commençaient à devenir un peu bizarres. Il y eu toute une période au moment des élections où j’ai vraiment flippé. J’ai voulu tout arrêter parce que mon "chat", c’était devenu un vrai bordel. Tout le monde venait dessus pour s’insulter. Je sais pas pourquoi. La pleine lune? je sais pas… Sur le "guestbook", c’était pareil, c’était des insultes, mais même pas forcément contre moi. Il y avait plus de règles de conduite. C’est-à-dire que j’avais l’impression que c’était un défouloir, et c’est pas ça, le net. Le net, il faut aussi se respecter. Il y a aussi… il faut se parler. On peut se parler correctement, quoi, on est des gens civilisés. Et non, là, les gens ils avaient perdu toute notion de… C’était vraiment le bordel, quoi. Donc, là, j’ai mis un holà6. J’ai un peu arrêté la cam pendant un moment. je me suis fait hyper discrète pour que tous ces gens-là, ils dégagent, quoi. Et puis, c’est passé. C’est passé. C’est par période. Je sais pas. – J’aimerais que tu leur demandes ce que c’est pour eux que la "web intimité".
– Alors… Alors, qu’est-ce que je fais? Je sais pas s’il y a quelqu’un qui va répondre à ça. BDB: Pour moi, c’est avoir une copine qui est loin et que je ne pourrais pas avoir autrement, ou alors une fois tous les deux mois, discuter.
– Qu’est-ce qu’il dit…
– Alors, la "web intimité", c’est qu’on peut te voir mais sans penser ce que tu penses réellement de nous. Une cam n’est qu’une image. L’intimité est toujours présente car c’est toi qui contrôles. Tu l’allumes quand tu veux. Tu viens sur le "chat" quand tu veux. Bref, c’est toi la chef et tu montres et tu dis ce que tu veux bien nous dire.
– Ouais, il a pas tort, en fait… Alors c’est de pouvoir être seul derrière son écran et de pouvoir être libre de ce qu’on pense sans être jugé.
– C’est vrai que dans la vie, quand tu prends parti pour quelque chose, bon, il faut toujours devoir après te justifier. On te colle plus ou moins une image tandis que sur le Net, c’est quand même nettement plus facile. C’est-à-dire que tout le monde est un tout petit peu plus anonyme. Donc, tu te mouilles7 plus facilement quand tu as envie de dire des choses. T’es pas jugé, enfin, ça chauffe8 un peu de temps en temps sur le "chat" mais il n’y a pas de retour derrière. C’est pas… – Oui, qu’est-ce qu’ils disent?
– Donc, "c’est de voir la femme de ses rêves partager son intimité sur le Net". C’est Cyril. Par exemple, les news que tu mets. Donc, toutes les semaines je mets des nouvelles, donc je parle de musique, je parle d’informatique. Je parle aussi de moi, sur ce que j’ai fait. Voilà.
– Ah, il dit, "Vivre avec toi par le Net". C’est vrai que… on… il y a des gens, en fait, qui vont, qui vont me voir par exemple dormir toute la journée, comme je suis relativement décalée, et qui vont m’envoyer un mail en fin de journée en me disant qu’ils m’ont observée toute la journée en train de dormir, qu’ils ont trouvé ça beau, des choses comme ça.
– C’est pas parce que les gens, ils te voient vivre chez toi, qu’ils lisent des news, enfin des nouvelles, une fois par semaine et que tu discutes de temps en temps, un moment de temps en temps avec eux, qu’ils savent tout sur toi. T’as quand même une part… Pour moi l’intimité, déjà, c’est pas seulement l’image. Je partage des moments avec eux mais c’est tout. Je partage des moments avec eux. Je partage pas mal de choses mais finalement ils savent très très peu de choses sur ma vie privée, sur…
– Tac! Voilà, sinon. Duck. Alors, on en revient, bla, bla, bla… Il y a beaucoup de choses intéressantes. Tu es ouverte, au courant de modes, musiques, médias, bla, bla, bla. Le fait que tu sois mignonne et que la nudité ne te dérange pas peut leurrer les gens sur ce que tu es vraiment. C’est l’autre aspect qui est plus intéressant. Tu me suis? T’es encore là? Oui, oui. Bon. OK, je continue. Tu interpelles, en fait. Bon. Ah oui. Donc. Tac. Au bout de cinq minutes, quand on participe pas, on se fait éjecter. Hop! Pierre, on l’entend pas. Je sais pas, si. Ouais, ben, ils sont pas forcément super intéressants ce soir. Je sais pas trop.
The Internet allows us all to forge links across the World, to find friends in faraway countries. And today, more and more people are pushing web intimacy to its extreme – by installing a web cam at home that enables surfers to follow live their daily life. Sandrine is one of those who’s chosen to share their life via the web. Catherine Dalfin reports.
– I don’t want to stop the camera, I like it. I don’t know, when it’s on at home, I like it. I say to myself that at any moment, hup, I can stop. In the chat room there’ll certainly be some people. I go there to discuss with people who come from all over the place. I’ve lots of foreigners, lots of Americans, lots of Canadians, a few Belgians too, quite a few French people, but it’s true that they come from the United States more than anywhere. So that makes for some great mixes. It’s people who… you can have someone who comes from New York, someone who comes from Atlanta, someone who lives round the corner from you, in Nantes.
– You really have a super mix, which is really great. Yet I’m pretty much a stay-at-home, that’s to say I go around so much during the weekend that during the week, I’m pretty much a stay-at-home and I don’t like to go out much. During the week here it’s a little bit like my cocoon. I listen to my music. I’m in my little world and this is just about my only contact with the outside. That and the tele. Non, I go out to do the shopping too. I’ll go out and have a little coffee from time to time, but I really don’t have a social life here during the week, like. I keep the outside world to a minimum. I close myself in quite a bit. I’m fairly isolated. And, no, the fact that I know there’s the cam, that at any given moment I can meet people, I don’t feel…. I feel like I’m not closed in. It’s bizarre really. I’m in my cocoon, but it’s nevertheless open to other people and it’s amusing in fact. I find the idea amusing that there are lots and lots of people who can visit me like that over the net, via the web cam and at the same time I have very few people round to my house, very few people.
– I find it difficult to imagine that there are so many people behind it. I know. There are lots of people who visit, but I don’t see them. I don’t seem them so I don’t have the idea that I’m exposed. When I go to work in a nightclub, I see the people. I see the looks of people and it’s that which isn’t necessarily very nice. Here, I don’t see them. I don’t see them so I don’t have to put up with certain looks. It’s completely different. That’s to say with the web cam, I take what’s good and leave what’s bad. I know that it’s not only nice people who visit. There are also quite a few lecherous types and all that, which isn’t particularly cool, but I try to zap those ones from my mind, to not think about them. It’s utopian, I know very well that out there in the wild… there’s not just nice people. But I say to myself that for the people that I can meet and who are interesting, it’s worth it.
– What about the rest… because you told me that there some really difficult things… insults and also death threats, you told me.
– Yes…
– What do you do to… What do you say to yourself in your head…
– It goes in phases, to begin with.
-… to protect yourself from that?
– Well I don’t say very much to myself. I crack up more than anything. I’ve received, the kind of… threats like how they’re going to slit my throat when I leave the house. People who are very in to the Front National, really bizarre things, more than anything when there were the elections, when Le Pen got past the first round. I don’t know where they came from but I had, well lots of insults from all over the place. What’s more I don’t even know why. I come from Brittany. Well, I don’t know why but I get the impression that people need to let themselves go and I received some really bad stuff, like. What’s more, certain people who’d been visiting the site for some time started to become a little bit bizarre. There was a complete period at the time of the elections when I really cracked. I wanted to stop everything because my chat room had started to become a real mess. Everybody came there to insult each other. I don’t know why. The full moon? I don’t know… in the guest book it was the same, there were insults, but not necessarily against me. There was no code of behaviour any more. That’s to say that I got the impression that it was a place where people come to let off steam, and that’s not what the net is all about. On the net you have to respect each other. There’s also… you have to talk to each other. You can speak properly to one another, like we are civilised people. And, no, there, people lost all idea of.. it was a real mess, like. There I called a halt. I stopped the cam for a little while. I became very discrete so that all those people went away, like. And then it passed. It passed. It goes in phases. I don’t know.
– I’d like you to ask them what they understand by the idea of intimacy over the web.
– So… So, what shall I do? I don’t know if anyone will reply to that. BDB: For me, it’s to have a girlfriend who is far away and that I couldn’t have otherwise, or only once every two months, to talk with.
– What does he say.
– Well, intimacy over the web is that we can see you but without thinking about what you think really about us. A camera is just an image. Intimacy is always there because it’s you in control. You switch on when you want. You come to chat when you want. In short, it’s you who is in charge and you show and you say what you want to say to us.
– Yes, he’s not wrong, in fact.. Well it’s the power to be alone behind your screen and to be able to be free to think what you want without being judged.
– It’s true that in life when you take a position on something, you always have to justify yourself afterwards. You have an image that people stick on you whereas over the net, it’s all the same clearly more simple. That’s to say everyone is a little bit anonymous. So, you take risks more willingly when you want to say something. You’re not judged, well, things get heated from time to time in the chat room but there’s no comeback afterwards. It’s not…
– Yes, what are they saying?
– So, "It’s to see the woman of your dreams share her intimacy over the web". That’s Cyril. For example, the news that you put out. For example every week I put out news, so I speak about music, I speak about computers. I speak about myself, about what I’ve done.
– Ah, he says "To live with you over the Net". It’s true that… there are people in fact, who will, who will for example see me sleeping all through the day, as I’m relatively out of sync, and they will send me a mail at the end of the day saying to me that they’ve been watching me sleeping all day, that they found it beautiful, things like that.
– It’s not because people see you at home, that they read your news, what you’ve been up to, once a week and that you chat with them from time to time, that you share a moment with them from time to time, that they know everything about you. Even so, there’s a part of you… for me intimacy, to begin with it’s not just visual. I share moments with them but that’s all I share moments with them. I share lots of things but in the end they know very little about my private life, about…
– Tac! Otherwise, what else. Duck. So, let’s go back here, blah, blah, blah… There are lots of interesting things. You are open, you’re well-informed about fashion, music, the media, blah, blah, blah. The fact that you’re pretty and that nudity doesn’t bother you… you trick people about who you really are. That’s the other thing which is more interesting. Are you following me? Are you still there?
– Yes, Yes.
– Good, OK, I’ll continue. You’re engaging, in fact. Good. Oh yes. OK. Tac. After five minutes, if you don’t take part you’re thrown off. Hop! Pierre, you can’t hear him. I don’t, may be yes. Yes well, they’re not necessarily very interesting this evening. I don’t know too much.
