Richard Good
Le membre de l’Académie française Eric Orsenna est toujours incontournable lorsqu’il fait le tour des plateaux de télévision et de radio.
Il fait partie de ces intellectuels qui allient profondeur des connaissances et simplicité d’expression: après l’avoir écouté, on se sent à la fois éclairé et heureux que de tels esprits existent.
Vous connaissez peut-être ses livres sur la langue française : La grammaire est une chanson douce et Les chevaliers du subjonctif.
Ce que l’on sait moins, c’est que son premier domaine d’étude était la science politique – et sa spécialité, la façon dont les besoins en eau influent sur la géopolitique du monde.
Et c’est la combinaison de la simplicité et de la qualité de l’écriture ainsi que de l’expertise qui fait de son dernier livre La terre a soif une excellente lecture pour les apprenants avancés en français qui s’intéressent à l’environnement et à la politique.
A priori, le sujet du livre, quelque peu déprimant, peut rebuter. Les réserves d’eau de la planète sont de plus en plus sollicitées par l’expansion de la population mondiale, et le changement climatique ne peut qu’exacerber les problèmes qui en résultent pour les générations futures.
Toutefois il ne s’agit pas d’un ouvrage aride. Orsenna nous emmène en voyage pour visiter 17 grands fleuves du monde. Et si l’objectif est de nous montrer l’état fragile de ces sources de vie, entre ses mains, il se lit comme un roman policier.
Dans cette scène, il est en réunion avec le maire de Toulouse :
Soudain, le téléphone sonne.
« C’est pour vous dit le maire : le préfet de Région. Il a eu connaissance de votre venue. Il veut vous voir. »
Une heure après, Pascal Mailhos m’annonçait tout de go la mauvaise nouvelle :
« Je n’ai plus d’eau dans la Garonne. On m’a dit que vous connaissiez le sujet. Qu’est-ce que je peux faire ? »
Au milieu d’observations qui donnent à réfléchir sur l’état de notre planète, les touches d’humour d’Orsenna nous sautent encore plus aux yeux. C’est ainsi qu’il commence son chapitre sur la Loire :
Pour oublier quelque temps le désastre de son mariage, notre mère nous emmenait deux fois par an saluer le berceau de sa famille : Saumur.
Orsenna dresse un tableau sans fard de l’état des fleuves du monde, mais insiste aussi sur l’existence de solutions – si seulement la volonté était là pour les appliquer. Pour reprendre les mots de Martin Malvy, un homme politique qui s’est intéressé de près à l’état de la Garonne :
Ici, comme dans bien d’autres lieux, personne ne pourra dire dans vingt ou trente ans : « Nous ne savions pas. » Nous savons que le réchauffement aura des conséquences dans le domaine économique, pour nos citoyens y compris sur le plan sanitaire. Nous savons que d’ores et déjà des villes ou des villages sont en situation de cessation de distribution d’eau potable pendant l’étiage. Nous sommes dans ce moment où l’on peut encore agir. La prise de conscience existe. Les objectifs sont partagés. Un mouvement se dessine et certaines des politiques évoquées se mettent en place peu à peu pour assurer l’avenir de la Garonne et des territoires qui en dépendent. Mais nous ne sommes pas encore – loin de là – à la hauteur des enjeux.