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Guignol à l’honneur cette année en France. La marionnette fête ses 200 ans, et elle n’a pas pris une ride. Le vocabulaire a évolué, mais sur fond de critique sociale, elle continue de faire rire petits et grands. Reportage à Lyon de Cécile Mathy
Guignol is being honoured this year in France. The puppet is celebrating his 200th birthday and hasn’t aged a bit. The vocabulary has changed, but with satirical undertones, he continues to make both children and adults laugh. Reporting in Lyon by Cécile Mathy.
-Il est donc là, il est pas là ? Ben qu’est-ce qu’il fait ?
-He’s there, he’s not there? Okay, what’s he doing?
Le Manoir des Chocottes, une pièce pour les enfants à partir de 5 ans. Guignol et Gnafron, les deux personnages principaux deviennent subitement propriétaires d’un manoir hanté par des fantômes écossais. Dans la salle du théâtre de Guignol de Lyon, une majorité d’enfants qui scrutent ces marionnettes de bois et de tissus qui gesticulent au-dessus de la tête de comédiens invisibles.
Le Manoir des Chocottes (The Scary Manor) is a play for children aged 5 and up. Guignol and Gnafron, the two main characters, suddenly become owners of a manor haunted by Scottish ghosts. In the Guignol theatre room in Lyon, the majority are children, closely watching the puppets made of wood and fabric, gesticulating over the heads of invisible actors.
-Gnafron ?
-Ben je suis là !
-Oh Gnafron, ah ah ah, ça va ?
-Salut, ben dis donc t’es rudement en retard !
-Oh ben dis donc quand je suis arrivé, t’étais pas là.
-Ben évidemment, si j’étais là, mais tu y étais pas, t’es passé comme un rat, enfin bon
-Ah bon.
-Regarde voir qui c’est qu’est là.
-Ah ben, ils sont pas en retard eux dis donc.
-Ah ben salut les gones, bonjour tout le monde
-Bonjour…
-Vous allez bien ?
-Ouiiii !
-Et ben tant mieux !
-Et ben tant mieux !
-Avec Guignol on est rudement content de vous voir…
-Gnafron?
-Uh, I’m here!
-Oh Gnafron, oh, oh, oh, are you okay?
-Hi, say there, you’re really late!
-Well, say, when I got here, you weren’t here.
-Well, obviously, if I was here, but you weren’t here, you slipped in like a rat, well never mind.
-Oh really.
-Let’s go see who’s here.
-Well, they’re not late, they’re not.
-Hey, hi kids, hi everyone.
-Hello…
-Are you doing well?
-Yeeess.
-Well, all the better!
-Well, all the better!
-Guignol and I are really glad to see you…
Dans la salle les enfants ne sont pas de simples spectateurs, ils réagissent et aident Gnafron à retrouver son compagnon.
In the theatre, the children are not simply spectators, they interact and help Gnafron to find his friend.
-C’est un fantôme ?…
-Gnafron !!!
-Comment ça c’est Gnafron ? Ben vous dites n’importe quoi, il est là Gnafron, il dort là dans le lit-là…
-Gnafron t’es où ?…
-Is it a ghost?
-Gnafron!!!
-How is that Gnafron? You’re saying any old thing. He’s there, Gnafron. He’s sleeping in the bed there…
-Gnafron, where are you?
Guignol a été créé en 1808 par Laurent Mourguet à Lyon, un canut, un ouvrier de l’industrie de la soie, qui face à la crise est devenu arracheur de dents. Sur la place, il haranguait les passants, l’idée lui est venue de créer des personnages. Stéphanie Lefort, responsable de la Compagnie des Zonzons.
Guignol was created in 1808 by Laurent Mourguet in Lyon, a -canut, a worker from the silk industry, who, in hard times, became a dentist. In the square, as he was scolding the passers-by, the idea came to him to create characters. Stéphanie Lefort, director of the Companie des Zonzons.
-C’est une marionnette qu’est née dans la rue, l’objectif c’était de parler de l’actualité, du quotidien des gens, et puis de retourner les conventions, c’est-à-dire que les dominants étaient les dominés, devenaient les dominés, de retourner les conventions sociales en mettant en scène tout un tas de statuts sociaux : le propriétaire, la concierge, la vieille mégère, etc. Aujourd’hui ça n’a pas trop changé, en tout cas le Guignol qu’on essaye de défendre n’a pas beaucoup changé, même si au fil des années on a pu remarquer que de personnage très engagé politiquement, il a pu être récupéré par la bourgeoisie et devenir une espèce de domestique un peu falot mais on essaye de le remettre un petit peu dans le bon sens et l’interactivité elle a toujours été présente de toute façon, c’est un peu la base de ce qui fait le théâtre de Guignol, c’est-à-dire que quand on amène les enfants au théâtre, on sait que tout d’un coup ça va partir en live et que ça va hurler dans tous les sens, voilà, c’est un peu ce qui fait sa spécificité, mais faut pas oublier que derrière les hurlements qu’ y a du sens et que Guignol il est là pour dire des choses.
-He’s a marionette who was born in the streets. The goal was to talk about current events, people’s daily lives, and then to reverse conventions, that is, those ruling were the ruled, became the ruled, to reverse the social conventions by putting on stage a whole series of social strata: the landlord, the caretaker, the old battle-axe and so on. Today, it hasn’t changed much. At any rate, the Guignol that we’ve tried to promote hasn’t changed much, even if over the course of the years, we could see that from being a character who was verycommitted politically, he was assimilated up by the bourgeoisie and became a sort of servant, somewhat insipid, but we’ve tried to steer him back a bit in the right direction, and the interactivity, it has always been there, in any case. It’skind ofthe basis of what the Guignol theatre does. That is, when you take children to the theatre, you know that suddenly it’s going to be live and there will be shouting in all directions. There you have it, it’s a bit characteristic of that, but we mustn’t forget that behind all the shouting, there’s a message, and that Guignol is there to say things.
L’un des comédiens, François Chevalier :
One of the actors, François Chevalier:
-Ca c’est une spécialité aussi de Guignol, un personnage qui s’adresse directement aux spectateurs, aux grands comme aux petits en faisant participer et donc dans les spectacles pour enfants, il y a beaucoup de participation sur des jeux, là dans ce spectacle-là, qui disparaît où, où va… d’interactions, les enfants aiment bien dire ce qu’ils voient, ils expriment tout haut ce qu’ils voient, quand il y a l’araignée qui descend, direct’, ils ne se retiennent pas de parler, d’exprimer qu’ils voient ces choses-là, c’est à nous aussi des fois de gérer des choses un peu…, une vision du spectacle qu’ils ont qui n’est pas du tout celle qu’on a nous, ou comme on l’a imaginé, de temps en temps on a des réflexions d’enfants qui sortent qui nous surprennent et à nous de les intégrer parce qu’on ne peut pas passer à côté, à partir du moment où au début de spectacle on instaure le fait que Guignol et Gnafron parlent aux enfants et qu’ils entendent ce que les enfants répondent, on ne peut pas passer à côté de certaines réflexions des fois, certaines remarques qu’ils font assez drôles.
-That, that’s also a Guignol speciality, a character who directly addresses the audience, adults and children alike, by making them participate, and so, in children’s shows, there’s a lot of participation in the play. Here, in this show, “who’s disappeared? where’d he go?” …there’s interactivity. Children really enjoy saying what they see, and they shout out what they see. When the spider drops straight down, they don’t hold back from talking, from expressing what they see, things like that. It’s also up to us sometimes to lead things a bit… a vision of the show that they have which is not at all the one we have. Or, as you can imagine, from time to time, there areremarks which come out of their mouths which surprise us, and it’s up to us to integrate them because we can’t sidestep them. From the moment the show starts, we establish the fact that Guignol and Gnafron are talking to the children and that they hear what the children are saying. You can’tpush asidecertain remarks sometimes, some of the comments they make are rather funny.”
Une interactivité qui a beaucoup plu à Éric, un New-Yorkais en visite à Lyon.
An interactivity which Eric, a New Yorker visiting Lyon, really enjoyed.
-Pour moi Guignol c’est quelque chose qui est très français, typiquement français et lyonnais, et comme je suis un grand francophile, j’essaye de devenir de plus en plus francophone, je me suis dit : bon, j’ai quelques jours à passer à Lyon, pourquoi pas visiter le théâtre ? Et ça m’a plu énormément, c’est amusant, c’est… La chose peut-être que j’ai appréciée le mieux, c’est la façon dont, les acteurs, les marionnettes ont réagi avec les enfants, c’était très très mignon, j’ai adoré ça.
-For me, Guignol is something very French, typically French and Lyonnais. And as I’m a great lover of all things French and am trying to become more like native French speakers, I said to myself: Okay, I have a few days to spend in Lyon, why not go visit the theatre? And I really enjoyed it, it was fun. It was… the thing I appreciated the most, it was the way in which the actors, the marionettes, interacted with the children. It was very, very cute. I loved that.
Un jeu qui n’est pas sans rappeler aussi Punch and Judy. Stéphanie Lefort.
A play which reminds us of Punch and Judy. Stéphanie Lefort.
-Alors Punch et Judy en fait est héritier de toute une tradition issue de la commedia dell’arte, du 16e siècle alors que Guignol est arrivé évidemment bien plus tard au début du 19e siècle, Laurent Mourguet qui a créé Guignol manipulait avant Polichinelle, donc toutes ces espèces de cousins-là, Punch and Judy, Polichinelle, etc. qui ressortent un petit peu de la même tradition et de la même façon de jouer et donc Guignol il est allé puiser là, il est allé puiser à cette source Laurent Mourguet, donc on retrouve les coups de bâtons, on retrouve la manière de mettre en crise comme ça les conflits sociaux, on retrouve évidemment l’insolence, on retrouve l’humour, une espèce de manière aussi de présenter les choses très saccadée, sur le mouvement, le geste, les coups de bâtons, etc. c’est assez violent quand même comme spectacle, mais en dehors de ça les différences, c’est que là où Punch and Judy, Punchinella sont des marionnettes qui refont le monde, qui racontent l’histoire de la naissance, de la mort, etc. Guignol est une marionnette engagée politiquement qui va raconter aux gens leur quotidien, c’est de la marionnette de proximité j’allais dire, là où Polichinelle raconte des histoires un peu mythique, Guignol lui il est ancré dans l’actualité.
-So, Punch and Judy were the heirs of a tradition stemming from the ‘comedia dell’arte’ of the 16th century, while Guignol, indeed, came along much later, at the start of the 19th century. Laurent Mourguet, who created Guignol, previously operated Polichinelle, sothere wereall of these like cousins, Punch and Judy, Polichinelle, etc., who came a bit out of the same tradition and with the same way of performing, and so withGuignol, he (Laurent Mourguet) drew from that, he drew from this source. So, we have again the hits with the stick, we have again the method of making a crisis out of social disputes. We indeed have again impertinence, humour, also a very staccato way of presenting things, with the movements, the gestures, the hits with the stick, etc. It’s rather violent, nonetheless, as a show, but outside of that, the differences, it’s there where Punch and Judy and Punchinella are marionettes who remake the world, who tell the story of birth, death, etc. Guignol is a marionette who is politically committed and who’s going to tell people the daily news. He’s a neighbourhood marionette, I would say. Whereas Polichinelle tells more mythical stories, Guignol, he’s anchored in current events.
Dans le rôle de Guignol aujourd’hui, Laurent Gaudau. En 200 ans, la marionnette a gardé le même esprit, et une certaine liberté de ton.
Laurent Gaudau plays the role of Guignol today. In 200 years, the marionette has kept the same wit and adefinite freedom in his voice.
-Je représente un Guignol, voilà, d’une trentaine d’années, qui s’adresse aux enfants comme aux adultes puisqu’on essaye d’y mettre à chaque fois des petites touches que les adultes comprennent, les enfants y voient autre chose : des images, voilà, mais sur des jeux de mots, sur des situations. Il est toujours habillé de la même façon avec sa redingote, son chapeau, sa petite couette là derrière, même au niveau du visage, ça ça n’a pas trop changé, ce qui change effectivement, ben c’est l’actualité, le vocabulaire, les choses comme ça même si on y met aussi des « lyonnaiseries », hein ce qu’on appelle des petites « lyonnaiseries » de vocabulaire, après il reste inspiré par l’actualité puisque de toute façon au départ c’est un personnage de rue qui s’adresse aux gens de façon spontanée, pour parler de choses, bon voilà sociales, de politique, culturelles, que ce soit local ou national.
-I’ve been playing Guignol for some thirty years. He speaks to children and adults as well, since we try to add in each time little bits that the adults understand, and the children see something different: pictures, but with a play on words, on situations. He’s always dressed in the same way with his frock coat and his hat, dragging his little quilt behind. Even his face hasn’t changed that much. What’s definitely changed are the current events, the vocabulary, things like that, even adding in Lyonnais expressions, what we call little Lyonnais expressions of vocabulary. Additionally, he stays inspired by current events since, anyway, from the start he’s been a street character who speaks to people in a spontaneous fashion to talk about things, well, social, political, and cultural things whether they be local or national.
Dans la salle, les enfants continuent d’en prendre plein les yeux et les oreilles. Il faut dire que derrière, dans le castelet, le terrain de jeu des acteurs, le spectacle va à 100 à l’heure.
In the room, the children continue to take it all in, their eyes and ears wide open. It has to be said that behind, in the -castelet, the actors’ performing area, the show is going at 100 miles an hour.
-Ça fait un peu mal aux bras parce qu’elle fait quand même son petit poids, hein, la tête. C’est du tilleul creusé mais qui pèse un petit peu son poids, y a dans la technique, arriver à choper les labiales, pour que la marionnette, enfin la voix soit vraiment sur le mouvement de la bouche, ça aussi, ça fait travailler la main pas mal parce que c’est la main qui fait ça, donc ça demande un peu de souplesse, de préparation et puis après c’est vraiment une habitude et après c’est vrai qu’on prend du plaisir dans le jeu puisque le but étant que, en-dessous, même si on nous voit pas, nous on est en jeu en permanence, on s’amuse, on joue, on se regarde et puis après la marionnette suit, et là le plaisir il vient quand ce problème technique est un peu dépassé, le problème physique est un peu dépassé, mais on a mal quand même encore…
-It hurts the arms a bit because she has a bit of weight to her, the head. It’s made from hollowed-out lime wood, but it still a bit heavy, there in the technique, to be able to stop the lips so that the marionette, in fact,so that the voice really goes with the movement of the mouth.That, too, works the hand quite a bit because it’s the hand that’s doing it, so it takes some flexibility and preparation, and then later on, it really becomes a habit, and then it’s true that you really enjoy the play, since the goalis that, underneath, even if they don’t see us, we’re a permanent part of the play, and we have fun, we perform, we watch each other, and then the marionette follows. And there, the enjoyment comes when the technical difficulties are somewhat over, the physicalstrains are somewhat over, but we still have difficulties nonetheless…
Musique : « t’es vraiment qu’un cornichon car le loup n’existe pas, les fantômes et les démons, tout ça, ça n’existe pas, pas de quoi en faire une chanson….
-You’re really a nitwit because the wolf doesn’t exist, the ghosts and the demons, all that, doesn’t exist, it’s nothing to make a song and dance about.
François Chevalier
François Chevalier
-C’est pas mal physique, oui, c’est assez la course, parce qu’il faut à la fois gérer ce qui se passe là-haut donc ce que voient les gens, et puis gérer tous les déplacements, gérer tous les décors, changer tout ça, préparer les accessoires, aider les collègues à gérer leurs accessoires à eux, bouger dans tous les sens, gérer les bruitages, c’est nous qui gérons les bruitages aussi, donc y a pas mal de choses à gérer en même temps, faut savoir faire vivre quelqu’un en haut de la main droite ou gauche et puis vivre les coulisses pour ce qui est du bas du reste du corps, qui gère ce qui va se passer après. C’est souvent une réinvention perpétuelle, même dans les spectacles des fois on a des idées, on les jette en plein spectacle, les autres comédiens réagissent comme ils peuvent, y a pas mal de réinvention, y a pas mal de réécriture régulière pour les spectacles d’entreprise et puis les spectacles pour les adultes, y a pas un spectacle qui ressemble à l’autre. C’est un vrai plaisir quand on est comédien, y a une vraie séparation entre le comédien et le personnage, qui est nette, y a vraiment une très grande joie à manipuler, on a une ouverture d’imaginaire qui est beaucoup plus grande que dans la vraie vie, on peut faire faire des choses aux marionnettes qu’on arriverait physiquement pas nous à faire et visuellement on peut rendre des choses en marionnettes qui n’auraient pas la même ampleur en théâtre dit classique, donc c’est une plus grande liberté.
-It’s quite a bit of physical work, yes, it’s rather like a race because you have to manage all at once what’s happening above, so, what the people see, and then manage all of the movements, all of the decors, change all that, prepare the accessories, help your colleagues to manage their accessories, move in all directions, manage the sound effects. We’re the ones who manage the sound effects, too, so there are quite a few things to manage all at once. You need to know how to make someone come alive from above with your right hand or your left, and then to get active behind the scenes, for it’sthat whichis out of sight that’s going to manage what happens next. You’re often continually recreating, even in the show, sometimes you get ideas, and you throw them right into the show. The other actors react the best they can, there’s quite a bit of recreating, quite a bit of rewriting on a regular basis for the shows for businesses and also the shows for adults. There’s not one show which resembles another. It’s really a pleasure to be an actor. There’s a real separation between the actor and the character, which is clear. It’s really a great pleasure to operate (a marionette), you have an openness of imagination which is much larger than in real life. You can make the marionettes do things that you couldn’t physically do to people, and visually, you can make things happen with marionettes that wouldn’t have the sameeffect in, say, the traditional theatre, so you have more freedom.
-En attendant de vous revoir et ben Guignol et moi «on vous coque le museau!
-Oui et même qu’on « vous fait péter la maille.
-Ca veut dire qu’on vous embrasse bien fort et surtout les enfants continuez de grandir.
-Et pis quand vous serez grands et bien revenez avec vos enfants.
-Allez à la revoyure!
-Au revoir…!
-Until we see you again, Guignol and I, we give you a big kiss.
-Yes, and we also give you a big squeeze.
-That means that we give you a big hug, and especially you children. Continue to grow up.
-And then when you’re grown up, come back with your children.
-Until the next time.
-Bye.