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Pendant 6 jours, du 20 au 25 septembre dernier, La Rochelle a accueilli la 34ème édition du Grand Pavois1, un Salon nautique monté en 1973 par quelques professionnels. Cette année, il s’est étalé sur 57 000m2 de surface d’exposition, avec 12 espaces thématiques. C’est un peu le symbole de la réussite française dans l’industrie nautique et le rendez-vous de beaucoup de passions. Reportage de Florence Maître.
C’est une forêt de mâts : des centaines de coques blanches reflètent le soleil, alignées le long des pontons.Le vent agite de multiples petits drapeaux accrochés le long des mâts et sur les pontons, clients, curieux et rêveurs s’arrêtent devant les bateaux flambant2 neufs. Ils abandonnent leurs chaussures sur les pontons pour se glisser dans l’espace habitable des bateaux. Car ce sont eux les stars du Grand Pavois : les constructeurs de voiliers. Pour découvrir les nouveaux modèles, le Salon nautique de La Rochelle est idéalement placé dans le calendrier, comme l’explique Henri Brice. Il est le directeur général commerce et marketing des chantiers Bénéteau, numéro un mondial du secteur, avec 800 millions d’euros de chiffre d’affaires.
– C’est vraiment un test grandeur nature puisque les concessionnaires découvrent les produits, les clients découvrent les produits, donc ça nous donne tout de suite le pouls du marché sur le potentiel des nouveautés à faire, à écrire un succès. Alors on vend très fort sur les Salons. Ça reste une caractéristique de l’industrie de la plaisance par rapport à d’autres industries, mais c’est vrai que c’est une façon d’avoir pour les clients toute l’offre à disposition, de comparer les produits, de comparer les prix et bien sûr de faire leur choix. Pendant la durée on a bien sûr l’essentiel des forces vives qui sont là. Ce sont les concessionnaires et leurs équipes de vente bien sûr, et nous on a au bas mot une quinzaine de personnes qui sont là de Chantiers Bénéteau pour assurer le bon fonctionnement, recevoir les clients, recevoir les concessionnaires et faire en sorte que l’organisation soit opérationnelle. Notre rôle ici tel que je le conçois, c’est de créer les meilleures conditions pour que les concessionnaires soient en position de signer des prises de commandes.
Le Grand Pavois est ainsi devenu l’un des grands rendez-vous européens du nautisme. Jugez plutôt : 3700 visiteurs en 1973, plus de 100 000 cette année. Parmi les attractions, les 300 bateaux à flots. Certains sont même à l’essai pour les futurs acheteurs. Mais les constructeurs ne sont pas les seuls à entourer de rouge les dates du Grand Pavois sur le calendrier.
– Je suis Hervé Famelard, je représente la société Nautix. On est fabricants de peintures dans le Morbihan et nous fabriquons de la peinture pour la marine de plaisance. Nous, alors c’est très spécifique, en ce sens qu’on est fabricants de peintures, en particulier les peintures antisalissures. On aime bien le Grand Pavois parce que c’est la fin de la saison d’été. Les bateaux ont navigué. Si tout a bien fonctionné, on a des compliments. Si ça n’a pas très très bien fonctionné on a des reproches, donc c’est un moment important pour écouter beaucoup. Enfin, c’est surtout beaucoup beaucoup écouter, oui. C’est vrai qu’on écoute plus qu’on ne parle, ce qui est pas mal. Et puis on rencontre quand même également des propriétaires de bateaux avec qui on parle technique, de peinture, d’entretien de leurs bateaux, etc., etc. C’est intéressant, quoi. C’est un public qui est beaucoup plus motivé qu’à Paris parce que ce sont majoritairement les propriétaires de bateaux qui viennent changer de bateau, qui viennent améliorer, etc.,et qui viennent nous voir à l’équipement pour parler. Ce sont des gens qui connaissent bien le sujet et c’est intéressant. Les visiteurs sont intéressants, très intéressants, quoi. Ce ne sont pas des curieux qui viennent nous voir.
Cette année, les 750 exposants sont de 30 nationalités différentes. Un vrai succès international qui s’explique : le nautisme est en plein boum et la France sait en profiter, surtout pour vendre à l’étranger : 70% des bateaux de plaisance construits en France quittent l’Hexagone. On écoute Tibor Sillinger de la Fédération des industries nautiques.
– Le savoir-faire français en matière de bateaux est universellement reconnu. La France est numéro un mondial en matière de voile, de bateaux pneumatiques et de sports de glisse, c’est-à-dire planche à voile, etc., c’est donc une très bonne référence. Le bateau français a une excellente notoriété à l’étranger. On peut dire que ça a le même prestige que la haute couture française, que le vin français ou que la gastronomie française. Ca provient surtout, depuis les années 60, des exploits de nos grands navigateurs et puis aussi de l’effort fait par les constructeurs pour s’implanter et acquérir cette notoriété, notamment dans la voile.
Pour la première fois, le Grand Pavois a accueilli cette année, un village dédié à la glisse, sur la plage des Minimes. La glisse participe au succès nautique. Planche à voile, surf, kayak, kite-surf, les ventes se sont envolées en France l’année dernière : +20% ! Et pourtant, les sports de glisse avaient perdu du terrain dans les années 90. Là encore, tout s’explique, avec Laurent Cuoq, responsable des ventes chez un spécialiste de la glisse, Boards and more.
– Pendant des années, on a été vers l’élitisme, c’est-à-dire qu’on a toujours mis en avant la performance et aller plus loin dans la performance, être le plus rapide, le plus radical et aujourd’hui on a un retour, depuis un an ou deux, au plaisir avant tout et à la vieille planche à voile, le loisir, c’est-à-dire prendre sa planche, aller se promener tout simplement. Et c’est intéressant parce qu’on retrouve une clientèle qu’on avait perdue et des consommateurs et des pratiquants qu’on avait perdus parce que on avait été tellement loin dans la démarche au niveau des sports de glisse en général, vers la performance, que ces gens étaient, entre guillemets, je dirais “dégoûtés” de ce sport parce qu’il devenait très difficile, et aujourd’hui on peut constater sur la plage qu’on a un retour sur des planches basiques qui sont pour le cruising ou la promenade et qui sont très agréables, que monsieur tout le monde peut utiliser très facilement. Il y a des jeunes qui sont présents et qui viennent parce que c’est attrayant, c’est fun, c’est branché. On va dire que c’est hip.
Alors, le style surfeur, c’est du marketing ?
– Ben, ça a toujours été un style de vie, les sports de glisse. On s’habillait d’une telle façon parce qu’on faisait partie, entre guillemets, d’une tribu. C’est un peu tribal le sport de glisse. Les snowborders s’habillent d’une telle façon, les windsurfers s’habillent d’une telle façon, les kiters s’habillent d’une telle façon. C’est assez tribal, ouais. Toujours. Mais c’est un art de vivre, on l’a toujours dit. C’est l’époque du camping car, du vieux VV avec les planches, et dormir sur la plage, ça existe toujours.
Tout près du village glisse sur le Grand Pavois, dans un style tout à fait différent, les indémodables bateaux en bois tentent les romantiques avec leurs coques aux couleurs vives ou tendres. Beaucoup de visiteurs les prennent en photo. Et ce n’est pas qu’un rêve pour Hervé, venu d’un département voisin.
– Je réfléchis parce que c’est très beau. C’est des bateaux en général qui sont très raides, donc en fait ils sont nerveux, ils naviguent très bien, voilà. Sinon, le problème du bois, c’est l’entretien. C’est pour ça que j’étais si longtemps auprès de ce monsieur, parce que il y a bois et bois, il y a peinture et peinture, il y a tout un tas de choses à voir pour arriver à avoir un bateau à la fois beau -parce que c’est beau, en plus, le bois- c’est donc technique mais il faut que ça reste gérable. J’ai eu en trente-deux ans cinq bateaux dont deux en bois, trois en polyester. Pour l’instant je n’en ai plus, mais vous voyez, ça me démange, je vais en racheter un. Ah! C’est une grande passion qui m’est venue tout jeune, tout jeune, tout jeune. La passion de la mer aussi, et puis de la nature.
Le monsieur avec qui Hervé a discuté si longtemps, c’est Alexandre Genot, un ancien photographe devenu charpentier de marine. Il a créé sa petite entreprise pour fabriquer des bateaux en bois. Avec ses huit employés, il aura fabriqué 4 bateaux sur toute l’année 2006.
– Il y a de la construction de bateaux classiques, des gens qui aiment les bateaux classiques ou traditionnels et puis il y a de la construction moderne, en bois, en technique de bois moderne, parce que tous les bateaux plastiques, enfin polyester, n’ont de valeur que si on en fait une série. Si on fait une unité -ce qui est le cas pour certains clients, on fait un bateau pour une personne- le bois, ou les techniques du bois modernes restent compétitives. Esthétiquement, le bois permet de faire des choses différentes, ni mieux, ni moins bien, mais différentes. Et certaines personnes en ont marre d’une espèce d’homogénéité du plastique et ont envie d’avoir un bateau plus personnel et font appel à nous.
– Eh ben nous, oui, la plupart de notre travail, ce sont des gens qui viennent, qui ont un projet, qui ont une idée et un programme et pour qui on fait un avant-projet. On dessine des bateaux, enfin en collaboration avec des architectes. On dessine des bateaux, on leur fait des devis. On essaye d’imaginer combien de temps ça va prendre, combien de temps ça va coûter, et on leur construit leur bateau. Dans le bateau bois, il y a une clientèle de gens “pleins de pognon”, comme on dit, qui s’occupent des bateaux très chic, blancs avec une ligne dorée, et ça, c’est qu’une partie du bateau bois. Dans le bateau bois il y a aussi des plus petits bateaux, des bateaux rustiques, des bateaux traditionnels qui coûtent pas plus cher. Donc la clientèle elle va aussi bien du gars qui a pas d’argent mais qui veut un joli petit bateau pour aller pêcher et retirer ses casiers, du gars qui est plein de fric, qui veut un bateau pour frimer. Je crois qu’il y a le même éventail qu’il y a dans les voitures, dans les maisons, dans tout en fait.
La réussite rochelaise du Grand Pavois fait des jaloux. Bordeaux, située quelques kilomètres plus au sud a fait savoir, cette année, qu’elle accueillerait avec plaisir ce Salon nautique. La cité girondine3 a même proposé de l’agrandir ! Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Pour mettre fin aux rumeurs, une convention a été signée entre la communauté d’agglomération de La Rochelle et le Grand Pavois. Le Salon restera rochelais au moins jusqu’en 2008!
During 6 days, from the 20th to the 25th of September, La Rochelle hosted the 34th edition of the Grand Pavois, a yacht show launched by a group of professionals in 1973. This year the exhibition ranged over 57 000m2, with twelve thematic zones. To a certain extent it’s the symbol of French success in the nautical industry. And it’s a place where passions meet. Florence Maître reports.
There’s a forest of masts; hundreds of white hulls reflect the sun, aligned along the full length of the pontoons. The wind rustles numerous little flags pinned to the masts and the landing stages; clients, the curious and dreamers halt before the spanking new boats. They leave their shoes on the pontoons and slip inside the boats’ living quarters.
For here are the stars of the Grand Pavois : the yacht makers. If you want to discover the latest models, the La Rochelle Yacht Show fits ideally in the calendar, as Henri Brice explains. He’s sales and marketing director at Bénéteau shipyards, the world number one in the sector with a turnover of 800 million euros.
– It’s really a life-size test zone, because distributors find out about the products, clients find out about the products, so straight away it gives us the pulse of the market, give us ideas about what new things potentially we might do to create new winning products. And we sell very well at the shows. That’s still a trait of the pleasure boat sector relative to other sectors; and it’s true it’s a way for clients to have all that’s available on show, to compare products, to compare prices and of course to make their choice. Of course during the show all the main players are here. The distributors and their sales teams, of course, and we have at least 15 or so people here from Bénéteau Shipyards to make sure everything runs smoothly, to welcome clients, to welcome distributors and to make sure the organisation runs as it should. Our role here as I see it, is to create the best possible conditions for distributors to close deals.
In its 25-plus years of existence the Grand Pavois has thus become one of the big European meeting-places for water sports. Judge for yourselves : 3 700 visitors in 1973, more than 100 000 this year. Among the attractions, 300 boats in the water. Some are even on trial for future buyers. But it’s not just for constructors that the Grand Pavois is a big event in the calendar.
– My name is Hervé Famelard, I represent the company Nautix. We are paint manufacturers in Morbihan and we make paint for pleasure boats. Our job is very specific in that we manufacturer paint, in particular dirt-resistant paint. We like the Grand Pavois because it’s at the end of the season. The boats have been out on the water. If everything has gone well, we get compliments. If things haven’t worked out very, very well we get criticisms, so it’s an important time for listening, to listen a lot, yes. It’s true we listen more than we talk, which isn’t a bad thing. And then we meet the owners of the boats too, and we talk a lot with them about technical matters, about paint, about the upkeep of their boats and so on and so on. It’s interesting. It’s a public that’s a lot more keyed up than in Paris because they’re mainly boat owners who’ve just changed boat, who’ve just upgraded and so on, and who come to see us on the equipment stand to talk. They are people who know their subject well and that’s interesting. The visitors are interesting, very interesting. It’s not just nosy people who come to see us.
This year, the 750 exhibitors come from 30 different nations. It’s a true international success and there’s an explanation: water sports are booming and France has made the most of it, particularly when it comes to overseas sales. 70% of pleasure boats built in France leave the country. Here’s Tibor Sillinger of the Federation of Water Sport Manufacturers.
– French know-how when it comes to building boats is universally recognised. France is number one for yachting, inflatable boats and surfing sports, that’s windsurfing and so on, so it’s a very well respected port of call. French boats have an excellent reputation abroad. You could say they have the same prestige as French high fashion, French wine or French cooking. It dates from the ’60s more than anything, with the achievements of our great yachtspeople and then as well the effort made by shipbuilders to get established and acquire a reputation, notably for yachting.
This year for the first time the Grand Pavois hosted a village dedicated to surfing sports, on the Minimes beach. Surfing sports are part of the success of water sports in general. Windsurfing, surfing, kayaks, kite-surfing… sales have soared in France over the past year: up 20%! And yet surfing sports lost ground in the ’90s. Here again, there’s an explanation for everything, from Laurent Cuoq, Sales Director with a surfing sports specialist “Boards and more”.
– For years things tended towards elitism; that’s to say it was always performance that was put before everything – push performance further, be the fastest and the most daring. And today we’re seeing a return, over the last year or two, to pleasure more than anything and to the old style windsurfing, as a pastime; that’s to say, to take your board and simply go exploring. And it’s interesting because we’re rediscovering a clientèle which we’d lost and consumers and users that we’d lost, because we’d gone so far in the direction of performance, in surface sports in general, that these people became “disgusted” – I’d say in inverted commas – by the sport, because it had become very difficult. And today you can see on the beach that there’s a return to basic boards which are for cruising or for exploring and which are very pleasant, which Joe Public can use very easily. There are young people involved who turn up because it’s attractive, it’s fun, it’s in. You could say it’s “hip”.
So surfing style is marketing?
– Well, it’s always been a lifestyle, surfing sports. People dressed in a certain way because they were part of “a tribe” in inverted commas. It’s a little bit tribal, surfing sports. Snowboarders dress in a certain way, windsurfers dress in a certain way, kiters dress in a certain way. It’s tribal yes. It always has been. But it’s a way of life, as people have always said. It’s the camping car era, the era of the VW with the boards and sleeping on the beach. That still exists.
Next to the surfacing sports village at the Grand Pavois, in a completely different style, are wooden boats that never go out fashion, tempting romantics with their brightly or tender coloured hulls. Plenty of visitors take photos of them. And it’s not just a dream for Hervé, who’s come from a neighbouring district.
– I am thinking about getting one because they’re very beautiful. These are boats that in general are very rigid, so they’re full of life, they travel very well. On the other hand, the problem with wood is the upkeep. That’s why I spent such a long time with that man, because there is wood and there is wood, there is paint and there is paint, there are so many things you have to look at to finish up with a boat that’s beautiful – because wood is beautiful too – so there are technical questions, but they have to be manageable. In 32 years I have had five boats, two were wooden, three polyester. For the moment I haven’t got one any more, but you see, it’s gnawing away inside, I’m going to buy one again. It’s a huge passion that came to me very young, very young, very young. A passion for the sea as well, and then for nature.
The gentleman with whom Hervé was chatting for so long was Alexandre Genot, a former photographer who’s become a marine carpenter. He built up his small business building wooden boats. With eight employees, in the whole of 2006 he’ll build four boats.
– There’s the construction of classic boats, people who like classic or traditional boats and then there’s modern construction in wood, using modern wood techniques, because all the plastic or polyester boats are only worth making in a long series. If you make a single craft – and that’s what we do for some clients, we make a boat for one person – wood, modern techniques with wood are still competitive. Aesthetically, wood enables you to do things differently, not better, not worse, but different. And some people are sick of the uniformity you get with plastic and they want something more personal and they come to us.
– Well for us yes, the majority of our work is for people who come to us with a project, who have an idea and a project and for whom we do a pre-project. We design the boats, in collaboration with the architects. We design the boats, we do an estimate. We try to imagine how much time it will take, how much time it will cost, and we build them their boat. In the market for wooden boats, there are customers who are “stuffed with cash”, as they say, who go for very chic boats, white with gold trim, and that’s one aspect of wooden boats. In wooden boats there’s also small boats, rustic boats, traditional boats that don’t cost all that much. So the clientèle ranges from the bloke who doesn’t have much money but wants a pretty little boat to go and fish in and pick up his lobster pots, to the bloke who’s got loads of money, who wants a boat to show off in. I think there’s the same variety that you find with cars, houses, everything in fact.
La Rochelle’s success with the Grand Pavois has made some jealous. Bordeaux, a few kilometres to the south, let it be known it would be very pleased to host this water sports show. The city in the Gironde region even suggested enlarging it. But that won’t be in the near future. To put an end to the rumours, an agreement was signed between the Greater La Rochelle Community and the Grand Pavois. The show will stay at La Rochelle until at least 2008.