Version Ralentie
Chaque jour de la semaine, entre 12h45 et 13h, à la radio sur France Inter, on peut écouter le Jeu des mille euros. C’est le parent pauvre, si l’on peut dire, de ‘Qui veut gagner des millions?’, un jeu de questions-réponses avec de l’argent à gagner. Avec la radiophonie contre la télévision, mille euros contre un million, des scènes modestes dans des villes et des villages de tout le pays sans discrimination, on aurait pu croire que cela allait être le choc du pot de terre contre le pot de fer. Et pourtant… le jeu des mille euros continue à battre tous les records d’audience. ‘Banco!’ crient les spectateurs enthousiastes pour encourager les concurrents à prendre plus de risques. Quels sont les secrets d’un succès qui ne se dément pas depuis cinquante ans? Reportage de Florence Maître.
– Banco ! Banco !
Ça fait 50 ans que ça dure ! Et pourtant, il n’y a presque rien à gagner : 1 000 € à se partager à deux et quelques livres. Rien à voir avec les sommes mirobolantes offertes à la télévision et c’est tout ce qui fait le charme de ce jeu.
– Personnellement, je préférerais plutôt participer à ce type de jeu même si on ne gagne pas grand-chose, juste 1 000 euros à se partager entre deux candidats, plutôt que les grands jeux à la télé -sur des chaînes qu’on ne nommera pas du tout- où l’enjeu est très important et les questions, l’intérêt du jeu, pas forcément très haut.
Alors le Jeu des mille euros, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
– Une partie de ma jeunesse parce que mes parents écoutaient le Jeu des mille francs, à l’époque. Je vais avoir 58 ans.
– Il y a de la bonne humeur. J’aime beaucoup Louis Bozon, sa façon de présenter. On découvre des choses, on apprend des choses et je préfère ça à la Star Academy, ça change, quoi.
– C’est un peu de culture générale et aussi un peu de connaissances sur les territoires, sur des communes visitées.
C’est tout ça, le Jeu des mille euros !
– Mais pourquoi ils l’écoutent ?
– Parce que papa maman l’écoutaient, je suis sûre que c’est ça !
Vers 18h, le jeu débarque dans un village. C’est le maire qui a fait la demande, c’est lui qui accueille l’équipe. Aujourd’hui, c’est au tour d’Yves Rousseau, Premier magistrat de Nieul-sur-Mer.
– Ça fait longtemps que nous avions fait une demande pour accueillir ce jeu parce que ce jeu, c’est quelque chose qui relève du patrimoine national. Dans chaque famille, eh bien, midi quarante-cinq, c’est l’horaire où on l’attend. Et pourquoi ? Je serais incapable de vous le dire mais chez moi, il est incontournable. C’est la France qui est candidate tout entière1, j’ai l’impression. Peut-être pas les 36 000 communes mais une très grande majorité.
Comme d’habitude, la salle est trop petite. Plus de 200 personnes sont venues de 50 kilomètres à la ronde pour assister au jeu ou participer. Répondre aux premières questions permet de tenter le banco. Si on répond, on peut tenter le super banco. Toutes les questions sont posées par les auditeurs.
– Alors je m’appelle Louis Bozon, je suis l’animateur du Jeu des mille euros depuis 1995.
Lui, c’est un peu la vedette du Jeu des mille euros. Sa grande fierté, c’est de rassembler toutes les générations.
– Quand des nouveaux directeurs arrivent, ils ont peur que l’émission soit démodée. Or, elle est le contraire d’une émission démodée. Même si elle est très ancienne, 50 ans, elle se renouvelle sans arrêt grâce aux générations, ce qui fait qu’on a des gens de votre âge, très jeunes, et on a les arrière-grands-parents, puisque maintenant on vit de plus en plus. Alors, ils viennent moins jouer mais ils écoutent toujours et ce sont eux qui ont passé le relais, en faisant écouter les émissions à leurs enfants, petits-enfants et maintenant arrière-petits-enfants. Souvent, on m’a dit : « Quand même, tu vas dans des endroits retirés, tu vas dans de ces trous ! Quand même, tu dois t’embêter ! ». Alors je dis : « Écoutez, oui, quelques fois je m’embête parce que les hôtels ne sont pas tellement ceux dont on rêverait2 ; et puis les journées sont longues en hiver et qu’on enregistre le soir… Mais quand on arrive à six heures et qu’on voit le public qui est toujours chaleureux et il y a toujours du monde qui apporte ce bonheur car le jeu est un jeu de bonheur… Les gens viennent ici, non pas pour l’argent. On me dit toujours : « Mais vous ne donnez rien ! ». Je dis: « Mais oui, bien sûr on donne 1 000 euros et encore, bon, c’est le service public. Par rapport à la télé, ça n’est rien du tout. » Ils ne viennent pas pour ça. Ils viennent pour participer au jeu, pour dire : « J’ai pu participer au jeu des mille euros et je vais voir comment ça se passe ce fameux « ting ting » qu’on entend. C’est une émission familiale et affective, je le dis toujours.
-François Arrivé et Edgar Zeller, la question super banco est d’Audrey Delaunay qui habite à Plan-de-Cuques, c’est dans les Bouches du Rhône: “Quelle ballade de Goethe inspira le musicien Paul Dukas pour un poème symphonique très célèbre ? Et alors, c’est un poème symphonique qu’on entend très souvent.
– Bonjour, je m’appelle Yann Pailleret. Je suis le personnage qui frappe sur le xylophone du jeu des mille euros ; le fameux « ting ting ting » que je peux même faire à la voix, vous voyez : « ting ting ting ».
Yann Pailleret est l’autre membre de l’équipe. Deux plus deux techniciens pour une émission quotidienne, c’est forcément beaucoup de travail.
– Ce qui est intéressant d’ailleurs, c’est comme ça que l’émission peut fonctionner le mieux, c’est-à-dire que juste après les enregistrements – généralement c’est à 18h30 que nous faisons les émissions sur scène – donc vers les 20h30-21h, je commence à faire le montage des émissions enregistrées juste avant et ça me pousse à peu près jusqu’à une heure et demie3 du matin, deux heures.
– Vous avez un sacré rythme alors pendant ces périodes ! Vous partez par semaine ?
– Alors, on part toutes les deux semaines4 pendant une semaine et on enregistre donc 15 émissions et, bien entendu, il y a un travail en amont, un travail en aval, à Paris, quand on rentre au bureau et on ne cracherait pas sur un peu de soutien pour que l’émission puisse continuer de fonctionner dans le cadre habituel d’une véritable émission de radio de France Inter
Au début de chaque émission, Louis Bozon raconte l’histoire du village qui l’accueille et donne une autre image de la ruralité.
– Où que nous allions5, il y a toujours quelque chose à dire. Par exemple, on m’a dit : « À Nieul? Où est Nieul sur mer? ». Ben, j’ai dit : « Bon, c’est pas loin de La Rochelle et je vais dire des choses. Il y a Marsilly. Alors bon, j’ai reçu la documentation de Marsilly tout à l’heure6. On trouve toujours des choses à dire et surtout pour dire aux gens : « Vous allez vous promener et puis vous allez vous dire : « Tiens, j’ai entendu parler de cette ville au Jeu des mille euros, on va aller visiter. » Et j’ai reçu assez souvent, surtout avec les e-mails maintenant : « Ah Monsieur, nous sommes allés à un endroit dont vous avez parlé. Ben, écoutez, il est aussi beau que ce que vous avez dit ! » C’est ça ! Et alors pour ceux qui écoutent avec Internet maintenant, à l’étranger, alors je reçois des e-mails disant : « Ah ! j’ai entendu parler de mon village dont personne ne parle jamais. J’ai pleuré » et je comprends ça ! surtout quand on est à l’étranger. Ce que je veux, c’est vendre cette France si diversifiée. Je vais souvent aux États-Unis l’été, un petit peu pour « me décrocher » parce que je voyage tellement en France, et je me dis, mon Dieu, c’est bien les États-Unis, mais il faut faire des milliers de kilomètres pour trouver des paysages différents. En France, sur 5 km, vous avez des paysages différents, dix kilomètres n’en parlons pas, et sur 100kilomètres vous êtes dans un autre monde. C’est pour ça que j’ai apprécié ce jeu, ne serait-ce que parce qu’il m’a fait connaître la France que je connaissais finalement assez mal.
– Frédéric Dard.
– Oui, et alors c’est quel personnage ?
– San Antonio.
– C’est San Antonio !
Menacé à plusieurs reprises par de nouveaux directeurs, le Jeu des mille euros a perduré. Il a aujourd’hui 50 ans. Louis Bozon sait qu’il va bientôt arrêter. Et pour que la belle histoire continue, il faudra lui trouver un successeur.
– … et ceux de France Inter, rendez-vous à 12h45, je compte sur vous !
Every day of the week, between 12.45pm and 13.000pm, on France Inter radio you can hear “The 1000 Euro challenge”. It’s the poor cousin, if you like, of “Who wants to be a millionaire?”, a general knowledge quiz with money to win. The radio against television, a thousand euros against a million, modest staging in towns and villages, undiscriminatingly across the country, you might imagine that it’s David against Goliath. And yet… “The 1000 Euro challenge” continues to break audience records. “Banco!” the enthusiastic studio audience shouts to encourage the competitors to take more risks. What is the secret of a success that hasn’t faltered for more than 50 years? Florence Maître reports.
-Banco! Banco!
It’s been going for 50 years! And yet there’s virtually nothing to win: 1000€ to share between two and a few books. Nothing like the astronomical prizes available on television and that is exactly the charm of this game.
-Personally, I’d prefer to take part in this kind of game, even if you don’t win much, just 100 euros to share between two candidates, more than the big contests on the television -on channels whose name we won’t mention- where the stakes are very high and the questions, the interest of the game, are not particularly strong.
So what does “The 1000 Euro challenge” mean for you?
s part of my youth because my parents listened to the "The 1000 franc challenge" at the time. I’m coming up to 58 years old.
-It is good humoured. I like Louis Bozon very much, his way of presenting. You discover things, you learn things and I prefer that to the Star Academy, it makes a change.
-It’s a little bit of general knowledge and a little bit knowledge of the territory, of the community that’s being visited.
That’s what it’s all about, “The 1000 Euro challenge”!
-But why do they listen to it?
-Because mum and dad did, I’m sure that that’s what it is!
Around 18.00pm the game arrives in a village. It’s the Mayor who’s put in the request, it’s he who will welcome the team. Today, it’s Yves Rousseau’s turn, he’s the senior Magistrate at Nieul-sur-Mer.
-We’ve been asking to host the game for a long time because this game, it’s something that’s part of the national heritage. In every family, well, 12.45pm, it’s the time everyone’s waiting for. And why? I’m unable to say why but in my house, it’s unmissable. It’s the whole of France which is a candidate, I get the feeling. Maybe not all 36 000 communes, but a very large majority.
As usual, the room is too small. More than 200 people have come from a 50 kilometre perimeter to watch the game or to take part. If you reply to the first questions you can go for “banco”. If you get those, you can try for the “superbanco”. All the questions are asked by listeners.
-Well my name is Louis Bozon, I’ve been the host of “The 1000 Euro challenge” since 1995.
He’s a bit the star of “The 1000 Euro challenge”. His pride is to reunite all the generations.
-When new directors of programming arrive, they’re worried that the programme might be outdated. Whereas it’s the opposite of a dated programme. Even if it is very old, 50 years, it’s continually renewed thanks to the generations, which means that we have people your age, very young, and we have great-grandparents, because now people are living longer and longer. So they don’t come so often to play but they’re still listening and it’s they that pass on the baton, by encouraging their children, their grandchildren and now their great-grandchildren to listen to the programmes. Often, people say to me : “But still you go to these backwaters, you go to these places in the middle of nowhere! In the end you must get fed up!” Well I say: “Listen, yes, sometimes I get fed up because the hotels aren’t exactly what you might have dreamed of; and then the days feel long in winter and when you’ve got to record in the evening… But when you arrive at 6.00pm and you see that the public is always full of warmth and there are always people who bring happiness with them because the game is a game about happiness… People who come here, they’re not here for the money. People always say to me: “But you don’t give away anything!” I say: “But yes, of course we do, we give 1000 euros and well yes, it is public service. Relative to the television, that’s nothing at all.” They don’t come for that. They come to take part in the game, to say: “I was able to take part in “The 1000 Euro challenge” and I’m going to see how they do the famous “ting ting” that you hear. It’s a family programme and emotional, I always say it.
-François Arrivé and Edgar Zeller, the Super Banco question comes from Audrey Delauneay who lives in Plan-de-Cuques, which is in the Bouches du Rhône: “Which of Goethe’s ballads inspired Paul Dukas for a very famous symphonic poem? And well, it’s symphonic poem that you hear very often.
-Hello, my name is Yann Pailleret. I am the person who hits the xylophone during the “The 1000 Euro challenge”; the famous “ting ting ting” which can I even do vocally, listen: “ting ting ting”.
Yann Pailleret is the other member of the team. Two plus two technicians for a daily programme, inevitably that means a lot of work.
-What’s interesting, moreover, is that it’s like that that the programme works best, that’s to say straight after the recordings -in general it’s at 18.30pm that we do the programmes on stage- so towards around 20.30pm – 21.00pm, I start to edit the programmes that have been recorded just before and that takes me until 1.30am, 2.00am.
-You maintain an incredible rhythm during this time! Do you leave for the week?
-Well we go out every two weeks for one week and so we record 15 programmes and of course, there’s work that goes on beforehand and afterwards in Paris, when we get back to the office and we wouldn’t say no to a bit of support so that that the programme can continue to operate in its normal ways a real broadcast programme belonging to France Inter.
At the beginning of each programme, Louis Bozon tells the story of the host village and gives another picture of rural life.
-Wherever we go, there’s always something to say. For example, someone said to me: “In Nieul? Where is Nieul sur mer?” Well, I said : “Well, it’s not far from La Rochelle and I’ll tell a few things. There’s Marsilly. Well, I received the documents about Marsilly a little while ago. You always find something to say and above all to say to people: ‘You’re going to go on a trip and then you’ll say to yourself: “Hold on a minute, I heard about this town on “The 1000 Euro challenge”, lets go and visit it.”‘” And I’ve frequently received, even more now with emails: “Sir, we went to a place that you spoke about. Well listen, it’s as beautiful as you said it was!” That’s what it’s all about! And then for those who listen on the internet now, abroad, I receive emails saying: “I heard you talk about my village about which nobody ever talks. I cried” and I can understand that! Above all when you’re abroad. What I want to do is sell the idea of this France which is so varied. I often go to the United States, a little bit to get away from it all because I travel so much in France, and I say to myself, my God, it’s great in the United States but you have to do thousands of kilometres to find a different kind of countryside. In France you go 5 kilometres and you have a different kind of countryside, 10 kilometres don’t even talk about it, and after 100 kilometres you’re in different world. That’s why I’ve appreciated this game, if only because it’s helped me get to know a France which in the end I knew only hazily.
-Frédéric Dard
-Yes and so it’s which character?
-San Antonio.
-It’s San Antonio!
Threatened several times by new directors of programming, “The 1000 Euro challenge” has lived on. Today it is 50 year old. Louis Bozon knows that he will stop soon. And in order that this wonderful story should continue, a successor for him will have to be found.
-… and France Inter listeners, rendez-vous at 12.45pm, I’m counting on you!